International
12H17 - jeudi 26 octobre 2017

Regard d’une jeune Barcelonaise sur la situation en Catalogne

 

La Catalogne est une ancienne Nation européenne intégrée dans le royaume d’Espagne. Nous, les Catalans, nous avons notre propre langue et une culture qui rassemblent plusieurs siècles d’Histoire. Notre capitale est Barcelone où l’on trouve le Parlement catalan, appelé “Generalitat” et instauré au XIIIème siècle, en 1283.

Pour comprendre l’actualité, il faut parler du passé. Après la dictature du général Francisco Franco, un homme qui est resté au pouvoir pendant une quarantaine d’années, un processus de démocratisation a commencé en Espagne, vers 1978. Un pacte constitutionnel, “l’Estatut”, a été mis en place pour assurer un équilibre entre les gouvernements catalan et espagnol. Ce pacte offrait à la Catalogne une autonomie dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la justice, entre autres. Dans un premier temps, il a été voté par les deux gouvernements puis il a été accepté, et réaffirmé par référendum en 2006 par l’ensemble de la population catalane. Mais en 2010, le tribunal constitutionnel espagnol, formé de 12 juges, connus pour être conservateurs, a contesté “l’Estatut”. Le peuple s’est senti floué puisqu’une loi acceptée par les deux gouvernements avait était brisée à cause des 12 juges.

Je raconte tout cela parce que la situation actuelle en Catalogne vient de très loin, ce n’est pas une question qui date de quelques mois.

Après le brisement de “l’Estatut”,  les gens ont fait plusieurs manifestations massives pendant les six dernières années. Plus d’ 1.500.000 personnes sont sorties dans les rues pour demander l’indépendance.

Aujourd’hui mais en fait depuis des années, la population se sent trahie, tous les efforts pour établir une relation équitable n’ont servi à rien. Au cours des dernières élections régionales du gouvernement catalan, la majorité parlementaire était indépendantiste. Le gouvernement soutenu par cette majorité indépendantiste a donc mené à terme le processus du référendum sur l’indépendance de la Catalogne.

Le 1er octobre dernier, ici en Catalogne, le référendum a eu lieu. Pourquoi a-t-on voté, malgré l’interdiction du gouvernement espagnol ? Parce que 80% de la population souhaitait faire un référendum. Il n’y avait pas seulement les indépendantistes qui voulaient s’exprimer. Malgré l’interdiction du gouvernement central actuel (de tradition franquiste) de faire le référendum, le gouvernement catalan a décidé de donner la voix aux gens.

A ce moment-là, il s’est produit un choc entre légalité et légitimité. Comment les femmes auraient–elles réussi à obtenir le droit de vote en son temps sans casser la légalité ? Comment serait-on retourné à la démocratie espagnole sans surpasser la légalité de Franco ?

Tout au long de la journée du 1er octobre nous avons vu la réponse du gouvernement espagnol : violence et répression sans limite. Nous sommes en plein XXIème siècle et ce gouvernement violent ne veut pas que les Catalans, quelle que soit leur idéologie, s’expriment par des élections et c’est très grave.

Les jeunes face au conflit Catalogne – Espagne

Beaucoup de personnes ont changé d’avis après avoir vu les actes brutaux et agressifs du 1er octobre. La majorité des personnes qui ont voté au référendum sont restées toute la nuit pour garder les bureaux de vote. Dans mon lycée et mon école primaire, le gymnase était envahi par les jeunes et les enfants qui ne veulent pas avoir un futur gris et incertain, voir leurs parents au chômage ou arrêter d’apprendre et parler le catalan à l’école parce que le gouvernement l’interdit.

Moi, avec la plupart des jeunes et adolescents de la Catalogne, je veux un pays multiculturel, plein de diversité et d’opportunités. Un pays basé sur la paix et la culture. Je veux continuer à étudier le catalan et l’espagnol, l’anglais et le français. Les langues sont la richesse de notre petit Etat car on a besoin d’elles pour connaître les autres cultures et grandir comme pays. Je souhaite avoir une bonne relation avec le gouvernement espagnol mais en ce moment, après les trahisons, le manque de confiance et la violence, c’est difficile.

Encore cette semaine, il y a eu l’emprisonnement de deux responsables politiques à cause de leurs idéologies. Je ne peux pas accepter la soumission et tous ces actes antidémocratiques. Je ne peux pas accepter un gouvernement qui ne me représente pas et qui offre la répression là où l’on offre le dialogue, la violence où l’on offre la paix et finalement je ne peux pas accepter la maltraitance ou le mépris d’une culture et de ses citoyens.  

Au fond, pourquoi veut-on l’indépendance ? Parce que c’est une base pour construire l’avenir, pour distribuer les impôts de manière plus égalitaire, pour décider des projets que l’on veut pour notre société et l’améliorer dans tous les sens possibles. Ce n’est pas pour créer des frontières, au contraire. La Catalogne, c’est un pays qui a besoin de se séparer d’une Espagne autoritaire ancrée dans le passé et qui limite la liberté d’expression et la démocratie.

Je suis heureuse d’habiter en Europe mais les gouvernements européens doivent aussi écouter les Catalans et les Espagnols qui sont réprimés de telle manière. Ils doivent voir que les manifestations faites en Catalogne ont été complètement pacifiques et que le dialogue est toujours l’option que l’on a choisie.

Dans mon lycée, pendant la récréation, on a écouté Imagine de John Lennon, et j’étais vraiment heureuse d’être avec tous mes copains avec qui je veux lutter pour nos droits et notre liberté.

Joana Roqué Pesquer

 

La rubrique Citizen kids est animée par Alexis Taube-Le Guern et donne la parole à des ados qui regardent et imaginent le monde.

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