International
23H08 - mercredi 5 juillet 2017

Ceci n’est pas Macron. L’édito de Michel Taube

 

Si lundi 3 juillet le Président de la République a habilement glorifié son accession au pouvoir par une déclaration solennelle devant quelque neuf-cents députés et sénateurs réunis en Congrès à Versailles, c’est qu’il a le goût (et besoin) du symbole.

Mais pas que.

Son discours sage, sophistiqué, intelligemment déterminé, souvent littéraire, a eu le mérite d’essayer de rendre aux institutions démocratiques leur dignité républicaine, façon Vème République.

Le discours de notre plus jeune président de la République résonnait avec la photo officielle que l’Elysée avait rendu publique quelques jours auparavant…

Le portrait officiel du Président Macron est un petit chef-d’œuvre d’art contemporain. Si l’on considère seulement le plan taille, à partir de la ceinture et vers le haut, la fenêtre grand ouverte sur le jardin fait guise de cadre, somptueux, aux projets du Président—et ce cadre est celui des institutions françaises et européennes. Vive l’Europe au passage… Et vive la France !

Un portrait dans un cadre. Et non la photo d’un homme.

Ceci n’est pas Macron . Mais plutôt l’idée que le président se fait de sa propre représentation. Une tentative d’oeuvre d’art.

Une photo – cadre qui évoque l’art de la représentation comme archétype de la Renaissance (et de la nouvelle ère qu’ouvre le quinquennat Macron). Tout un art, symbole de notre modernité, que soulignait Michel Foucault en introduction de son oeuvre Les mots et les choses en évoquant les Ménines de Velazquez.

Un cadre (plus que banalement “symbolique”) qui donne au portrait une allure presque napoléonienne. Dans le portrait commissionné en 1804 par Napoléon Bonaparte à Ingres, l’empereur évoque clairement la direction qu’il entend prendre. Son doigt pointé sur un décret et la cathédrale St Lambert à l’extérieur de la fenêtre symbolisent la restauration des relations crispées avec la papauté.

En revanche, comme Arnaud Benedetti, historien de la communication, l’a remarqué dans Le Figaro, «Macron nous fixe mais sa silhouette entrave la perspective qui ouvre sur le jardin. Le marcheur est arrivé mais quid de lavenir ? Le goût du secret sincarnerait-il dans cette échappée que lon devine dans son dos mais dont il nous dissimule le cheminement ?».

Ce goût du mystère a sans doute une dimension stratégique. Il est tout aussi certain que le Président entend à travers ces anciennes et redoutables “astuces” donner de la force et de l’élan à un mandat – comme lui-même l’a répété plusieurs fois à Versailles – qui n’a pas tout à fait été validé majoritairement (sauf dans l’Assemblée bien sûr) par “le peuple”.

 

Le rapport entre le verbe et l’image

Nous aurions dans l’enchaînement entre la photo officielle et le discours de Versailles la clé d’un mystère… Tous les observateurs soulignent que le président Macron compte communiquer par l’image abondante et toujours calculée et la parole rare et solennelle. Certes.

Mais quelle est l’articulation, la cohérence entre l’image et le verbe ? Foucault à nouveau, dans le même ouvrage, nous en donne une clé en soulignant, il y a maintenant un demi siècle, que depuis le XIXe siècle au moins, “le langage comme tableau spontané et quadrillage premier des choses, comme relais indispensable entre la représentation et les êtres […], perd sa place privilégiée et devient à son tour une figure de l’histoire cohérente avec l’épaisseur de son passé”.

Le langage présidentiel sera donc le cadre de l’image élyséenne…

Une chose est sûre : le Président de la République aura besoin de tous ses atouts pour éclairer – sans aveugler par le reflet de son image – les années qui s’annoncent, à travers une politique authentiquement nouvelle et efficace.

Espérons qu’Emmanuel Macron saura faire entrer la France et les Français dans la perspective – et les espoirs – que nous ouvrent le cadre et les fenêtres de l’Elysée…

 

Michel Taube

 

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