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18H40 - jeudi 8 décembre 2016

Journée mondiale des droits de l’homme : être pour la torture est une posture purement théorique. L’édito de Michel Taube

 

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Le 10 décembre, c’est la Journée mondiale des droits de l’homme. Saluons l’attribution du Prix Nobel de la paix au président colombien, Juan Manuel Santos, qui le recevra à Oslo des mains de l’Académie Nobel. Les parlementaires réunis en Congrès ont validé, le 30 novembre, un plan de paix remanié suite au référendum de rejet début octobre, entre les FARC et le pouvoir, mettant fin à des décennies de guerre civile. Une des rares bonnes nouvelles de l’année 2016.

Les partisans de la peine de mort sont de plus en plus nombreux

Mais penchons-nous quelques instants sur ce sondage commandité par le Comité international de la Croix Rouge dans 16 pays (vivant dans des zones de conflit, auxquels il faut ajouter les cinq membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU et la Suisse), intitulé « les voix de la guerre 2016 », et qui montre que les partisans de la torture comme moyen de guerre sont de plus en plus nombreux, par rapport à une même étude réalisée en 1999.

Certes, le CICR note « un décalage entre le positionnement de l’opinion publique et la pratique des États et des groupes armés. Ainsi, les violations des lois de la guerre – telles que les attaques contre les civils, les travailleurs humanitaires et les hôpitaux – persistent, alors que les résultats de l’enquête montrent clairement que la majorité de la population sait que ces pratiques sont inacceptables et que les civils comme les personnels de santé et les structures médicales doivent être protégés. »

Ceci dit, on sent que les garde-fous moraux, humanistes ou tout simplement ceux de l’Etat de droit faiblissent dans les esprits.
En matière de torture, presque une personne sondée sur trois dit considérer que la torture fait partie de la guerre plutôt qu’elle est un mal. Et 36%, contre 28% en 1999, considèrent qu’un « combattant ennemi capturé peut être torturé pour obtenir des informations militaires importantes ». On observe des nuances selon les pays : près d’un Américain sur deux se dit favorable à la torture, un Français ou un Britannique sur quatre, un Suisse sur cinq…

Les résultats de ce sondage ne sont donc pas étonnants. Ils vont avec l’air du temps. Selon une autre étude (réalisée par l’IFOP en juillet dernier), en 2000, un Français sur quatre (25 %) déclarait accepter le recours à la torture dans certains cas exceptionnels. Aujourd’hui, ils sont 36 % à y adhérer, plus d’un sur trois, selon cette étude réalisée pour l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat).

Entre ces deux dates, il y a eu le 11 septembre 2001 et notre entrée dans un nouveau monde où la guerre contre le terrorisme a profondément modifié notre rapport à l’Etat de droit, ainsi que la hiérarchie des valeurs et des priorités qui façonnent nos vies.
Si la vertu est le principe de la République, comme le disait Montesquieu, alors la vertu tend clairement à s’affaiblir, à la lecture de l’enquête.

Intime conviction

Certes, aucun dirigeant politique n’osera prôner publiquement le recours à la torture. Même Donald Trump, dans une interview le 22 novembre au New York Times, et Marine Le Pen en 2014, sont revenus sur des propos initialement approbateurs. Mais on imagine leur intime conviction…

Notons que c’est le général James Mattis, nouveau Secrétaire à la Défense, qui a convaincu le Président élu Donald Trump en lui expliquant qu’un suspect serait plus fiable avec des promesses de récompenses en cas de collaboration que sous la torture.

On imagine ce qui l’en serait de la peine de mort… On sait que Marine Le Pen est favorable à un référendum sur la question (alors qu’au Front National, à part Gilbert Collard, ils sont franchement tous pour…), tandis que la grande majorité des dirigeants de la droite et de la gauche y sont hostiles. Rappelons que le nouveau champion de la droite, François Fillon, a voté l’abolition de la peine de mort en 1981, et que l’un de ses mentors, Philippe Seguin, a fait partie du trio d’élus de droite (avec Bernard Stasi et Pierre Bas) qui ont demandé vainement (Peyreffite et Giscard d’Estaing ont fait barrage) l’abolition de la peine capitale (notamment par un amendement budgétaire supprimant les moyens affectés à la guillotine) dans les années 70.

Les victimes sont très rarement pour la torture ou la peine de mort

Mais c’est une autre idée que nous voulons partager : tout d’abord, petit préambule, à Opinion Internationale, nous n’aimons pas les sondages qui voudraient penser à notre place et influencer nos opinions. Nous sommes toujours dubitatifs sur la représentativité de 900 personnes, parfois beaucoup moins, souvent à peine plus, qui sont supposées refléter l’opinion intime de millions de personnes. 17.000 personnes sondées par le CICR dans 16 pays, c’est somme toute très peu.

Non, nous voulons insister sur ceci : pendant les années où l’auteur de ces lignes a mené le combat abolitionniste dans le monde, combien de fois avons-nous rencontré des citoyens qui se disaient pour la peine de mort pour les assassins d’enfants ou de policiers, et d’autres, aussi bien entendu, totalement hostiles. Or, pendant ces mêmes années, nous avons rencontré de nombreuses familles de victimes de criminels qui étaient résolument contre la peine de mort. Aux Etats-Unis, les abolitionnistes les plus actifs sont les familles de victimes (notamment Muders Victims’ Families for Reconciliation). En France, Françoise Rudestski, qui a largement initié le mouvement de défense des familles de victimes d’attentats, a toujours été fortement engagée contre la peine de mort.

Nous avons toujours été fasciné par cette posture théorique de celle ou de celui qui donne un avis sur un acte d’une violence inouïe. Acte qu’il est difficile de s’imaginer au détour d’une question d’un sondeur.

Nous sommes convaincu que la majorité des personnes qui se disent, dans un débat, au bout du fil ou sur le clavier de leur smartphone, partisanes de la torture ou de la peine de mort, changeraient d’avis si elles étaient en situation concrète de devoir décider. Et cela un sondage ne pourra pas l’analyser.
La vengeance gagne plus les citoyens lambda que les victimes elles-mêmes. C’est un paradoxe étrange mais qui en dit long sur notre humanité !

Michel Taube

Directeur de la publication

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