International
12H09 - samedi 8 octobre 2016

Législatives : le Maroc vote la bipolarisation, l’édito de Michel Taube

 

Le peuple marocain a parlé. Les Marocains ont voté hier pour renouveler la Chambre des représentants. Certes avec une faible participation de 43 %, soit 6.752.114 électrices et électeurs. Mais il n’y a pas qu’au Maroc que le « parti de l’abstention » est majoritaire…

Soulignons tout d’abord le calme qui a présidé à cette journée de vote. La sécurité, la sérénité étaient au rendez-vous, ce qui est à souligner en ces temps de craintes d’attentats. Les réclamations et contestations des résultats s’annoncent en net recul par rapport aux élections de 2011.

L’une des grandes originalités du scrutin marocain est que les électeurs ont voté deux fois : une fois pour un candidat local, et une fois pour une liste de 90 élus constituant la circonscription nationale, celle-ci prévoyant obligatoirement l’élection de 60% de femmes et un contingent de jeunes de moins de 40 ans. Généralement, un citoyen vote pour le candidat local et la liste nationale du même parti.

pam-pjd

 

PJD contre PAM

Les résultats viennent de tomber : le parti au pouvoir, le PJD (Parti de la Justice et du Développement), bref les islamistes, progresse légèrement et reste le premier parti du Maroc. Il aura  120 sièges. Et le parti des modernistes, le PAM (Parti Authenticité et Modernité), lui, fait une avancée fulgurante, gagnant plus de 60 sièges avec 102 élus annoncés.

L’enseignement clé de ce scrutin est que le Maroc entre dans une ère de bipolarisation de sa vie politique. Certes, de nombreux partis vont continuer à jouer le rôle d’appoint pour aider à constituer une majorité de gouvernement (l’Assemblée compte 395 sièges), mais, désormais, la vie politique marocaine tourne clairement autour de deux projets de société qui s’affrontent démocratiquement : islamistes contre modernistes.

Dès l’annonce des résultats partiels donnant gagnant le PJD, le PAM, par la voix de son porte-parole Khalid Adennoun, a d’ailleurs écarté toute possibilité d’alliance avec le parti islamiste. Certains y voient déjà le début d’une crise institutionnelle…

Nous y voyons plutôt l’annonce d’un possible retournement de majorité de gouvernement… Un rapide calcul montre que les Marocains peuvent nous réserver quelques surprises quant au gouvernement qui sortira des urnes. En effet, le Roi du Maroc, conformément à la Constitution, va nommer un dirigeant du parti arrivé en tête, donc au sein des islamistes du PJD, pour qu’il tente de constituer une majorité parlementaire et un gouvernement de coalition. Mais la forte progression du PAM d’une part et cette bipolarisation forte autour des projets de société avec deux grands partis hégémoniques pourraient placer, selon nous, le challenger en meilleure position que le PJD pour rassembler une majorité.

Pendant la campagne, quatre partis ont laissé entendre qu’ils pourraient s’allier avec le PJD (ou ne pas fermer la porte) pour faire barrage à la montée inexorable du PAM : le PI (Istiqlal) aura 46 sièges, le RNI (Rassemblement National des Indépendants) aura 37 élus, le MP (Mouvement populaire) 27 sièges, et le PPS 12 élus. Avec trois de ces partis, le PJD aurait une majorité parlementaire avec plus de 198 parlementaires. Mais le RNI, l’Istiqlal et le MP franchiront-ils le rubicon et noueront-ils une alliance qualifiée par certains observateurs de contre-nature ? Et prendront-ils le risque de connaître le sort qu’a connu le PPS qui a perdu beaucoup de crédit (et des élus) en acceptant de gouverner avec les islamistes pendant la législature finissante ?

Si, au nom des projets de société antagonistes, ces petits partis ou d’autres venaient à refuser de s’allier avec le PJD, les islamistes ne pourront gouverner.

En cas d’impossibilité pour le parti arrivé à tête d’atteindre ce seuil fatidique, et selon certains constitutionnalistes, le Roi, garant exécutif de la continuité des institutions, pourrait être amené à rebattre les cartes en nommant un autre chef de gouvernement, parmi les modernistes du PAM donc, plutôt que de dissoudre une Assemblée ingouvernable. De quoi éviter un scénario à l’espagnol…

 

Michel Taube

 

Directeur de la publication

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