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09H29 - mercredi 28 septembre 2016

Cuba, une transition qui n’en finit pas ?

 

Cuba aime les commémorations. Le 26 juillet, les Cubains ont fêté les 63 ans de la révolution, fête connue dans l’île comme le « jour de la rébellion » – dans le récit officiel, l’échec de la tentative de prise de la caserne Moncada le 26 juillet 1953 marque la naissance de la lutte armée conduite par Fidel Castro. Le 13 août, Cuba a fêté le quatre-vingt-dixième anniversaire de son « lider maximo » Fidel Castro, une longévité au pouvoir qui ferait des envieux dans plus d’un pays de la région mais qui cache mal l’échec d’un projet politique, notamment en matière économique et de libertés Cuba vit une période « spéciale » depuis 1997, et en se promenant dans le pays on constate que le présent de l’île est loin de refléter le paradis de l’égalité sociale promise par la révolution lancée en 1959. La reprise des relations diplomatiques avec les Etats-Unis, l’ouverture de lignes aériennes entre les deux pays changeront-elles la donne ? Reportage, ambiance sur place et petite histoire de la Cuba castriste.

 

Crédit photo : Angelica Montes Montoya

Crédit photo : Angelica Montes Montoya

En 2016, le salaire moyen d’un Cubain oscille entre 10 et 25 dollars par mois, et le mot révolution est entré dans un champ lexical très routinier pour une jeunesse lassée et résignée. Vu depuis l’intérieur, la dégradation des structures sanitaires, les salaires bas et l’amaigrissement croissant du carnet de rationnement sont quelques-uns des signes d’une politique économique qui a du mal à tenir ses promesses. En effet, la politique monétaire de Cuba depuis 20 ans est fondée, entre autres, sur l’usage parallèle de deux monnaies, le peso cubain (CUP) et la monnaie convertible (CUC) indexée sur le dollar. Ce système a fini par conduire à l’utilisation du CUC comme monnaie d’usage courant non seulement par les touristes étrangers ou par les Cubains aisés qui peuvent se payer des produits et des services « premium » proposés dans cette monnaie, mais aussi par les Cubains « normaux », celles et ceux qui font de la débrouillardise une stratégie de survie.  

Soixante-trois ans après la révolution, la jeunesse se détourne de l’utopie révolutionnaire, ses regards semblent loin, branchés sur le monde à l’américaine qui arrive à l’île par la télévision par câble, – illégale car seule la télévision officielle nationale est autorisée -, et de plus en plus par le téléphone portable et internet, qui reste d’accès difficile. Pour une partie de cette jeunesse, l’avenir est ailleurs, loin du Malecon et des quartiers de la Havane qui offrent le spectacle d’une ville après un bombardement.

Certes, le réchauffement des relations avec les Etats-Unis, depuis 2015, représente un changement majeur dans l’histoire politique récente de l’île, mais les Cubains lambda attendent encore de voir les retombées de cette « ouverture politique ».

La révolution, un bon souvenir

Dans la mémoire collective des Cubains qui ont vécu leur jeunesse durant les années 80, cette période représentent la période dorée de l’île : « nous les Cubains, nous vivions dans l’abondance du pétrole et de l’aide soviétique. Dès 1985, l’économie de Cuba a commencé à s’essouffler, mais les subventions soviétiques consistant à prodiguer des prêts non remboursables et à troquer pétrole contre sucre l’ont artificiellement maintenue à flot. La vie était facile car on avait tout gratuitement, même la nourriture nous était donnée par l’Etat. Comme nous travaillions tous avec et pour l’Etat, note salaire servait pour voyager dans l’île, on pouvait faire du tourisme ! Aujourd’hui ce ne sont que des souvenirs… Voilà, la révolution, c’est un bon souvenir ». Ainsi s’exprime Pepe, un Cubain de 60 ans qui regarde avec nostalgie les Mogotes du Valle de Viñales, une région où l’on cultive le tabac.

En effet, quand on regarde l’histoire de l’île, les années quatre-vingts se présentent comme un répit pour le gouvernement de Castro, car les entrées financières assurées par l’appartenance au Comecon et les subventions soviétiques ont permis d’offrir à la population un accès massif et soutenu à l’éducation, la santé et les loisirs desquels avait besoin l’homme nouveau de la révolution. Le Conseil d’Etat et le parti unique vivaient un moment idyllique car la population voyait enfin les bienfaits d’une révolution qui avait laissé des traces dans beaucoup de familles cubaines (chaque famille compte son lot de révolutionnaires et de contre-révolutionnaires).

Après la dissolution officielle de l’Union soviétique en 1991, Cuba est tombée dans une période d’austérité sans précédent. Cette période a été baptisée par le parti au pouvoir sous le nom de « période spéciale en temps de paix » (1989 – 1997).  En effet, avant 1991, 75% des exportations de l’île étaient destinées à l’URSS et au marché du Comecon. Ce Marché commun des pays communistes, dissous le 28 juin 1991, concernait 85% des échanges commerciaux de l’île, et seulement 12% en 1995. Bref, cette relation commerciale avait dopée l’économie cubaine avec l’achat du sucre payé à des prix très élevés sans rapport avec sa valeur marchande.

Dès 1990, l’île est entrée dans une économie de guerre, les pénuries paralysant peu à peu le pays, le PIB chute de plus d’un tiers entre 1990 et 1993. A partir de 1994, face aux révoltes internes dont la plus connue est le « Maleconazo », du nom du boulevard du front de mer de la Havane. En août 1994, des centaines de personnes se sont regroupées pour protester contre la situation et exiger du parti des solutions et plus de liberté. En réponse, le gouvernement a annoncé l’ouverture unilatérale des frontières : on estime que plus de 35.000 Cubains ont pris la mer pour atteindre les côtes des Etats-Unis situées à 150 km, un évènement migratoire connu comme « los balseros » du nom des embarcations de fortune utilisées. Ces exilés deviendront une source importante de revenus pour Cuba grâce aux « remesas » (mandats) qu’ils envoient depuis les Etats-Unis à leurs familles restées dans l’île.

Le gouvernement tente alors de reprendre la situation en main en favorisant le tourisme et l’investissement étranger, avec la création d’entreprises mixtes dans les mines, le tabac et les infrastructures touristiques. Une nouvelle période politique et économique s’ouvre pour l’île, celle d’une -toute relative- décentralisation de l’économie. Ainsi, apparaîtront les premiers auto-entrepreneurs (cuenta propista, en espagnol cubain) dans le secteur du tourisme, la restauration… Ce micro secteur privé, en expansion depuis 2011 avec un assouplissement de certaines lois, est très dynamique et permet de réduire le nombre de chômeurs.


Cuba à l’heure américaine

Aujourd’hui, le Conseil d’Etat (haute instance de gouvernance) sous le commandement de Raúl Castro poursuit ces changements avec la « normalisation » des relations avec les Etats-Unis. Cuba est dans ce que le parti nomme le « perfectionnement du système socialiste » qui semble être la continuation inexorable d’une politique d’ouverture économique à la nouvelle sauce cubaine, c’est-à-dire un mélange de dogmatisme discursif et de pragmatisme économique.

Les investissements étrangers arrivent de partout (Europe, Moyen-Orient, Amériques) et le tourisme se positionne comme un secteur clé de la renaissance de l’économie cubaine. Dans les mois à venir, on assistera à une augmentation du nombre de bateaux de croisière qui accosteront dans la baie de Cienfuegos et les vols charter seront sans doute plus fréquents, y compris ceux venant des Etats-Unis. Le 31 août a eu lieu le premier vol commercial entre les Etats-Unis et Cuba, alors que le trafic aérien était resté interrompu durant 55 ans entre les deux pays suite à l’embargo établi durant la guerre froide.

Entre temps, les Cubains continueront à faire ce qu’ils ont appris à faire depuis longtemps : faire semblant d’obéir, de travailler, d’être payés, d’être au diapason de la consigne « Socialismo o muerte » !

 

Angelica Montes Montoya

 

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