International
09H38 - mercredi 14 septembre 2016

Le TAFTA n’est plus l’enjeu, l’analyse de Charlotte Dammane

 

Las ! Les négociations sur le TAFTA n’en finissent pas. Il ne passe plus un mois sans qu’un nouveau rebondissement défraie la chronique. En avril, Barack Obama faisait sa tournée européenne et alertait les Britanniques : pas de TAFTA à la carte en cas de Brexit. En mai, Greenpeace dévoilait une série de documents confidentiels révélant de nombreux blocages dans les négociations, notamment sur la question de la protection des indications géographiques européennes. Dans la foulée, la France affichait à nouveau son scepticisme quant à la possibilité d’une issue positive sur ce traité, jugeant à la fois qu’une conclusion avant la fin de l’année 2016 était irréaliste et que les Etats-Unis ne jouaient pas le jeu d’une négociation sincère. En juin, la Commission européenne sortait son joker : une demande officielle à tous les Etats membres de confirmer leur soutien au mandat qu’ils lui avaient donné en 2013. La France ne s’y opposa pas. En juillet, 13ème round de négociations, comme si de rien n’était, avec les traditionnelles conférences de presse communes affichant de nouveaux progrès sur des questions techniques et un niveau d’ambition plus élevé que jamais.

Enfin, en cette rentrée 2016, coup de théâtre : la France, par la voix de son secrétaire d’Etat en charge du commerce extérieur, Matthias Fekl, annonce qu’elle demandera officiellement fin septembre à la Commission de mettre fin aux négociations. Le Président de la Commission Jean-Claude Juncker et le Président du Conseil Donald Tusk crient au scandale.

Comment s’y retrouver dans ce débat à la fois percutant et obscur ? Les analyses sont finalement peu nombreuses. La plupart du temps, elles se résument à des critiques. Critiques de la France qui affiche ses réticences un jour mais redonne sa confiance à la Commission le lendemain. Critiques d’un gouvernement qui s’oppose au TAFTA mais soutient le CETA, l’accord avec le Canada, un « anti-TAFTA », selon Matthias Fekl. Critiques de la Commission européenne qui, vis-à-vis de l’extérieur, prétend que les discussions avancent mais dans ses documents internes reconnaît que les Etats-Unis n’accepteront jamais d’ouvrir leurs marchés publics locaux et n’arrêteront pas de produire du « Champagne » ou du « Sauterne » sur leur sol…

 

Trouver un équilibre, telle est la quadrature du cercle

Il existe pourtant au moins deux grilles d’analyse qui permettent de mieux comprendre ce qui se joue. La première, c’est que le gouvernement français n’est ni totalement pour ni totalement contre le libre-échange. Ce n’est pas une faiblesse, n’en déplaise à certains, mais un équilibre délicat à trouver qui seul peut garantir à la France d’être encore entendue en Europe. Car un pays qui s’affirmerait en bloc opposé au libre-échange serait inaudible.

La France a remporté un succès en fixant trois priorités : la réforme du mécanisme d’arbitrage qui permet aux entreprises privées d’attaquer des législations étatiques, la meilleure protection des indications géographiques et l’ouverture des marchés publics. C’est en soutenant l’accord avec le Canada, qui a répondu présent sur ces trois volets, que le gouvernement français estime qu’il sera réellement crédible en demandant l’abandon des négociations avec les Etats-Unis. Le point d’équilibre choisi n’est peut-être pas le bon, il est peut-être souhaitable d’être plus protectionniste encore, ou plus ouvert, mais la recherche en tant que telle d’une position équilibrée ne peut être condamnée.

 

Le jour d’après…

L’autre analyse à prendre en compte, c’est tout simplement que le TAFTA n’est déjà plus l’enjeu. Ce traité est mort, ou en tout cas malade pour longtemps. Il n’est pas prêt de voir le jour. La cause des déclarations tonitruantes, côté américain, français ou européen, c’est l’enjeu du jour d’après. Imaginons un instant que le projet de TAFTA soit abandonné. Que fera la Commission le jour d’après ? De tous les accords actuellement en discussion, avec qui poursuivra-t-elle ses négociations ? Quelles priorités défendre, puisque ce qui faisait consensus hier est dénoncé aujourd’hui ? Les lignes bougent, et la Commission ne peut même plus compter sur le soutien traditionnel d’une droite européenne majoritaire et unie dans sa défense du libre-échange.

La semaine dernière, Nicolas Sarkozy a annoncé vouloir retirer à la Commission son monopole dans la négociation commerciale avec les partenaires extérieurs, pour la confier plutôt au Conseil qui représente les Etats-membres. Cette proposition est un coup de canif brutal dans le texte des traités européens et notamment du traité de Lisbonne, que Nicolas Sarkozy a lui-même fait ratifier pour contourner le vote français de rejet de la Constitution européenne. Les réactions sont extrêmement négatives, y compris au sein du Parti Populaire Européen, dont le président s’est immédiatement désolidarisé du candidat français. Et à juste titre, car si à chaque fois qu’une politique européenne fait débat ou que la solution proposée est celle d’un retour à plus de national et moins d’européen, bientôt l’Europe ne sera plus.

Plutôt qu’un débat enragé, où chacun reste arc-bouté sur ses positions et accroché à ses prérogatives, la seule position courageuse serait de se mettre autour de la table, Etats-membres et institutions européennes, pour définir les contours d’une politique commerciale renouvelée dans sa forme comme dans son contenu. Un travail long et fastidieux, mais sans lequel les rouages de la politique commerciale européenne resteront durablement grippés, au détriment de tous.

Charlotte Dammane

Retrouvez son interview sur TV5 Monde : https://www.youtube.com/watch?v=LuZ0gwjPZKs

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