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11H47 - mercredi 13 juillet 2016

Un sommet des Balkans pour la coopération régionale à l’heure du Brexit

 

Le sommet des Balkans du 4 juillet 2016 de Paris ( le 3ème Sommet UE/Balkans), a réuni en une seule journée fleuve huit événements, un forum de la société civile et un forum d’affaires où ont participé les chefs de Gouvernement, les ministres des Affaires étrangères et les ministres de l’Economie des Balkans occidentaux (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Ancienne République yougoslave de Macédoine, Monténégro, Serbie). Des invités y participèrent notamment la Croatie, la Slovénie, l’Autriche, l’Allemagne, l’Italie ainsi que des représentants de l’UE et des institutions financières.

Crédit photo : N. Bauer

Crédit photo : N. Bauer

Les enjeux de la coopération régionale proposés au sommet

Les intentions de ce sommet sont à la lecture prometteuses :  » désenclaver la région, favoriser les échanges économiques, faciliter la mobilité des jeunes au sein de la région et au sein de l’UE ».

Ceci étant, le pivot de ce sommet réside dans la création de l’Office régional pour la coopération de la jeunesse (RYCO) – qui va siéger dans la capitale albanaise – à l’instar de l’OFAJ, Office franco-allemand pour la jeunesse. Diversité d’échanges multiformes (culture, sport, formations professionnelles, pédagogie) et extension de dispositif Erasmus. L’ensemble de ces initiatives s’inscrit dans le dessein de “réconcilier” et “ de promouvoir le travail de mémoire” pour inciter “ le rapprochement avec l’Europe ».

Par ailleurs, ce sommet prône plus de connectivité entre les états afin de contrer la lutte contre le terrorisme, des projets ferroviaires, dont “ une liste de trois nouveaux projets dans le domaine du transport ferroviaire qui bénéficieront d’un cofinancement de l’UE de près de 100 millions d’euros” et “une stratégie régionale d’électricité”. Quant à la “route des Balkans”, le sommet propose de “renforcer la coopération en matière de lutte contre les trafiquants d’êtres humains et le contrôle aux frontières extérieures”. Plus de soutien financier avec la présence de la Banque Mondiale et la Banque européenne d’investissement sans oublier pour autant “la participation des jeunes au marché du travail”, une initiative remontant au dialogue économique et financier entre l’UE et les Balkans occidentaux ainsi que la Turquie en mai 2016.

Comprendre dans un ensemble plus vaste

Si l’on évalue l’écho de ce sommet, dans la presse balkanique, il faut bien avoir en tête que ces états fragmentaires confrontés cycliquement à des crises systémiques, à des questions d’affairisme et de corruption, sur fond de lourdeur administrative et institutionnelle conduisant à des paralysies, attisés par des conflits internes partisans, sont en proie à la montée de l’ euroscepticisme et du chômage de masse. Tout cela, exerce un impact sur les peuples se trouvant sous l’emprise d’une anomie complète, c’est à dire d’une perte de règles de conduite sociales lorsque tout est arbitré ailleurs tandis que l’avenir se joue souvent dans le passé douloureux.

Le lourd passé des “accords” répétés, les questions identitaires, les substituts de projets politiques, l’idéologie pouvant se nourrir dans certaines formes d’islamisme radical, les réformes économiques et la vague des privatisations imposées, ternissent l’aura des peuples des Balkans. Les gouvernances se démènent avec des chapitres bloqués et débloqués concernant les projets d’adhésion à l’Union européenne, alors que l’on sait que l’élargissement est durablement stoppé. D’ailleurs, divers acteurs sont à l’oeuvre comme la Chine, la Russie, la Turquie, les EAU. Quand on rassure à bon compte les états balkaniques sur le fait que « l’élargissement européen n’est pas affecté », en dépit du coup de tonnerre que constitue le Brexit, il n’est pas certain que les peuples confrontés à la crise sociale, économique et inquiets quant à la résolution du processus migratoire, se satisfassent de ce qui apparaît surtout comme une opération d’affichage.

Comment situer la stratégie de stabilité régionale envisagée à l’endroit des Balkans

Dans les Balkans, l’on assiste à un excès d’histoire, de lectures, de conflits d’interprétation, de mythes devenant des vérités historiques, à un excès de passions, ce qui rend presque héroïque la mémoire. Le travail de mémoire est certes une des clés de l’avenir réconciliateur des Balkans. Les jeunes, certes, auront la tâche décisive de retisser des liens générationnels afin d’exorciser les démons du passé. Néanmoins, il appartiendra aux historiens et aux chercheurs de susciter un usage apaisé et partagé de cette histoire régionale complexe.

On constate dans la région une mise en récits d’événements en remuant l’histoire, en la fabriquant sans que les historiens puissent être en avant-garde. Ainsi, cette situation engendre « une perte de substance » (P. Nora).

Entre blessures de guerre et blessures de paix, le travail de mémoire ne permet pas la réconciliation immédiate. Il s’agirait alors d’une harmonisation de la mémoire à travers la reconnaissance.

Reconnaître impliquerait un travail d’élaboration partagé permettant d’accéder à une forme de vérité historique acceptée à terme par les différentes parties. Une telle démarche évidemment s’avèrera d’une extrême complexité pour la région au-delà des conjonctures et mobilisera des structures intergouvernementales ainsi que des experts extérieurs : historiens, juristes, universitaires, anthropologues, sociologues, documentalistes.

Comment l’Allemagne situe ses projets balkaniques ?

Force est de constater que dans une nouvelle configuration géopolitique et une crise des institutions européennes et de la monnaie unique, l’Allemagne tente de prendre la main sur la question des infrastructures au regard de la Chine qui s’est positionnée fortement sur cet enjeu avec la “route de la soie”. En outre, avec le déblocage des chapitres pour la Serbie, elle souhaite apaiser la Serbie.

L’autoroute Nis-Pristina-Durrës-Belgrade, un projet convenu depuis 2015 et ses diverses sections notamment Nis- Pristina, – un trajet évoqué lors du sommet de Paris entre les Premiers ministres albanais et belgradois – complète aisément les constructions de la voie ferrée Budapest-Belgrade, l’axe partant du port du Pirée via Macédoine et Belgrade pour suivre l’Europe centrale et orientale ainsi que la ligne de train à grande vitesse entre Athènes et Budapest, via la Macédoine et la Serbie (axe Nis-Belgrade-Novi Sad), des projets financés par les chinois, fournisseurs et clients conséquents de l’Allemagne.

De même, sur le dossier énergétique, l’Allemagne et l’UE sont confrontés à la relance possible de Turkish Stream. Reste à savoir si la Commission européenne ne poserait pas de nouveau comme condition le respect des dispositions contenues dans “le troisième paquet énergie”.

Après le Brexit, la stratégie allemande se veut être une stratégie puissante économique dans les Balkans. A cet égard, l’Allemagne devrait composer. En revanche, la question qui se pose, c’est la politique américaine dans la région, certes, affaiblie par le Brexit, mais qui ne renonce pas à combattre la montée en puissance de la Russie voire de la Chine.

Après la crise des migrants, Angela Merkel devra chercher une position non conflictuelle à l’égard de la Russie et de la Chine et se tenir à l’écart des derniers événements en Macédoine (ARYM). Donc, s’imposer comme acteur riche sans heurter de front les acteurs de poids ! N’oublions pas que l’Allemagne, en outre, a pris la présidence de l’OSCE depuis janvier 2016. Il conviendra d’observer comment la chancelière Merkel, se situera à l’égard de l’OTAN dans un contexte toujours tendu.

Ses préoccupations stratégiques lui inspireraient plutôt prudence et modération, la bataille qui se joue étant moins celle de l’élargissement que celle qui vise à maîtriser le développement de la région dans le sens des intérêts allemands.

 

Arta Seiti, chercheuse en géopolitique, responsable du groupe d’études balkaniques au sein de  l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE)

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