Pim Verschuuren est spécialiste de diplomatie sportive, de la gouvernance et de l’intégrité des organisations sportives et des questions liées à la corruption dans le sport.
Entretien avec un des chercheurs de l’IRIS.
Comment mesurer l’impact du sport sur les relations internationales ?
Il s’agit d’analyser comment les États intègrent le sport en utilisant sa popularité à des fins économiques ou de rayonnements (soft power). Les États-Unis, par exemple, utilisent le sport pour des échanges avec des pays dans lesquels ils connaissent un déficit de popularité. Ils ont notamment permis de développer le soccer dans certaines parties du monde, comme le Maroc et l’Afghanistan après 2001, via le programme Sports United. Ils mettent aussi l’accent sur l’accueil dans les campus universitaires pour montrer les mérites du modèle social et culturel américain.
On en parle surtout depuis une dizaine d’années car les pays émergents (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) et les pétromonarchies (Qatar, Azerbaïdjan, Kazakhstan, Turkménistan) se sont à leur tour emparés du sport. Ces nations avaient besoin de montrer qu’elles étaient modernes et mondialisées en diffusant des images positives (de leurs infrastructures, de leur capacité à gérer la foule et à accueillir un public divers…). Et quelle meilleure exposition médiatique que ces buildings rutilants qui ont grandi depuis quinze ans sur la vente d’hydrocarbures (ex : le circuit de Bakou en centre-ville pour le GP de F1) ? Cette exposition peut parfois flatter la fierté nationale, comme à Pékin en 2008 ; dans ce cas précis cela s’apparentait à un soutien au régime en place et à un moyen de réunir la population.
Jugez-vous que la période actuelle en matière de corruption dans le sport est l’une des plus critiques jamais vécues ?
Je ne sais pas. Avant tout était permis, c’était ancré. Il faudra attendre plusieurs années pour que les fédérations fassent leur mue. Mais l’époque n’est plus la même. Rendez-vous compte que des magistrats suisses peuvent désormais poursuivre des dirigeants sportifs pour des faits de blanchiment d’argent (depuis décembre 2014) et de corruption (depuis juin 2015) ! Un mur d’impunité est tombé et les scandales en appellent d’autres avec les lanceurs d’alertes…
La Fifa est-elle l’arbre qui cache la forêt en matière de corruption ?
Oui. La fraude et la corruption sont installées à la tête du sport mondial ! La Fifa est la première fédé dans le monde, c’est donc elle qui brasse le plus d’argent, mais le CIO est-il la prochaine victime ? On a beau connaître tous ses membres, leur vote reste anonyme… D’ailleurs, parmi les enquêtes en cours, il y en a une autour de l’attribution des JO 2020 à Tokyo.
Vous avez été responsable du programme européen « What national networks to fight against match-fixing ? » Tous les États de l’UE jouent-ils le jeu de la transparence à ce sujet ?
C’est hétérogène. D’un côté, nous avons des pays très actifs en ce domaine – des pays qui ont connu des scandales de trucages de matches – et, de l’autre, des nations qui n’ont pas encore signé la convention du Conseil de l’Europe sur la manipulation sportive. Nous sommes pourtant en situation d’urgence, et il faut seulement trois autres signatures, aux côtés de celles de la Norvège et du Portugal, pour ratifier le texte…
Comment, sans législation internationale fiable, lutter contre les paris truqués venus notamment d’Asie ?
Le mouvement sportif doit d’abord se mobiliser avec des campagnes de sensibilisation auprès des athlètes. Il faut signaler les dangers des approches criminelles, en marge des tournois, dans des hôtels, via des réseaux sociaux… Et mettre en place des procédures de remontée d’infos pour pointer du doigt les problèmes. Le monde sportif devrait aussi aider les clubs à devenir financièrement viables pour qu’ils soient moins vulnérables. En 2011, 45 % des clubs des pays de l’Est avaient des retards de salaires ! Même en Espagne, des petits clubs sont touchés.
Le thème de la conférence organisée par l’IRIS le 25 mai dernier était « Défis pour l’image et la sécurité de l’Euro 2016 » : les deux notions sont-elles forcément indissociables ?
Bien sûr. Pour la France et pour Paris 2024, la tenue d’un Euro sans encombres et sécurisé est vitale. Les menaces existent, elles sont quasi régulières, et n’importe quel accident, ainsi que sa gestion, sera critique.
La France doit-elle à nouveau craindre une attaque terroriste même en situation d’État d’urgence ?
Je ne connais pas l’état de la menace, mais elle existe depuis plusieurs mois, et chaque événement mondial constitue une cible privilégiée pour les terroristes. On se souvient tous des JO de Munich en 1972 et du marathon de Boston en 2013, même si la sécurité est renforcée. L’Euro 2016 est une vitrine mondiale, ce serait donc l’occasion pour les terroristes de frapper un grand coup.