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11H29 - mardi 31 mai 2016

Voler pour manger : nécessité devrait faire loi

 

Jean Valjean aurait-il mieux vécu en 2016 ? La France condamne aujourd’hui encore (à nouveau ?) pour vol de nourriture. Parfois à des peines de prison. Avec sursis peut-être, mais quand même. Et cela fait débat, justement, au sein des associations de défense des sans-abri. Mais comment, par ailleurs, ne pas être interpellé par le fait que voler pour manger puisse être de nos jours une nécessité ?

Crédit photo : Sigurdas, Wikimedia Commons

Crédit photo : Sigurdas, Wikimedia Commons

Le 30 mai 2015 à Nantes, un homme a été condamné à trois mois de prison avec sursis et 105 heures de travaux d’intérêt général. Son crime ? En octobre 2014, il avait escaladé une barrière en compagnie de deux amis pour aller récupérer dans la cour d’un supermarché de la nourriture périmée jetée dans un container. Le jugement a fait débat : cette nourriture appartenait-elle encore au supermarché ? Le tribunal a statué que oui, le « container étant placé dans une enceinte fermée ». En février 2015 à Montpellier, trois autres personnes avaient été condamnées, cette fois « sans sanction », pour des faits similaires. Plus récemment, un sans-abri de dix-huit ans s’est introduit dans une maison pour voler de quoi manger : quelques kilos de pâtes, du riz et une boîte de sardines. Le tribunal l’a condamné à deux mois de prison ferme, sans retenir la notion de « vol par nécessité ». Son avocate, maître Adeline Nesliat-Delhaye, évoque un Jean Valjean des temps modernes. Le condamné devrait faire appel.

Que penser de ces condamnations, dans un pays qui ne cesse de se réclamer des droits de l’homme ? Dans la législation française, le statut du droit de glanage a perdu en clarté. L’article de loi qui autorisait à récupérer de la nourriture délaissée après la récolte, « avant ou après le coucher du soleil », a été abrogé en 1994 laissant à la place un flou. De plus, le glanage s’applique-t-il aux ordures alimentaires ? Le droit français reconnaît la notion de res derelictae : de bien abandonné par son propriétaire. C’est cette notion qui permet à tout un chacun de s’approprier un meuble laissé sur un trottoir. On serait en droit d’attendre que les supermarchés ayant jeté des denrées alimentaires renoncent elles aussi naturellement à leur droit de propriété.

Pour ce qui est de l’état de nécessité, il a déjà été invoqué pour des faits similaires. En France, un acte illégal peut être justifié s’il permet de se préserver d’un danger. En 1898, Paul Magnaud reconnaît l’état de nécessité dans l’affaire Louise Ménard, une jeune mère qui avait volé du pain à un boulanger après deux jours de jeûne forcé. Elle fut innocentée. Cette affaire eut un retentissement national et le juge Magnaud se vit qualifié par Georges Clemenceau de « bon juge ». Après son élection comme député, il tentera, en vain, de faire adopter une loi pour innocenter les larcins occasionnels effectués par nécessité. Le temps nous a-t-il fait perdre en clémence ? Pourtant, le 3 mai dernier, une situation similaire s’est présentée de l’autre côté des Alpes. Un sans-abri italien a tenté de voler un peu de charcuterie et de fromage dans un supermarché. Après avoir été condamné à six mois de prison et être passé en appel, il fut finalement innocenté par la cour de cassation, qui a reconnu l’« état de nécessité ».

La violence de certaines poursuites (les enquêteurs de Nantes ont demandé une expertise ADN) paraît aberrante dans un pays comme la France. Il est nécessaire pour les lois françaises et européennes de statuer clairement sur le glanage, le grappillage et l’état de nécessité. D’ici là, les verdicts continueront d’être aléatoires et de déshonorer notre « pays de la fraternité ».

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