International
10H10 - samedi 9 avril 2016

Hashim Thaçi, nouveau président du Kosovo : héros de guerre, il tentera d’être le héros de l’intégration européenne – par nos envoyés spéciaux

 

Pour la première fois un président kosovar succède à un président kosovar. Hashim Thaçi, le président investi hier, 8 avril, à midi est l’un des Kosovars les plus connus. Récit de l’investiture de Hashim Thaçi par nos envoyés spéciaux sur place.

 

 

Chef de l’UÇK, armée de libération nationale du Kosovo qui affronta les forces de sécurité serbes jusqu’à leur retrait à la mi-2000, il a été l’homme politique le plus fort du pays, après Ibrahim Rugova. Thaçi versus Rugova, c’est la révolte armée versus le combat pacifique, des luttes dirigées contre le régime serbe de post-yougoslave. Le pacifisme de Rugova ne suffisant plus devant l’acharnement du régime de Slobodan Milosevic, qui entamait un nettoyage ethnique de la majorité albanaise (au-delà des 80 % de la population), on dut passer à la lutte armée avec ensuite l’intervention aérienne massive de l’Otan contre les capacités serbes non seulement au Kosovo mais en Serbie proprement dite.

 Malgré les nombreux reproches, après le décès en 2006 de Rugova, les institutions kosovares, grandement façonnées par l’Onu, ont fonctionné. Pourtant, depuis la naissance de l’État en 2008, la présidence de la République – le Président est élu par le Parlement – a connu quelques péripéties – démissions, invalidations – jusqu’à l’arrivée d’une femme sans aucun passé politique qui s’est maintenue au poste pendant cinq ans. Madame Atifete Jahjaga, ex-directrice adjointe de la police du Kosovo, a transformé ce hasard de l’histoire en succès et su gagner l’estime pour son travail et en particulier pour l’avancement de la condition féminine et de la lutte anticorruption.

Hashin Thaçi donc, chef de l’État : son investiture est ainsi la première « régulière ». Il aura fallu tout d’abord qu’il survive politiquement à des accusations de trafic d’organes dont il se serait rendu coupable pendant la guerre d’indépendance de 1999-2000. Il en fut blanchi par les autorités judicaires de la Cour pénale de la Haye. Il aura fallu ensuite que son parti, le PDK (Parti démocratique du Kosovo), s’impose au Parlement face aux partisans de Rugova. Tout était enfin prêt pour que l’homme politiquement le plus puissant prenne la place qui lui revenait.

Son discours d’investiture est un modèle de symbolique démocratique. Prononcé sous la statue du héros national des Albanais du monde, Skanderbeg, qui au xve siècle s’opposa aux Ottomans, et entouré de drapeaux de la République du Kosovo et de l’UE, il déclama : « Un président humble dans une nation de héros »… Il faut savoir que dans les Balkans et l’Europe de l’Est, le mot héros désigne une personne valeureuse et non pas forcément l’auteur de faits de bravoure exceptionnels. D’ailleurs les héros qu’il cita sont des médecins, enseignants, agriculteurs, combattants, fonctionnaires, bref la société entière. Il a appelé à une société pluri-ethnique ouverte, un État laïc, et un ancrage européen et atlantiste. Il a même casé la cause des gays et lesbiennes, le LGBTI. Aussi, quelques propos conciliateurs furent adressés à la République de Serbie. Mais aucune référence à la nation sœur, l’Albanie ni à la religion, dans ce pays à majorité musulmane. À la cérémonie assistaient des notabilités sunnites, soufies, catholiques, mais aucun chef de la communauté serbe orthodoxe. C’est que la tentative du gouvernement kosovar d’entrer à l’Unesco a ulcéré ces derniers. En effet, leur immense parc architectural religieux serait passé d’une vague tutelle consensuelle de Belgrade à celle de l’État kosovar. Malgré l’échec de la candidature du Kosovo fin 2015, les rancœurs des chrétiens orthodoxes subsistent.

Seule ombre au tableau, bien qu’elle soit surtout un signe de vigueur démocratique : l’opposition du parti Autodétermination (Vetevendosje, dit « VV ») et alliés a réussi à lâcher deux cannettes de gaz lacrymogène peu avant le discours, obligeant à l’évacuation de l’orchestre et du chœur pendant une dizaine de minutes. Personne n’a montré d’exaspération excessive d’autant que le chahut cessa le temps du discours. On s’attendait en effet à cette manifestation de l’esprit VV qui émaille les séances parlementaires depuis des mois. On se couvre la bouche avec un mouchoir, mais le sang ne coule pas, il a trop coulé pendant la guerre d’indépendance. La cérémonie se conclut sur une Ode à la Joie bien européenne, dans cet État non encore reconnu par la totalité des membres de l’Union, alors que ses habitants souhaitent ardemment y adhérer, ne serait-ce que pour ne plus être assujetti au visa pour le moindre déplacement.

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