Opinion Sport
10H59 - mercredi 6 avril 2016

Ram Barkai : « Il y a clairement une limite pour l’être humain »

 

Ram Barkai est le fondateur de la Fédération internationale en eau glacée. Le Sud-Africain nous dévoile les secrets d’une discipline extrême qui suscite un intérêt grandissant.

M. Barkai, fondateur de la Fédération internationale de nage en eau glacée - Crédit photo :Ben Bahia

M. Barkai, fondateur de la Fédération internationale de nage en eau glacée – Crédit photo :Ben Bahia

 

Pourquoi avoir créé une fédération dédiée à la nage en eau glacée ?  

En janvier 2009, j’ai nagé sur le lac de Zurich pendant 2,3 km dans une eau à 4° C, mais la température de l’air était à – 7,5° C. Ce fut très difficile, et j’ai réalisé que j’avais presque atteint mes limites. C’est à partir de là que j’ai décidé de créer une association capable de représenter ce sport dans le monde.

Avant cela, pour tenter de comprendre le froid, j’avais, pendant des années, expérimenté les eaux froides du Cap. L’eau de l’océan Atlantique y est à 12° C en moyenne à cause du courant du Bengale, mais la température descend parfois jusqu’à 8 ou 9° C.

 

Combien de temps pouvez-vous rester au maximum dans une eau glacée ?

La plus longue durée a été de 43 minutes dans une eau à 5° C, c’était sur le lac de Zurich. Je peux probablement nager pendant une heure à 5° C, voire plus. Cela dépend de mon désir de me rapprocher de la mort. Il y a clairement une limite pour l’être humain, mais nous apprenons. Ma tolérance au froid a augmenté et je pense que ma santé s’est améliorée depuis que je pratique ce sport.

 

Quel est le lieu le plus froid que vous ayez connu, et quelle est la température la plus basse tolérée pour la pratique de la nage en eau glacée ?

Nous avons nagé en Sibérie au milieu de l’hiver dans une eau autour de 0° C et une température de l’air à – 33° C. Deux Russes ont réussi à y nager pendant 1 heure et 6 minutes, mais ils ont failli y passer. Je me souviens aussi d’une nage de 30 minutes en Antarctique dans une eau à – 1° C, et cela a été là aussi très difficile à supporter.

 

Quel type d’équipement portez-vous, sachant que votre discipline en rejette certains ?

Nous nageons avec une simple combinaison de natation, un bonnet en silicone et une paire de lunettes. C’est tout !

 

Vous devez avoir une bonne assurance…

Quand je pars nager, je vérifie toujours mon assurance et mon testament même si je n’ai aucun désir de mourir : je savoure chaque retour en sirotant un bon whisky single malt !

Je suis conscient qu’il s’agit d’un sport extrême et que, peu importent les précautions, des accidents peuvent se produire. Dans ce type d’environnement, la marge d’erreur est très faible. Quand les choses dérapent, elles dérapent rapidement et le temps de survie est limité. Nous avons de la chance que le froid conserve, contrairement au feu qui détruit. Avec le temps et l’aide de la science, j’espère que nous pourrons passer plus de temps dans des environnements plus froids, mais ce ne sera peut-être pas de mon vivant.

 

Travaillez-vous avec des laboratoires ?

J’ai travaillé avec plusieurs chercheurs dans le monde. Malheureusement, leur intérêt portait surtout sur le développement d’un Superman ou X-Man… Notre domaine est récent et il n’est pas aisé de faire des recherches sur le haut risque. Surtout que l’on considère encore contraire à l’éthique de confronter, pour des objectifs scientifiques, des humains à des conditions extrêmes pouvant les mener à la mort. Mais nos collectes de données commencent à intéresser les chercheurs.

 

La nage en eau glacée existait bien avant la création de l’IISA ?

Oui, depuis des centaines d’années, même s’il ne s’agissait principalement que de brasse sur courtes distances, pour des pratiques religieuses ou juste pour le plaisir. L’IISA a débuté les longues distances avec des règles très claires établies notamment par la Fédération internationale de natation.

 

Combien de membres comptez-vous dans le monde ?

Nous comptons 172 adhérents au mile (1,6 km) dans 25 pays, et beaucoup plus de spécialistes du 1 km. La plupart sont des pratiquants de sports extrêmes qui viennent de toutes les couches de la société.

 

Tout le monde peut-il pratiquer la nage en eau glacée ?

Oui. Mais la plupart des nageurs sont des habitués des eaux profondes et du marathon. Beaucoup ont déjà nagé en eau froide sur de longues distances partout dans le monde. Avec l’essor de la discipline, de plus en plus de professionnels nous rejoignent car on ne parle pas ici uniquement de vitesse : certains sont lents mais ont un haut niveau d’endurance et une forte résistance aux conditions extrêmes.

 

Est-ce un sport professionnel ?

Non. Il s’agit d’aventure et d’accomplissement personnel. Cependant, nous avons un classement sur notre site. Nous archivons chaque évènement, comme les championnats du monde. D’anciens participants aux Jeux olympiques et nageurs en eaux profondes montrent d’ailleurs un intérêt grandissant pour la nage en eau glacée.

 

Des écoles existent-elles pour former et entraîner des athlètes ou des coaches ?

C’est un sport récent qui grandit à toute vitesse. Mais des personnes commencent à créer des programmes, à entraîner les débutants et les préparer au défi du mile en eau glacée.

 

Vous évoquez le mile, pourquoi avoir créé une course sur 1 km en 2014 ?

L’IISA a commencé par un challenge sur 1 mile. Je souhaitais voir des gens nager partout dans le monde dans des lieux froids, beaux et fous à la fois. Mais la sécurité et le coût sont de réels problèmes. Des personnes ont commencé à participer à des compétitions de mile en eau glacée plus longues et plus froides. Je ne voulais surtout pas encourager cette pratique qui mène à la mort (simples règles de thermodynamique et de conservation de l’énergie). J’ai donc décidé de créer une plateforme plus sécurisée et plus accessible aux personnes tentées par la nage en eau glacée. Mais jamais je n’aurais imaginé un tel succès…

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