International
11H56 - mardi 22 mars 2016

Notre série « Daech à l’assaut de l’Asie du Sud-Est » : La Chine

 

Depuis plusieurs mois, la Chine a accéléré et accentué sa lutte antiterroriste de manière significative et inédite. Nouvelles unités d’intervention et de renseignement spécialisées, nouveau cadre législatif drastique, volonté affichée d’une « coopération renforcée avec la communauté internationale », comme l’a déclaré en novembre dernier le président Xi Jinping. Sous l’impulsion de ce dernier, l’appareil sécuritaire du pays se renforce considérablement en réaction à une menace terroriste, perçue et réelle, en pleine évolution. Confrontée depuis plusieurs années à une recrudescence des menaces domestiques, la Chine est également concernée par la montée en puissance du terrorisme islamiste mené par l’organisation État Islamique.

Mais, de quelle(s) menace(s) parlons-nous ?

Soldats en faction sur le Bund à Shanghai, 30 septembre 2015- Crédit photo : Grégoire Giret

Soldats en faction sur le Bund à Shanghai, 30 septembre 2015- Crédit photo : Grégoire Giret

D’abord, l’augmentation de la menace terroriste sur la Chine est visible à l’extérieur. Suite à ses politiques d’investissement et de commerce extérieur – les nouvelles « Routes de la Soie » et la « Chinafrique » –, la Chine dispose désormais d’intérêts au cœur de régions marquées par un terrorisme plus ou moins latent, en Asie centrale et en Afrique. Les trois victimes chinoises du Radisson Blu de Bamako illustrent parfaitement d’ailleurs cette nouvelle exposition.

Aussi, la stratégie d’expansion de l’organisation État Islamique n’épargne pas le continent asiatique. L’organisation dispose d’ores et déjà de contacts voire de réseaux affiliés dans de nombreux pays d’Asie du Sud-Est et centrale : Indonésie (attentat de Jakarta le 14 janvier 2016), Malaisie, Inde, Bangladesh, Pakistan, Afghanistan, Ouzbékistan… Pékin voit donc la menace du terrorisme islamiste se rapprocher aussi de par l’expansion géographique de celle-ci, sous l’impulsion de Daech.

 

La Chine dans le collimateur de l’État Islamique

Au-delà de ces menaces relativement indirectes, on peut noter que la Chine est désormais précisément ciblée par la propagande et la violence de l’État Islamique. Ainsi, le 18 novembre dernier, Fan Jinghui, un consultant indépendant de nationalité chinoise, était exécuté par le prétendu État Islamique sur l’un des ses territoires en Syrie ou en Irak. Si l’impact médiatique et symbolique de cette exécution fut important dans la conscientisation de la menace en Chine, ce qui caractérise le mieux les ambitions de Daech à l’égard de la Chine se trouve dans sa propagande et sa stratégie de recrutement.

Capture du chant en mandarin Crédit : Tweet SITE

Capture du chant en mandarin Crédit : Tweet SITE

Visant d’abord la communauté des Ouïghours du Xinjiang (musulmans et turcophones) dont on compte d’ores et déjà quelques membres dans les rangs de l’EI en Syrie et en Irak, les ambitions de recrutement à l’égard de la Chine se sont progressivement élargies. Début décembre 2015, l’organe « officiel » de propagande de l’organisation – le Al Hayat Media Center – franchissait ainsi une nouvelle étape en diffusant pour la première fois un chant de propagande en mandarin. Comme le relève Romain Caillet (chercheur à l’Ifpo, spécialiste des questions islamistes) dans un article du Figaro, l’utilisation du mandarin (langue officielle de la Chine) en dit long sur la cible de ce message. Cette fois, ce n’est plus la minorité Ouïghour qui est visée, mais l’ensemble des communautés musulmanes de Chine et notamment la minorité Hui, une ethnie proche de la majorité Han parlant mandarin et vivant principalement dans les provinces du Ningxia et du Gansu (centre du pays). Sobrement intitulé « 我是Mujahid (Je suis un Mujahid) », le chant vise à recruter des individus radicalisés. Y sont donc assénées, sur un rythme entêtant minutieusement élaboré, des phrases caractéristiques de la propagande du groupe : « Nous sommes Mujahid […]. Notre rêve est de mourir en combattant sur ce champ de bataille.»

Le risque du Xinjiang : quand Pékin joue avec le feu

Lorsque l’on aborde la question du terrorisme islamiste en Chine, c’est la province autonome du Xinjiang qui vient tout d’abord à l’esprit. Depuis 2001, le gouvernement chinois s’efforce en effet d’établir un parallèle entre l’essor des organisations islamistes internationales et les violences commises par des groupes Ouïghours.

S’il existe bel et bien des organisations indépendantistes, islamistes et violentes dans la province du Xinjiang, à l’instar du Mouvement islamique du Turkestan oriental (Etim), leur ampleur et leurs capacités d’action ont bien souvent été surestimées par les pouvoirs publics chinois. Les informations en provenance de la région sont donc à prendre avec d’infinies précautions. D’ailleurs, l’expulsion de la correspondante de L’Obs en Chine, Ursula Gauthier, pour avoir émis des critiques quant à la récupération politique de l’émoi post-13 novembre pour accentuer la répression politique dans le Xinjiang, témoigne de la sensibilité du sujet.

Toujours est-il que la politique menée par Pékin, suivie par Urumqi (capitale du Xinjiang) en réponse à plusieurs actions violentes plus ou moins organisées – attaque à la voiture bélier sur la place Tiananmen en octobre 2013 (5 morts), attaque au couteau dans la gare de Kunming en mars 2014 (29 morts), attaque de mineurs Han dans le Xinjiang en septembre 2015 (17 morts) –, relève d’un jeu hasardeux et risqué. L’État chinois avait jusqu’alors réussi à construire une stabilité politique à travers l’institutionnalisation du dialogue avec les instances religieuses musulmanes. Mais en ciblant désormais les pratiques religieuses, en guise de répression politique, il risque de ruiner ces efforts et d’en perdre les bénéfices. Ainsi, comme le relevait Ursula Gauthier dans son article tant décrié, les mesures frustratoires se multiplient à l’encontre de la communauté des Ouïghours du Xinjiang : certains prénoms sont désormais interdits, les restaurants Ouïghours sont tenus de proposer cigarettes et alcool, les fonctionnaires de manger publiquement pendant le ramadan, etc. Ces mesures risquent d’accélérer les radicalisations individuelles et d’être récupérées par l’État islamique, comme il l’a déjà fait dans plusieurs pays de la très proche Asie centrale.

 

Face à une menace grandissante mais fondamentalement diverse de par sa nature – allant de la nouvelle hostilité de l’État Islamique à l’enlisement politique de la question du Xinjiang –, le pouvoir chinois s’est lancé dans une stratégie sécuritaire extrêmement stricte. Il est ainsi très difficile d’évaluer l’ampleur réelle du risque terroriste sur le territoire national. Néanmoins, aussi dure et sécuritaire soit-elle, la réaction politique de la Chine souffre du manque de distinction entre les menaces imputables au contexte international et au fondamentalisme religieux – notamment à l’État Islamique –, et les menaces imputables à des questions de politique domestique. Le risque étant d’ériger ces dernières en marchepied au profit de l’organisation tentaculaire et opportuniste du prétendu État islamique.

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