International
11H18 - jeudi 17 mars 2016

Pérou, une campagne électorale des plus mouvementées

 

À trois semaines du premier tour des élections présidentielles au Pérou, deux candidats en lice pour la présidence ont été disqualifiés par l’autorité électorale. Cette éviction a suscité de nombreuses réactions et représente un véritable risque de délégitimation du processus électoral.

1

Electeurs de la communauté de Urubamba, département de Cusco, lors des dernières élections présidentielles au Pérou, le 5 juin 2011. Globovision / Flickr CC ».

 

Les membres des Institutions électorales ont rejeté les candidatures de Julio Guzmán, deuxième selon les sondages dans les intentions de vote, et de César Acuña du parti Alianza para el Progreso. De l’avis de l’autorité électorale péruvienne, les deux candidats ont commis diverses infractions : le premier est accusé d’irrégularités dans le processus de désignation interne des membres de sa liste, et le second d’avoir remis de l’argent en espèces à des sympathisants.

La candidature de Julio Guzmán, économiste de quarante-cinq ans, avait déjà été écartée par l’autorité électorale début février, avant d’être finalement validée. Le Tribunal électoral (Jurado Electoral Especial, JEE) a cette fois jugé recevable le recours posé par dix citoyens contre sa candidature, au motif que le processus interne de désignation n’avait pas été respecté. Le candidat du parti Todos por el Perú, quasi inconnu des Péruviens il y a encore quelques mois, s’était hissé avec lui en deuxième position de la course électorale en plaçant la corruption au cœur de ses discours.

Le candidat César Acuña s’est également vu écarté. On lui reproche d’avoir distribué 10 000 soles (l’équivalent de 2 700 euros) en espèces à des sympathisants. Président d’un groupe d’universités privées, il a par ailleurs récemment été accusé de plagiat dans l’écriture de ses deux thèses et d’un livre entier.

Les candidats avaient tout deux fait appel de la décision du Tribunal électoral intervenue le 4 mars. Réévaluée par le Tribunal national électoral (Jurado Nacional de Elecciones JNE), elle a été confirmée, le 14 mars. L’exclusion des candidats est désormais définitive.

Les élections présidentielles s’invitent dans les rues d’Izcuchaca, région de Cusco. - Crédit photo : Corinne Duquesne

Les élections présidentielles s’invitent dans les rues d’Izcuchaca, région de Cusco. – Crédit photo : Corinne Duquesne


Keiko Fujimori favorisée

L’éviction des deux candidats a bouleversé considérablement l’élection et les intentions de vote. En bénéficie évidemment la candidate en tête des sondages, Keiko Fujimori, fille de l’ancien président Alberto Fujimori (1990-2000), qui purge actuellement au Pérou une peine de 25 ans de prison pour corruption et violation des droits de l’homme. Créditée de 33 % des intentions de vote, elle est désormais suivie de loin par Pedro Pablo Kuszynski (14 %). En troisième position, on retrouve le candidat d’Acción Popular, Alfredo Barnechea, et la Franco-péruvienne Verónika Mendoza du Frente Amplio (9 %). Quant à Alan Garcia, le dernier, presque pas été affecté par ces différents changements, il reste à 6 %.

« PPK » pour Peruanos Por el Kambio, représenté par Pablo Pedro Kuczynski, en deuxième position selon les sondages. Izcuchaca, région de Cusco. - Crédit photo : Corinne Duquesne

« PPK » pour Peruanos Por el Kambio, représenté par Pablo Pedro Kuczynski, en deuxième position selon les sondages. Izcuchaca, région de Cusco. – Crédit photo : Corinne Duquesne

 


Fraude anticipée ?

La décision des deux tribunaux a suscité de vives réactions. Julio Guzmán a même évoqué « une fraude anticipée ». De son côté, Nadine Heredia, épouse de l’actuel président Ollanta Humala, a expressément rappelé le rôle joué par le Tribunal national électoral durant le mandat d’Alberto Fujimori : selon elle, le choix de disqualifier les deux candidats a clairement pour objectif de favoriser le fujimorisme.

Afin de veiller au bon déroulement des élections, de nombreuses organisations internationales ont investi les lieux depuis le début du mois. L’Organisation des États américains a annoncé qu’elle comptait déployer une mission d’observation électorale et s’est déclarée inquiète des délais établis par la loi pour légitimer la disqualification des candidats.

Parallèlement à l’évincement des deux candidats, de nombreux citoyens exigent désormais l’exclusion de la tête de file des sondages, Keiko Fujimori, pour acte de clientélisme. Il est prouvé qu’elle a acheté des voix en offrant des cadeaux lors d’une activité organisée le 14 février. L’incertitude continue donc de planer sur le processus électoral : il est fâcheux, à trois semaines du premier tour, de ne pas encore connaître la liste définitive des candidats en lice pour la plus haute fonction de l’État et, par conséquent, de ne pouvoir même imprimer les bulletins de vote. Les Péruviens, déjà méfiants vis-à-vis des personnalités qui composent leur paysage politique autant que des institutions et leur utilisation, risquent de perdre totalement confiance dans le processus démocratique.

 

 

 

Etudiante en science politique