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10H27 - vendredi 11 mars 2016

Fukushima, un triste anniversaire

 

Il y a les catastrophes naturelles contre lesquels les hommes ne peuvent pas grand-chose. Et il y a Fukushima – une sale histoire de profit, de mensonge et de négligence – qui aurait pu être évitée. Cinq ans après, par respect pour les victimes et pour en épargner de nouvelles, nous faisons le point sur ce drame.

 

Techniciens de Tepco après l'accident nucléaire de Fukushima Daichi  - Crédit photo : Tokyo Electric Power Company

Techniciens de Tepco après l’accident nucléaire de Fukushima Daichi – Crédit photo : Tokyo Electric Power Company

 

Le 11 mars 2011, à 14h46, vingt-cinq ans après la catastrophe de Tchernobyl, la plus grave du nucléaire civil, un nouveau cataclysme nucléaire s’est produit. Cette fois, au Japon.

Comme ce fut le cas pour Tchernobyl, Fukushima, nom jusqu’alors inconnu, s’inscrit aussitôt à la « une » des médias du monde entier.

Mais, à Fukushima, ce n’est pas un seul réacteur qui « explose », comme à Tchernobyl, mais trois, des six que compte la centrale, qui sont détruits. Et un quatrième, à l’arrêt (le « cœur », retiré de la cuve, était placé dans sa piscine d’entreposage), est très endommagé. Les deux derniers, à l’arrêt eux aussi au moment du séisme, ont été épargnés parce que situés sur une plateforme plus haute que les quatre autres.

Que s’est-il passé ?

Un tremblement de terre, de magnitude 8,9 à 9 sur l’échelle de Richter, un des plus forts jamais enregistrés par des sismographes au Japon, a frappé la côte nord-est de l’île d’Honshu, la plus grande et la plus peuplée du Japon.

Il a duré deux minutes et demie.

 

Un déplacement brutal du fond marin (dénivelé d’environ 25 mètres), à 120 kilomètres de la côte, a provoqué une vague énorme qui s’est propagée à très grande vitesse (147 km/h en moyenne) sur un front d’environ 500 kilomètres. En arrivant, 49 minutes plus tard, au niveau du groupe des quatre réacteurs de la première centrale de Fukushima, la vague était encore haute de 14 mètres, alors que la digue protectrice de la centrale était de… 5,7 mètres seulement. Les équipements électriques, nécessaires à leur sécurité, comme ceux de la station de pompage ont été immédiatement noyés. Le système d’alimentation électrique de toute la région bloqué. Et sur douze diésels de secours (installés en sous-sol), onze ont été aussitôt hors d’usage.

 

3 639 personnes étaient présentes sur le site nucléaire le 11 mars 2011.

 

Il y avait, dans l’histoire des catastrophes nucléaires, un « avant » et un « après » Tchernobyl. Avec Fukushima, un nouveau jalon s’est imposé.

Quant aux bilans humains et matériels de ces deux catastrophes, ils ne sont pas encore clos.

 

Un scénario catastrophe

Les trois réacteurs nucléaires en fonctionnement se sont arrêtés automatiquement, cinq secondes après la mesure de l’onde sismique. Le cœur d’un réacteur qui s’arrête est très chaud. Pour le refroidir, il faut de l’eau froide, de l’électricité et des tuyaux pour conduire l’eau dans les circuits de refroidissement. Or, Fukushima a perdu simultanément son alimentation électrique et sa « source froide ». Une situation imprévue dans tous les scénarios  imaginés par les experts du monde entier.

« Fukushima a montré que l’improbable est possible » a déclaré, Philippe Jamet, un responsable de l’Autorité de sûreté nucléaire en France (ASN). Un propos aussi courageux que le constat est inquiétant.

 

Le pire scénario se développe alors avec la production d’hydrogène, puis la fusion du combustible dans le cœur du réacteur numéro 1, seulement seize heures après l’arrivée de la vague.

Tepco, l’exploitant de la centrale, n’a rapporté ces faits que deux mois plus tard et ce n’est qu’en décembre 2011 qu’il a admis la fusion des cœurs dans les deux autres réacteurs. Le combustible du réacteur numéro 2 « aurait » fondu à 57 % et celui du réacteur numéro 3 à 63 %. Tepco a donc attendu neuf mois pour dire ce qu’il savait dès… le troisième jour.

 

Qu’aurions-nous pu éviter ?

Le contact de l’eau avec le combustible en fusion « casse » les molécules d’eau (radiolyse), ce qui libère de l’hydrogène, qui peut exploser ou s’enflammer dans l’air.

En juin 2011, l’Agence de sûreté nucléaire Japonaise, évaluait la quantité d’hydrogène produite dans chacun des réacteurs en activité à 1 000 kilogrammes. Or, à partir d’un taux de 4 %, la présence d’hydrogène dans l’air peut causer explosions ou inflammations « spontanées ». Voilà exactement ce qui s’est passé dans les trois premiers réacteurs. Quant aux explosions survenues dans le quatrième, elles sont dues à l’infiltration d’hydrogène par les circuits de ventilation, partagés pour des raisons économiques avec le troisième réacteur.

Une « épargne » qui aura finalement coûté très cher à Tepco, puisqu’elle est à l’origine de la destruction du quatrième réacteur, rescapé du tsunami.

 

Il aurait été par ailleurs possible de protéger la centrale par une digue adaptée au risque, calculable, de survenance d’un tsunami. Au Japon, comme dans le monde entier, les Autorités de sûreté fixent des critères de résistance des installations nucléaires aux séismes ou tsunamis en se référant aux données historiques de 1 000 ans ou plus.

Ainsi par exemple, en l’an 869, un tsunami avait touché la côte avec une vague de 8 mètres.

En septembre 2009, l’Autorité de sûreté Japonaise avait demandé à Tepco de sécuriser les pompes de refroidissement, très importantes pour la sûreté, qui n’étaient qu’à 4 mètres au-dessus du niveau de la mer. Pour ce faire, il aurait fallu arrêter le réacteur. Tepco s’y est refusé. Pire encore, l’agence nationale de sureté n’a pas eu le courage de le lui imposer.

Tepco a avoué, le 12 octobre 2012, dans un rapport de 32 pages, qu’elle avait minimisé le risque de tsunami par peur d’être contrainte à fermer ses installations le temps des travaux d’amélioration de la sécurité. Une catastrophe pour ne pas avoir arrêté de produire des kWh !

L’histoire de Tepco, première compagnie d’électricité du Japon, est d’ailleurs jalonnée de mensonges graves en matière de sûreté nucléaire. En novembre 2002, elle avouait avoir falsifié, depuis dix ans ! les rapports officiels d’inspections de ses réacteurs. Le scandale avait abouti à la démission de toute sa direction, début septembre 2002, et discrédité par voie de conséquences l’Agence pour la sécurité nucléaire, qui avait été en partie informée des problèmes dès juillet 2000. Soit deux ans avant !

Or une dizaine de jours seulement avant le séisme et le tsunami du 11 mars 2011, qui ont ruiné le Nord-Est du Japon et détruit la centrale Fukushima, Tepco remettait un document aux autorités dans lequel il reconnaissait avoir faussé les données des registres de contrôle.

Le Japon a connu ainsi une double défaillance, qui lui a été fatale à Fukushima : celle d’un exploitant tricheur et inconscient, doublé d’un gendarme du nucléaire sans aucune autorité.

Après la catastrophe

Un Comité indépendant de citoyen attaque aujourd’hui en justice le président et les deux vice-présidents de Tepco en exercice au moment du tsunami (27 sont déjà poursuivis depuis 2013) car une étude gouvernementale de 2008 indiquait que le scénario d’une vague de 15,7 mètres frappant les réacteurs de Fukushima était crédible au vu des puissants tsunamis ayant ravagé la région dans le passé.

Comme pour les accidents précédents (Three Mile Island en 1979, ou Tchernobyl en 1986) les leçons tirées de la catastrophe nucléaire japonaise sont nombreuses. Dans le monde entier, les Autorités responsables ont exigé le réexamen des études de sûreté, afin de corriger en conséquence les dispositifs de sûreté de toutes les installations nucléaires, et pas seulement celles des réacteurs de puissance.

Pour ce qui est de la France, le 21 janvier 2014, le collège de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a adopté 19 décisions, fixant des exigences complémentaires de sûreté pour la mise en place du « noyau dur » post-Fukushima dans les centrales nucléaires de l’EDF. Ces prescriptions, présentées le 28 janvier par Pierre-Frank Chevet président de l’ASN, ont valeur de juridiction et s’imposent donc à l’exploitant EDF. Ces décisions visent à prévenir un accident grave qui affecterait le cœur du réacteur ou la piscine d’entreposage du combustible irradié et de limiter les conséquences d’un accident. Le programme d’application global, qui se déroulera jusqu’à 2030, devrait coûter environ 100 milliards d’euros, pour les 58 réacteurs du parc nucléaire français.

Plus largement encore, les pratiques de confinement des populations, de leur évacuation, de leur protection contre l’inhalation d’iodes radioactifs, sont encore réfléchies et débattues.

 

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