International
11H00 - mercredi 2 mars 2016

Le Cambodge et l’exercice de l’asile politique

 

Dans son dernier rapport annuel, Amnesty International épingle la pratique cambodgienne du droit d’asile : alors qu’il refoule à la frontière des réfugiés vietnamiens issus des minorités, il passe un accord financier avec l’Australie sur le transfert de réfugiés. Le Cambodge transige clairement avec les principes de la Convention de Genève. Théâtre de la migration-sélection et de l’asymétrie des rapports Nord-Sud, le pays khmer envisage désormais le réfugié comme un produit à négocier.

Carte de la présence du Haut  Commissariat aux réfugiés en Asie - Crédit photo : UNHCR

Carte de la présence du Haut Commissariat aux réfugiés en Asie – Crédit photo : UNHCR

 

Le Cambodge, terre d’accueil ?

La situation juridico-politique et économique du « Pays du sourire » permet de répondre catégoriquement par « non » à cette question. Une espérance de vie moyenne de 68 ans, 1/3 de la population vivant dans la misère, 20 % souffrant de malnutrition, ces indicateurs dressent le tableau d’un pays qu’on peut aisément qualifier de « pauvre ». Malgré un PIB de 7 %, le Cambodge subit ce qu’on appelle une croissance « régressive », c’est-à-dire une mauvaise répartition des richesses, phénomène typique des pays en développement. Malgré une croissance, induite par la pression de la région, le Cambodge peine à faire profiter sa population des retombées économiques.

La situation politique est elle aussi en mouvement malgré la rigidité du pouvoir en place. En effet, le parti aux commandes de cette monarchie constitutionnelle depuis 1998, le PPC (Parti du peuple cambodgien), est en perte de vitesse ces dernières années face au PNSC (Parti national pour le sauvetage du Cambodge) qui trouve adhésion chez les jeunes, ce qui entraîne une bipolarisation de la vie politique, signe de démocratie.

L’impopularité du parti au pouvoir est surtout due aux limitations de libertés imposées aux Cambodgiens. « La liberté d’expression et le droit de réunion pacifique restent soumis à des restrictions arbitraire » selon Amnesty International, qui poursuit : « Des militants politiques et des défenseurs des droits humains ont été emprisonnés et les arrestations liées à des activités menées sur Internet se sont multipliées ».

Enfin, le Cambodge a récemment refoulé à sa frontière des Vietnamiens issus de minorités opprimées telles que les « Jaraï » et les « montagnards », ce qui constitue une violation de la Convention de Genève, également relevée par Amnesty. Les discours antivietnamiens sont dilués dans la culture cambodgienne, si bien qu’en plus de les refouler, les Cambodgiens d’origine vietnamienne (5 % de la population) peinent à avoir le droit de voter ou devenir propriétaire.

C’est à ce mauvais élève des droits de l’homme que l’Australie a décidé de transférer ses réfugiés.

 

La « gestion-sélection » de la migration : une pratique discriminante

En choisissant d’accueillir les personnes ayant obtenu leur statut de réfugié en Australie plutôt que ceux en provenance du Vietnam, le Cambodge opère une sélection. Il crée donc un marché où se confrontent offre et demande et où les réfugiés vietnamiens n’ont a priori aucune valeur puisque aucun pays n’est prêt à dégainer 28 millions de dollars pour se débarrasser d’eux. Cette pratique de « gestion-sélection » des réfugiés politiques est très courante aux États-Unis où la problématique des demandeurs d’asile se greffe sur celle de l’immigration.

Le Cambodge déroge, une de fois plus, au droit international en se plaçant au-dessus d’une des pierres angulaires du droit d’asile : l’accès équitable. Ce principe a été normalisé par la communauté internationale avec l’article 3 de la Convention de Genève qui stipule que « les États contractants appliqueront les dispositions de cette Convention aux réfugiés sans discrimination quant à la race, la religion ou le pays d’origine ». De fait, il procède à une hiérarchisation fondée sur deux critères : le pays d’origine (le Vietnam ou les autres) et l’argent (octroyé par l’Australie).

Afin de réguler ce marché, l’Onu intervient à travers le Haut Commissariat aux réfugiés, présent à Phnom Penh depuis 2008. L’installation de ce bureau traduisait à l’époque une prise de responsabilité, mais ce symbole a été sapé par l’accord financier passé seulement quelques mois plus tard avec l’Australie. L’action du HCR a pour but de pallier le manque d’harmonisation régionale. En effet, seulement trois États de l’Asie du Sud-Est font partie de la Convention de Genève. Au Cambodge, le bureau onusien se doit de faciliter l’accès à la demande d’asile, de favoriser la réinstallation et chercher des solutions de substitution à la détention. Autant de moyens mis en œuvre pour contrer cette « gestion » sélective qui piétine une fois de plus l’universalisme prôné par la communauté internationale.

La gestion cambodgienne des réfugiés est largement influencée par l’Australie avec qui le pays a scellé un accord en 2008. Jugé « contraire à l’objet et à la finalité de la Convention relative au statut des réfugiés » par Amnesty International, cet accord cristallise le déterminisme des rapports Nord/Sud. En effet, l’Australie se décharge d’un fardeau sur un pays qui en a déjà tant à porter.

La globalisation n’épargne guère les réfugiés qui se retrouvent au cœur de mécanismes et de stratégies économiques. Le Cambodge est une illustration supplémentaire du recul de l’idéologie universaliste au profit de la marchandisation.

Il y a quarante ans, le Cambodge perdait un quart de sa population sous la dictature des Khmers rouges. La mémoire manque cruellement à nos gouvernants : les Cambodgiens d’hier sont les Syriens d’aujourd’hui et les réfugiés de demain.

 

« Les migrations forcées font partie intégrante de l’histoire récente du Cambodge. Inégales dans le temps et dans l’espace, elles ont toutefois contraint la quasi-totalité de la population cambodgienne à se déplacer au moins une fois, ne serait-ce qu’à l’intérieur du pays. » Christel Thibault

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