International
11H40 - mardi 16 février 2016

Du mensonge en politique

 

En 1969, la philosophe Hannah Arendt expliquait dans un article le rôle du mensonge dans les événements survenus aux États-Unis suite à leur déclaration de guerre au Vietnam. Elle soutenait que, « poussé au-delà d’une certaine limite, le mensonge produit des résultats contraires au but recherché ; cette limite est atteinte quand le public auquel le mensonge est destiné est contraint, afin de pouvoir survivre, d’ignorer la frontière qui sépare la vérité du mensonge. Quand nous sommes convaincus que certains actions sont pour nous de nécessité vitale, il n’importe plus que cette croyance se fonde sur le mensonge ou sur la vérité » (1) La vérité, notre vérité, n’est pas donnée ; elle est créée.

 

Thomas Thevenoud avait créé une polémique lorsqu'il avait parlé de "phobie administrative" - Crédit photo : Azelguerra / CC

Thomas Thevenoud avait créé une polémique lorsqu’il avait parlé de « phobie administrative » – Crédit photo : Azelguerra / CC

 

 

Cette relation étroite entre mensonge et politique se confirme dans l’éclosion fréquente de scandales, en France comme ailleurs. Le mensonge en politique serait-il une fatalité ?

 

De la vérité et autres mensonges

L’affaire Cahuzac, ex-ministre du Budget, vient à point nommé pour nous rappeler que le mensonge en politique est aussi indispensable que dans la vie en société. En effet, quelle que soit la personne croisée, elle demande comment vous allez en attendant de vous une réponse positive et un sourire en prime. Nul ne souhaite une réponse qui plomberait l’atmosphère.

De la même façon, en politique (comprise comme la cuisine gouvernementale, pour paraphraser Jacques Rancière, un autre philosophe), les citoyens exigent la vérité, toute la vérité et rien que la vérité ! Cependant dès qu’elle pointe son nez avec sa fréquente laideur un frisson parcourt le corps social et l’opinion publique se cabre comme une bête blessée. C’est qu’en réalité nous n’aimons pas les mauvaises nouvelles. Nous confions nos États à une poignée d’hommes et de femmes, « les meilleurs d’entre nous », ensuite qu’attendons-nous ? Des résultats. Car pour le reste, nous, citoyens, avons déjà fait notre devoir : nous avons élu ceux qui dirigeront notre destin et celui de notre pays.

 

Les hommes et femmes providentiels en politique

C’est aux hommes et aux femmes providentiels d’apporter toutes les réponses aux questions et aux doutes stockés des décennies durant (on en hérite d’une génération à l’autre) et qui hantent les esprits : la cohésion sociale, l’école, les discriminations, le pays face et dans le monde global, l’emploi, le climat, la place des jeunes, etc.

Les citoyens, leur devoir électoral accompli, s’assoupissent sans gêne dans le rêve que leur présent, leur avenir, et ceux de leur pays sont entre de bonnes mains. Il y a parfois des citoyens irréductibles, qui cherchent à connaître la vérité en dépit de l’inconfort qu’elle peut causer. C’est ainsi qu’ils découvrent et dévoilent des scandales. La vie de ces scandales est courte, car la vilaine vérité, plus vite nous l’oublions et mieux nous nous portons.

Ainsi va la vie des citoyens, à la recherche toujours de l’authentique et honnête homme ou femme providentiel. Les trahisons des promesses électorales sont réelles mais la plupart préfèrent détourner les yeux de cette réalité. Chez les autres, la déception provoque l’indignation, et leur révolte est perçue par la masse des citoyens et des professionnels de la politique comme une menace. Alors que pourtant leur objectif est justement la vérité.

Aussi peut-on se demander s’il existe un moyen de sauver la politique du mensonge. Si cela même est souhaitable. Ou plus exactement, souhaité.

 

(1) Hannah Arendt, « Du mensonge à la violence », Agora, Paris, 197

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