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12H00 - vendredi 11 décembre 2015

Une semaine « verte » en Inde du 30 novembre au 7 décembre

 

Mousson meurtrière à Chennai, Modi dénonce une conséquence du changement climatique

http://abonnes.lemonde.fr/planete/article/2015/12/03/le-changement-climatique-pointe-du-doigt-dans-les-inondations-meurtrieres-en-inde_4823833_3244.html?xtmc=mousson_chennai&xtcr=1

Crédit : Hitesh Ashar/ WCommons

Innondation à Mumbai en 2005. Crédit : Hitesh Ashar/ WCommons

Chennai – anciennement Madras – n’a jamais connu de telles précipitations, faisant partie des villes peu pluvieuses de l’Inde. 4ème ville la plus peuplée en Inde avec ses 6 millions d’habitants, la capitale du Tamil Nadu est devenue depuis quelques jours l’épicentre d’inondations qui ont déjà fait 269 morts.

 Face au Parlement, le ministre de l’Intérieur Rajnath Singh a qualifié la situation de «désastreuse ». Face à la communauté internationale, le Premier ministre Narendra Modi  l’a désignée comme une conséquence directe du changement climatique. Les services météorologiques indiens attribuent ces précipitations inédites au phénomène « El Nino », consistant en une perturbation des courants du Pacifique, qui avait commencé à se former dès mars et n’a cessé de prendre de l’ampleur depuis. Mais certaines précisions restent vagues : à ce phénomène s’ajoute une «rare coïncidence de plusieurs facteurs », selon ces mêmes services indiens. Quoiqu’il en soit, une telle catastrophe n’était pas une surprise  complète : le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) prévoyait déjà, avec l’élévation des températures dans la région, une hausse du nombre d’inondations et de sécheresses, des averses plus fortes sur un nombre de jours réduit, et des « précipitations extrêmes » pendant la mousson.

Atterrés par ce drame, les dirigeants indiens n’en sont pas moins conscients de l’existence de facteurs autres que strictement météorologiques. C’est le mode de développement du géant émergent qui est impliqué et cruellement mis en cause : la démesure d’une urbanisation croissant à une vitesse vertigineuse et incontrôlée, la mauvaise qualité chronique des réseaux d’assainissement (sous dimensionnés ou mal entretenus), le pullulement de constructions illégales le long des canaux, qui empêchent l’absorption de l’eau par le sol sont les conséquences d’un développement revendiqué mais inégalitairement ordonné.

Ces constructions sont une composante récurrente et inhérente aux grandes villes indiennes. Selon la Haute Cour de justice de Madras, elles seraient au nombre de 150 000 dans la ville. Les baraques de bois engluées dans la boue s’enfoncent dans des fondations incertaines, construites sur des digues longeant les cours d’eau des immenses centres commerciaux étalant leur modernité railleuse.

Madras ne connaît ni plan d’urbanisme, ni accès généralisé à l’eau potable, ni moyens pour rendre crédible la législation des constructions. Capitale industrielle abritant de nombreuses filiales et sites d’entreprises étrangères automobiles – telles que Michelin, Ford ou  encore Nissan-Renault – les pertes engendrées par les inondations pourraient s’élever jusqu’à 2 milliards d’euros, selon l’Association des chambres de commerce et d’industrie indiennes (Assocham).

Chennai n’est pas la première ville à souffrir d’inondations meurtrières. Au cours des cinq dernières années, elles ont ravagé les Etats de l’Uttarakhand et le Cachemire, dans le nord de l’Inde, mais aussi le Pakistan, et ravagent régulièrement le centre et les bidonvilles de Calcutta. Plusieurs régions d’Asie sont également touchées par ces moussons dévastatrices. Un phénomène qui s’accroît, continue de détruire – et vient accentuer si cela était nécessaire l’urgence d’une solution climatique globale.

 

 

L’Inde décidée à un être un partenaire «positif » et force de propositions

http://www.thestatesman.com/news/world/climate-talks-in-final-phase-india-promises-positivity/108870.html

2Au sein de la diplomatie indienne, l’idée d’un sous-continent uniquement spectateur semble venir d’un autre siècle. L’Inde doit prendre sa place parmi les grandes puissances, et compte bien se faire entendre lors de cette COP21. Alors que les doutes se multiplient quant à ses prises de position au sein de la Conférence de Paris sur le Climat (refus d’abandonner l’usage d’énergies fossiles et exigences en termes de financements), le ministre indien de l’Environnement Prakash Javadekar entend rappeler la bonne volonté de Delhi.

« L’Inde est en train de devenir plus pro-active, avec d’avantage de positif que d’opposition qui était l’attitude initiale de l’Inde ; nous sommes maintenant une force de propositions. » « L’Inde ne se veut pas être le problème [de ces négociations] mais le facilitateur» rajoute-t-il, annonçant la flexibilité de la délégation indienne. Une bonne volonté qui s’accompagne néanmoins d’un déni : « Beaucoup de personnes décrivent l’Inde comme le troisième pollueur mondial. C’est en parti faux. » Pointant du doigt la Chine, les Etats-Unis et l’Europe comme responsables, la position du ministre annonce certes de louables intentions… qui doivent concerner en premier lieu ses congénères.

 

 

« Le principe de responsabilités communes mais différenciées doit être la base de notre entreprise collective » La tribune exigeante du Premier ministre dans le Financial Times

http://abonnes.lemonde.fr/cop21/article/2015/11/30/cop21-la-gestion-du-temps-cle-du-succes-des-negociations-selon-m-fabius_4820152_4527432.html

3Narendra Modi ne compte pas sacrifier sa croissance indienne aux bonnes volontés occidentales. Il prétend bien avoir droit à un développement rapide – et ne s’en cache pas. Dans une tribune publiée dans le Financial Times le lundi 30 novembre, jour d’ouverture de la COP21, il rappelle que la clé de voûte du compromis à trouver reste le financement, seul élément décisif qui pourra convaincre les pays du Sud ou émergents de respecter des mesures limitant à 2 degrés le réchauffement climatique.

Bien que troisième pollueur mondial, l’Inde pointe du doigt la responsabilité historique des pays du Nord. Héraut de « la justice climatique », elle défend le principe de responsabilités communes mais différenciées comme base de « l’entreprise collective ». Pour le Premier ministre, « La justice exige qu’avec le peu de carbone que nous pouvons encore brûler en toute sécurité, les pays en développement soient autorisés à croître ». Ce que Modi réclame est donc bien un « droit au développement », revendiquant la liberté d’utiliser les ressources favorisant l’essor d’une croissance économique, y compris fossiles, comme le firent auparavant les pays du Nord.

L’utilisation de ressources fossiles ou renouvelables était déjà un point majeur de la contribution indienne (INDC), publiée le 1er octobre : qu’il s’agisse de son engagement à réduire son intensité carbone à 33% d’ici 2030, ou de sa décision de faire de porter à 40% la part d’énergies non fossiles dans sa production d’électricité pour la même date, ces engagements ne seront réalisés qu’avec deux sésames, le financement et le transfert de technologies. Avoir accès aux technologies propres et à leurs financements, afin de se développer tout en limitant la hausse de ses émissions de gaz à effet de serre : voilà l’engagement conditionnel et exigeant de l’Inde.

En effet, avant de s’avancer davantage, Narendra Modi dénonce un engagement des pays riches insuffisant.  « Une nouvelle prise de conscience doit amener les pays avancés à assumer davantage de responsabilité, prévient M. Modi. Ce n’est pas juste parce que la technologie existe qu’elle est abordable et accessible. » Au nom de la justice climatique, M. Modi met en garde les pays développés : « Les modes de vie de certains ne doivent pas empêcher les opportunités de ceux, nombreux, qui sont encore à la première marche de l’échelle du développement. »

 

 

Une contribution notoire : la proposition d’une alliance Nord-Sud pour le solaire

http://www.rfi.fr/asie-pacifique/20151201-cop21-alliance-solaire-inde-rechauffement-climatique-modi

Les participants de la Mission Innovation. Crédit: Roberto Stuckert Filho / Wikimedia Commons

Les participants de la Mission Innovation.
Crédit: Roberto Stuckert Filho / WCommons

Dès le premier jour, le 30 novembre, l’Inde a fait part de son ambition première : concevoir une « Alliance solaire internationale » entre Nord et Sud. Cette alliance se veut une plateforme de coopération entre les pays développés disposant des technologies nécessaires, et les pays riches en énergie solaire voulant en faire leur principale source de production d’électricité. Parmi les pays concernés figurent l’Inde, de nombreux pays africains et latino-américains – une centaine de pays situés entre les tropiques du Cancer et du Capricorne et dotés en moyenne de 300 jours d’ensoleillement par an. Les inégalités chroniques de ces pays ont été rappelées dans le discours qu’a adressé Narendra Modi  à la communauté internationale pour présenter son projet, soulignant que la richesse de ces pays en énergie solaire n’empêche pas une importante portion de leur population de manquer d’électricité. L’objectif est donc « de faire du solaire une partie intégrante de notre vie et de l’amener dans les villages et les communautés qui ne sont pas connectés ».

Cette proposition fait écho au lancement d’une « mission innovation », souhaitée par François Hollande, Barack Obama, une vingtaine de chefs d’états et Bill Gates. Le but est de permettre  « d’augmenter significativement les investissements publics et privés dans les énergies propres ».

 

 

« L’Inde réagit exactement comme le faisaient les Etats-Unis en 2009 » La perception d’EELV sur la participation indienne

http://www.leparisien.fr/environnement/cop21/cop21-l-oeil-d-emmanuelle-cosse-l-inde-sera-le-pays-le-plus-dur-a-convaincre-02-12-2015-5332601.php#xtref=https%3A%2F%2Fwww.google.fr%2F

La pollution de l'air à Beijing en février 2014. Crédit : Kentaro IEMOTO / WCommons

La pollution de l’air à Beijing en février 2014. Crédit : Kentaro IEMOTO / WCommons

Réagissant au discours inaugural de François Hollande lors de l’ouverture des négociations, Emmanuelle Cosse, secrétaire nationale d’Europe Ecologie Les Verts (EELV) a pointé du doigt le triste rôle joué par l’Inde. Alors que les discours des grandes puissances se répandent en bonnes volontés et louables intentions, les avertissements indiens et le refus explicite de se séparer immédiatement des énergies fossiles fait l’effet d’une douche froide. «L’Inde réagit exactement comme le faisaient les Etats-Unis en 2009 à Copenhague quand ils disaient ne pas vouloir que l’on touche à leur mode de vie », souligne Emmanuelle Cosse.

Cette prise de position indienne est à mettre en parallèle avec celle qui a longtemps été celle de la Chine, refusant également durant de nombreuses années de sacrifier au développement durable une croissance économique rapide. Au point qu’aujourd’hui, la pollution est devenue un frein pour le développement économique mais également social, suscitant une forte et croissante contestation de la classe moyenne. A tel point que Pékin se voit aujourd’hui contraint et forcé de prendre en compte ces revendications. L’espoir de voir Delhi se montrer plus accommodant nécessite donc la considération de l’effet de groupe : «Nous sommes moins mal partis que lors des précédentes COP et s’il y a un effet d’entraînement, l’Inde ne pourra pas jouer jusqu’au bout le cavalier seul.» conclut Emmanuelle Cosse.

 

 

Delhi accuse l’OCDE de falsifier les chiffres de l’aide au développement durable

http://www.theguardian.com/environment/2015/dec/02/paris-climate-talks-indian-officials-accuse-rich-countries-of-exaggerating-climate-aid

6La critique a émergé de la délégation indienne la semaine dernière. Alors que l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a annoncé que les pays du Nord avaient débloqué 57 milliards de dollars pour l’aide pour le climat en 2013 – 2014. Un chiffre contesté par le ministre indien de l’Economie, Shaktikanta Das, qui estime que les « progrès sont surestimés ». En 2009, les pays développés avaient promis de délivrer la somme de 100 milliards de dollars chaque année pour permettre aux pays du Sud de gérer les conséquences du réchauffement climatique d’ici 2020. Les chiffres de l’OCDE établissent donc que l’objectif de 100 milliards serait atteint aux 2/3 – alors que l’Inde estime que la somme débloquée est plus proche de 2,2 milliards de dollars que des 57 évoqués.

Cette bataille des chiffres n’est pas anodine. Tout d’abord car cela dénote un manque patent de confiance du Sud envers la crédibilité des engagements du Nord, mais surtout car le montant de l’aide financière des pays du Nord est notamment le cheval de bataille et la condition de New Delhi pour signer un accord.