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09H41 - jeudi 10 décembre 2015

Geneviève Garrigos : « Respecter les droits humains peut permettre de changer le cours des choses »

 

A l’occasion de la Journée mondiale des droits de l’homme, entretien annuel avec Geneviève Garrigos.

n°11R

Geneviève Garrigos, présidente d’Amnesty International France – Crédits : Amnesty International

 


Le Front National est devenu, en voix, le premier parti de France. Est-il selon vous un parti compatible avec le respect des droits humains ?

Nous ne nous positionnons pas pour ou contre un parti politique. Nous jugeons les personnes politiques par rapport aux droits humains, au droit international dont fait partie le droit d’asile et aux politiques qui luttent contre les discriminations. Concernant l’aspect sécuritaire, nous comprenons le besoin de sécurité des populations. Toutefois, ces mesures doivent être prises avec un objectif précis et une limitation dans le temps et ne doivent pas être discriminantes.

Tout programme qui ne respecte pas ces principes, nous le critiquons.

A l’occasion des présidentielles, nous faisons parvenir des notes d’engagement pour le respect du genre, de la pratique de la religion, le respect des populations comme les Roms par exemple.

Pour moi, le Front National ne respecte pas ces grandes lignes. Clairement, il y a une remise en cause des libertés fondamentales avec lui.

 

A l’occasion de la COP21, le respect des droits humains est-il selon vous lié à celui de l’environnement comme on tend de plus en plus à l’affirmer ?

Fondamentalement lié. Les changements climatiques ont un impact direct sur les populations : habitat, revenu (issu de l’agriculture ou de la pêche) et santé. Une augmentation de la température de 3 degrés favoriserait la transmission par les moustiques de la dengue et du paludisme, ce qui pourrait entraîner entre 200 000 et 400 000 morts. Ces changements vont impacter les plus pauvres, les peuples vulnérables et les autochtones. Parmi ces populations se trouve une majorité de femmes avec des emplois et des situations précaires.

Pour lutter contre les changements climatiques, il faut préserver les droits humains et que les politiques mises en place ne soient pas discriminantes. Les impacts des changements climatiques existent déjà : l’accès à l’eau potable est un problème car il faut dans certains pays acheter de l’eau traitée.

Pour lutter efficacement contre les changements climatiques, il est nécessaire d’assurer la participation des populations dans les projets mis en place. Il faut rendre compte des politiques menées et permettre aux populations d’obtenir réparation. Le respect du droit d’expression, du droit à la manifestation (pacifique) restent des droits importants au cœur de ces politiques. Il ne faut pas oublier que certaines personnes sont menacées car elles luttent contre les changements climatiques, comme nous avons pu le voir pendant la COP21, par exemple.

Que pensez-vous du fait que la France ait annoncé envisager de déroger à la Convention européenne des droits de l’homme dans le cadre de l’état d’urgence ?

Ce qui est très clair, c’est qu’il peut y avoir des restrictions aux libertés fondamentales et c’est inscrit dans le droit international. Nous nous inquiétons de la durée. Ces mesures sont-elles proportionnées, non discriminantes ? L’Etat doit être vigilant dans l’application des mesures et s’assurer que chaque intervention est justifiée. Pour protéger nos droits, on ne peut violer nos libertés fondamentales. Ainsi, la circulaire du ministère de l’Intérieur qui rappelle ces points doit être respectée.

 

Que pensez-vous du traitement politique des migrants en France ?

La France pourrait faire beaucoup mieux, selon nous. Il n’est question pour le moment que du partage des migrants déjà arrivés au sein de l’Union Européenne. L’Europe devrait mettre en place des accès sécurisés pour les demandeurs d’asile en Europe. Au Liban, 25% de la population est constituée de réfugiés. Donc nous pourrions faire plus.

En ce qui concerne l’arrêt de l’accueil des réfugiés, suite aux attaques du 13 novembre dernier, c’est dramatique. Plutôt que de nous renfermer sur nous-mêmes, nous devrions rester dans la solidarité.

 

Quels sont vos objectifs pour la campagne « 10 jours pour signer » ?

La mobilisation. Nous souhaitons mobiliser davantage que l’an dernier, nous avions réunis 3.2 millions de signatures. Trois des dix personnes pour lesquelles nous nous mobilisions ont pu trouver une issue heureuse à leurs situations dont Shaker Aamer qui a été détenu pendant treize ans à Guantanamo. Il a été libéré.


Que diriez-vous à ceux qui ne croient pas dans le pouvoir de la simple signature de pétition pour faire changer les choses ?

Le changement dans la situation des personnes que je viens d’évoquer prouve l’efficacité de notre combat. A travers des situations emblématiques dans le monde entier nous travaillons à l’évolution positive du respect des droits humains dans un cadre plus général. Cette année, au Burkina Faso, nous avons demandé au gouvernement de prendre des mesures pour appliquer la loi interdisant les mariages précoces.

Nous menons aussi des actions éducatives. Le poids des croyances et des coutumes est parfois difficile à éradiquer.

 

Jeudi 10 décembre 2015, nous célébrerons la Journée mondiale des droits de l’homme. Quels sont vos souhaits ?

Que ce soit par rapport à la nature des conflits, à la protection des réfugiés, aux mesures sécuritaires depuis 2001, il est important de rappeler que les droits humains sont universels et s’appliquent à tous.

Ils sont indivisibles : chaque individu doit en bénéficier. Ils sont inaliénables : en dépit de ce que nous avons pu faire, on doit avoir accès à ses droits. Ils ne se bradent pas : ils ne peuvent être sacrifiés y compris dans les décisions politiques.

Prendre en compte les droits humains peut permettre de changer le cours des choses.

 

Propos recueillis par Stéphanie Petit

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