International
15H27 - mercredi 18 novembre 2015

« Soutenez-nous » : le message d’Emine Colak, la ministre des Affaires étrangères de Chypre Nord, à la France

 

 Emine Colak est ministre des Affaires étrangères de Chypre Nord. La ministre, entrée en fonction en juillet dernier, était à Paris pour envoyer un message à l’Union européenne : la République de Chypre existe et a besoin de soutien dans le processus de négociation engagé visant à la réunification des deux Chypre.

 

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Emine Colak, ministre des Affaires étrangères de Chypre Nord

 

Actuellement les pays européens tentent de faire face à la crise des migrants. Comment se situe la République de Chypre nord dans cette situation ?

Nous sommes à la fois géographiquement proches de la Syrie et de l’Irak. Pour autant, nous n’avons pas de flux migratoire important. Nous avons une centaine de réfugiés dans le pays. La République de Chypre Nord n’est pas une destination choisie par les migrants, ils y arrivent généralement quand leurs embarcations sont endommagées.

Il arrive également que quelques migrants viennent délibérément en Chypre Nord pour rejoindre leurs familles dans le Sud. Nous tentons enfin d’adapter et d’améliorer notre législation afin de la rendre respectueuse des droits humains.

 

Quel était l’objectif de votre visite à Paris ?

Nous sommes à Paris car actuellement le pays est engagé dans un processus de négociation afin de trouver une solution au clivage qui existe à Chypre depuis plusieurs années. Dans le passé, plusieurs tentatives ont échoué, cette fois un nouvel espoir entoure ces négociations car Mustafa Akinci, président de Chypre Nord et Nikos Anastasiadis, à la tête de la République chypriote, semblent tous deux vouloir une réconciliation politique.

Elu en avril dernier, Mustafa Akinci a pris part aux pourparlers pour la réunification dès le mois de mai. Une réelle volonté d’arriver à un compromis est née entre les deux chefs d’Etat. La situation chypriote nécessite d’aborder plusieurs chapitres : Union européenne, problèmes économiques, sécurité, questions relatives à la propriété. Toutes ces questions sont actuellement abordées et progressent, ce qui nous encourage. Certains points demeurent sensibles mais c’est le jeu de la négociation. Dans l’ensemble, une confiance mutuelle s’installe doucement.

Le passage entre le nord et le sud a été facilité, les systèmes d’électricité et de télécommunications qui font partie du quotidien subissent des améliorations. Lorsque les présidents des deux Etats auront, je l’espère, trouvé un compromis, un référendum sera organisé.

La Turquie, la Grèce et la Grande-Bretagne nous soutiennent dans ce projet. Un comité des Nations Unies suit également le dossier de près, tout comme le secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-Moon que nous avons rencontré le mois dernier à New-York.

Cette réunification serait un bon exemple de la résolution pacifique de conflits alors qu’il y a tant de guerres et de conflits dans le monde et dans cette région. Si nous sommes optimistes, nous restons prudents car nous avons déjà subi de nombreux échecs dans ce processus dans le passé. Ainsi en 2004, le Plan Annan visant la réunification, a été soumis à un référendum. Les Chypriotes grecs se sont prononcés contre ce plan.

Nous sommes à Paris pour envoyer un message et expliquer ce qui se passe. Nos négociations ne semblent pas être perçues comme elles le devraient par les gouvernements européens, dont la France qui restent ancrés dans le passé. Concrètement, nous ne représentons rien : la Turquie s’exprime à la place de la République de Chypre nord, nous ne sommes pas reconnus en tant qu’Etat à part entière, nous ne faisons pas partie de l’UE.

Nous avons des difficultés à installer des ambassades. Nous avons besoin d’être plus visibles et écoutés des pays européens, le jour du référendum, il sera trop tard pour manifester du soutien à la Chypre nord. Il est urgent d’agir maintenant !

Nous venons en Europe maintenant pour obtenir protection et soutien pour ces négociations. Nous voulons dire à la France : Soutenez-nous !

 

Quel est le coût humain de la division entre Chypre et Chypre Nord ?

Les Chypriotes grecs se plaignent d’avoir été privés pendant 40 ans du nord du pays et de la présence militaire dans les rues. D’un autre côté, ils sont entrés dans l’UE et ont bénéficié des avantages qui en découlent alors que les Chypriotes turcs vivent dans un Etat non reconnu officiellement. Ils ont connu l’isolement et l’embargo.

Nous sommes faussement des citoyens européens, cette situation est dommageable pour les jeunes qui rencontrent des difficultés administratives pour voyager ou étudier à l’étranger. Ils veulent entreprendre et interagir avec le monde, ce qui leur est refusé car ils sont originaires d’un Etat non reconnu. Nous devons enlever ce poids de nos épaules.

Il ne faut pas oublier que nous avons la démocratie dans notre pays, un Parlement, des élections, un système judiciaire et des instances dédiées à la bonne marche du pays. Par ailleurs, nous avons besoin du soutien politique et financier de notre voisin turc sans être absorbés par la Turquie. Nous ne voulons pas être vus comme si on ne valait rien. Nous devons nous battre pour être une partie légitime de Chypre réunifiée.

 

 

Les négociations progressent. Quels sont les obstacles à un accord historique ?

Quelques-uns des points de discussion relèvent de l’histoire tendue entre le nord et le sud du pays. Le principal problème reste la question de la propriété car pour le moment le texte prévoit la propriété pour les habitants du nord comme pour ceux du sud. Il faudra en dédommager certains pour que d’autres puissent accéder à la propriété.

Cette question est délicate car certaines personnes ne seront pas satisfaites par cette solution, ce sera un des compromis nécessaires à une réunification.

En outre les Chypriotes turcs ont subi des violences de la part des Chypriotes grecs dans le passé et ils doivent se sentir protégés. Il faut trouver un arrangement qui protège les uns sans menacer les autres.

 

 

Propos recueillis par Stéphanie Petit

Journaliste

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