International
19H33 - vendredi 13 novembre 2015

Le monde sans frontières de Sergent Garcia

 

Commencer sa phrase en français pour la finir en espagnol, faire le grand écart entre Cuba et la Colombie tout en tendant la main vers la Jamaïque… C’est avant tout la déconcertante spontanéité avec laquelle Sergent Garcia se joue des frontières géographiques ou des clivages entre les différents styles qui séduit dans sa musique, ce grand mix culturel qu’il définit lui-même comme la « salsamuffin ». L’artiste achève en ce moment la promotion de son dernier album « contre vents et marée ».

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Sur scène lors du concert RFI talent à Paris au Pan Piper, Sergent Garcia présente tour à tour les musiciens cubains du « Colectivo Iyé Ifé » qui l’accompagnent et dont les solos font monter l’euphorie dans la salle: Christophe Gallizio, Arensidio Sarmiento, Alexis Gonzalez, Eduardo Fernandez, Aldo Medina, Ivan Darroman, Supa Bassie… C’est surtout de cette île d’où ils viennent, de Jamaïque et d’Amérique latine, que le chanteur et guitariste ramène de ses voyages les rythmes dont se nourrit sa musique: cumbia, salsa, reggae … Mais aussi tempos plus africains. Toutes ces musiques ont pour point commun de donner irrésistiblement envie de danser mais sont aussi chargées d’histoire : ce trajet entre les continents que le sergent s’apprête à refaire sur son voilier-studio afin d’enregistrer sur place des artistes locaux, c’est la route de l’esclavage, de la colonisation, des pillages européens.

Autant de confrontations entre les civilisations ayant entraîné des drames historiques, mais qui font de cette zone un passionnant « laboratoire naturel de tous ces rythmes, instruments et musiques venus de partout dans le monde. Quel que soit le rythme auquel on s’intéresse dans les Caraïbes, il y a toujours un élément venu de quelque part ailleurs », s’enthousiasme le sergent rencontré lors de sa dernière représentation parisienne. La musique fédère, rassemble, permet aux cultures de se rencontrer autrement que par le choc destructeur, ouvre la voie du dialogue et non de l’exploitation de l’autre : si l’on prend l’exemple de la cumbia, qui a émergé au XVIIe siècle en Colombie à peine plus de cent ans après que les premiers colons aient mis le pied pour la première fois sur le continent sud-américain, elle mêle traditionnellement adaptations de poèmes espagnols, tambours africains et maracas, sifflets et flûtes d’origine indienne…

Derrière le métissage musical, c’est donc la vision d’un monde sans frontières que nous promet musique de Sergent Garcia, un cap perdu dans le lointain qu’il est pourtant fondamental de ne pas perdre de vue dans ces temps de repli identitaire, d’érections de barrières autour de l’Europe « comme s’il s’agissait d’une forteresse »: après la Hongrie, la Croatie, c’est désormais l’Autriche qui s’apprête à renforcer la limite physique de son territoire pour faire face à la crise migratoire. Une absurde négation de la capacité de l’homme à s’adapter, de son essentiel nomadisme que revendique Sergent Garcia, mais aussi de la responsabilité de l’Occident dans la crise actuelle. Pour le chanteur, l’Europe ne fait actuellement que récolter le fruit de politiques agressives, motivées par d’importants intérêts économiques, menées depuis des siècles à l’encontre des autres continents.

Exploitation des hommes mais aussi exploitation de la nature… Autant d’oppressions, d’injustices, de chemins autodestructeurs que le chanteur dénonce inlassablement depuis le début de sa carrière dans ses textes mais aussi à travers ses engagements personnels : pour la défense des peuples indiens mapuches ou la protection de l’océan à laquelle s’est engagé Sergent Garcia avec d’autres artistes en fondant le collectif « The Ocean Nation » qu’il entend représenter à la COP21. Le chanteur se place plus volontiers au côté des « petits » que des puissants, mais croit aussi en la capacité de certains gouvernements à créer des avancées positives, notamment en Amérique latine. Il préfère ainsi Mujica (ex-président de l’Uruguay), Rafael Correa (Equateur) ou Nicolas Maduro (Venezuela) à l’actuelle classe dirigeante européenne.

Sergent Garcia demeure optimiste. Aussi critique que soit la situation, dans les ghettos cubains comme dans ceux de Colombie, il rencontre partout la même énergie qu’il entend capter et recréer au travers de sa musique qui fait toujours l’effet d’un puissant antidépresseur, qu’elle évoque l’esclavage ou Guantanamo. Et ce, en portant autant d’intérêt aux rythmes du folklore qu’aux musiques urbaines plus underground comme le hip hop, dont il emprunte parfois la scansion- l’artiste a d’ailleurs collaboré avec Cypress Hill mais aussi avec le groupe phare du rap latino Delinquent Habits. Autant de styles variés qui ont pour point commun d’affirmer, à travers les siècles, la vitalité de la culture de ceux qu’on préfère dénigrer afin d’ignorer plus facilement leur souffrance. Contre tout misérabilisme, c’est à cette nécessité de ne rien abandonner et de lutter envers et contre tout que fait référence l’artiste dès le titre de ses deux derniers albums « Una y otra vez » et « Contre vents et marées ». A découvrir ou à réentendre lors de la dernière date de la tournée de promotion du nouvel album à Bruguières le 14 novembre.

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