Opinion Amériques Latines
12H15 - mardi 10 novembre 2015

Macri, le changement « bling-bling »

 

Les deux amis d’hier se retrouvent aujourd’hui dans l’arène d’une lutte acharnée pour la présidence de l’Argentine. Depuis la surprise du dimanche 25 octobre – premier tour des élections – où Mauricio Macri réussit son pari de mettre en ballotage Daniel Scioli, la compétition s’intensifie. Le ballotage, Mauricio Macri, candidat de l’alliance Changeons aux élections présidentielles. Crédits : PRO / Flickr CC. Mauricio Macri, candidat de l’alliance Changeons aux élections présidentielles. Crédits : PRO / Flickr CC.[/caption]

 

Il est la surprise de ces élections. Mauricio Macri, actuel maire de Buenos Aires et candidat à la présidentielle pour l’alliance Changeons, a réussi le tour de force de faire plier le Front Pour la Victoire qui avait jusqu’à présent toujours remporté l’élection dès le premier tour. En réduisant l’écart avec son adversaire – Daniel Scioli – à seulement deux points, il est l’auteur du premier « ballotage » de la démocratie argentine. Outre la relative impopularité de son adversaire, il a démontré que ses propositions répondaient à certaines attentes des citoyens.

Dans un contexte où la hausse des prix à une variabilité de plus de 40%, les mesures anti-inflationnistes qu’il souhaite mettre en place – à travers une politique de rigueur – ont conquis un large électorat. En outre il n’a cessé de clarifier son positionnement sur l’un des enjeux de l’élection : la lutte contre le narcotrafic, pour laquelle il prône une attitude répressive passant notamment par une augmentation des policiers, qu’il a d’ailleurs mise en oeuvre dans la capitale argentine. Plus que son programme, ses critiques de la gestion gouvernementale à travers les accusations de clientélisme, népotisme et corruption qu’il porte contre les kirchnéristes au pouvoir, ont séduit une partie des argentins déjà familiers des scandales qui éclatent depuis quelques années, sous la présidence de Cristina Fernandez de Kirchner. Bien que son propre parcours soit lui-même jalonné de diverses poursuites judiciaires, il apparaît pour beaucoup comme le candidat du changement démocratique.

Il ne s’engage en politique qu’en 2005, en fondant lui-même son propre mouvement Engagement pour le changement. Le fait de ne « pas être du sérail » est perçu comme un gage de confiance chez des citoyens devenus méfiants des politiques depuis la crise de 2001. En même temps, son inculpation pour contrebande dans un trafic de matériel automobile en 2001 et sa fortune grandissante répartie dans des comptes en Suisse et aux Etats-Unis, l’éloigne des préoccupations de la majorité des citoyens, à l’époque. Deux ans après une reprise en main des manettes du pouvoir par Kirchner, l’intention de Macri est de constituer une alternative au péronisme autour d’un projet libéral.

Ses appels à l’abaissement des taxes aux produits manufacturés et la relance des investissements par une politique commerciale d’ouverture, séduit les classes moyennes et hautes qui regrettent de ne pas pouvoir accéder, comme les autres, aux produits importés d’Europe et d’Etats-Unis à des prix raisonnables. En 2006 il remporte sa première victoire à un poste national en devenant député national, pour le parti Proposition Républicaine créé un an plus tôt. L’année suivante, c’est la consécration : il est élu maire de la ville de Buenos Aires. Mais l’ascension ne s’arrête pas là pour cet ambitieux qui a hérité de l’esprit d’entreprendre de son père ; l’un des businessmen les plus fortunés d’Argentine, à la tête de l’empire du Groupe Macri, titulaire des parts de nombreuses entreprises. Mauricio  Macri saisit l’opportunité des élections présidentielles de2015 pour s’allier avec l’autre pendant historique du paysage politique argentin : le radicalisme, dont le net déclin sur la dernière décennie oblige à la recherche de soutiens. C’est ainsi qu’il parvint à rassembler une large base électorale derrière lui. Un sens du leadership qu’il conjugue avec une image de père de famille rangé et de mari aimant de la sublime Juliana Awada. Une figure de sauveur charismatique faisant écho à une histoire politique marquée par le mythe des grands hommes. Sa légende à lui a débuté en tant que président du club de football le plus populaire en Argentine – le Club Atléthique de Boca Juniors –, couronné de 17 titres sous son mandat. Il sera réélu plusieurs fois, à chaque fois avec des scores plébiscitaires. Il charme une partie du peuple.

Mais cela suffira-t-il à faire oublier ses orientations vers l’économie de marché particulièrement impopulaires dans le pays du péronisme ? Où l’industrie nationale compte plus que n’importe où ailleurs, de même que les acquis sociaux dont il menace de faire disparaître une partie ? Malgré ses efforts de communication pour capter l’électorat péroniste – jusqu’à inaugurer une statue à la gloire du célèbre personnage historique, duquel il a déclaré se sentir proche –, celui-ci n’est pas dupe. Pendant la campagne Mauricio Macri est revenu à maintes reprises sur ses propres annonces, concernant des thèmes importants pour les argentins. Son revirement sur la question de la privatisation de l’entreprise nationale de pétrole YPF par exemple, tend à le décrédibiliser.

Reste à déterminer si, le 22 novembre, le destin politique de l’Argentine s’orientera, une fois de plus, vers ce particularisme local qui continue de marquer la vie politique soixante-dix ans après son apparition… ou si la poussée du « changement » tel que l’entend Macri, sera capable d’un véritable bouleversement politique en Argentine.