International
11H27 - mercredi 7 octobre 2015

Lynché pour avoir abattu une vache : la radicalisation d’un hindouisme qui cherche sa place en Inde

 

 

Nouveau paradoxe de l’Inde actuelle : la vache. La tuer est interdit dans la majorité des Etats indiens, et certains ont dernièrement durci leur législation, à l’instar de l’Etat du Maharashtra qui a interdit en mars dernier toute détention de bœuf chez soi. Une décision censée protéger ces animaux internationalement connus pour être sacrés en Inde, alors que le quotidien des grandes villes voit ces mêmes vaches mâcher sacs plastique et ruminer détritus pollués, au milieu des pots d’échappement des voitures et des ordures ménagères.

 

Vache au Sardar Bazar (marché de Jodhpur) - Crédit :  Jean-Pierre Dalbéra / Flickr CC

Vache au Sardar Bazar (marché de Jodhpur) – Crédit :
Jean-Pierre Dalbéra / Flickr CC

 

 

Dans l’Uttar Pradesh, l’abattage des vaches est interdit. Lorsque des villageois de Basara, à une cinquantaine de kilomètres de Delhi, ont trouvé le cadavre d’une vache près d’un compteur électrique le 28 septembre dernier, la nouvelle s’est vite répandue, et lors du rassemblement dans un temple, un coupable a été désigné : Mohammed Akhlaq, 52 ans, de confession musulmane. Aux environs de 23h, armés de bâtons et de briques, une centaine de personnes s’est dirigée vers sa maison, battant d’abord sa mère âgée de 82 ans, son fils, avant de s’en prendre à M. Akhlaq. Il décède quelques heures plus tard de ses blessures ; son fils, à l’hôpital, est laissé dans un état critique.

Depuis, journaux indiens et internationaux relaient les récits de la mère de la victime, de son fils, de sa fille : la violence des témoignages se fait l’écho de la stupeur, face à un innommable qui se répète et une justice dont on ne sait si elle est impuissante ou complice. Pourtant, c’est bien elle que réclame la mère de M. Akhlaq : « S’ils nous suspectaient d’avoir abattu une vache, pourquoi ne nous-ont-ils pas dénoncé à la police avec une preuve ? » confie-t-elle au New York Times. La famille se défend d’avoir conservé toute viande de bœuf, même si la fête de l’Aïd El Kebir, célébrée par les musulmans cette semaine-là, inclue traditionnellement le sacrifice de chèvres ou de buffles. Pour l’instant, des échantillons de la viande trouvée chez   M. Aklhaq ont été envoyés à des laboratoires afin d’être testés – les résultats ne sont pas attendus avant deux semaines.

 

La complaisance face aux radicalistes hindous

Souvent critiqué pour une trop grande complaisance vis-à-vis des violences intercommunautaires, le gouvernement de l’Uttar Pradesh a arrêté six hommes âgés de 22 à 25 ans et promis une compensation d’un million de roupies (13 500 euros). L’enquête est en cours et la police locale a notamment confié au New York Times que les villageois auraient utilisé les réseaux sociaux afin de rassembler la foule. Si l’abattement des vaches est interdit, la consommation de bœuf à proprement parler ne l’est pas en Uttar Pradesh – même si d’autres états n’ont de cesse de durcir leur législation depuis l’arrivée au pouvoir de Narendra Modi.

Le récent durcissement de cette législation coïncide avec l’influence grandissante d’Hindous intransigeants, proches de Modi, lui-même identifié comme un nationaliste hindou issu de « l’aile dure ». Tenant d’un hindouisme intransigeant, souvent hostile aux musulmans, pourtant première minorité du pays, le Premier ministre n’a rien fait pour enrayer la montée des tensions entre hindous et musulmans. Ram Dutt Tripathi, ancien journaliste de la BBC affirme : « De tels incidents barbares n’arrivent pas soudainement. Ils sont préparés. La raison de l’échec de l’Uttar Pradesh dans la prévention de tels crimes est un grand motif d’inquiétude ».

Car ce sinistre évènement n’est qu’un énième exemple de la montée des extrêmes droites hindouistes. Un an plus tôt, des hindous avaient déjà lancé une campagne pour convertir chrétiens et musulmans, attaquant plusieurs églises. Le silence lourd de sens du gouvernement, constant et sans faille concernant ces sujets, est considéré comme contribuant à la montée de « l’hystérie » et à la radicalisation d’une religion qui cherche sa place.

 

En finir avec une vision édulcorée de « la religion indienne »…à quel prix ?

Face à la multiplication des émotions sans suite, Devdutt Pattanaik, écrivain, publie dans le journal The Hindu une tribune « Holy cow, unholy violence » (littéralement « Vachée sacrée, violence païenne »), et s’interroge sur l’émergence d’un nouveau visage de l’hindouisme.

Cette religion, rassemblant 80% des Indiens et 1, 3 milliard de personnes, retient l’attention mondiale qui l’identifie facilement à une religion passive et tolérante – bien gentille, en somme. Selon Devdutt Pattanaik, cet hindouisme aujourd’hui se réclame plus agressif, plus violent, plus fort, préférant dans son panthéon Kâli – déesse de la destruction libérant ses fidèles de la peur et de l’ignorance –à la douce Gaurî. Intransigeant sur ses pratiques telles que l’observation d’un régime végétarien et clamant ses préceptes (« giving up the ego »), cet actuel mouvement, appelé Hindutva, se place comme la lecture sans alternative de l’Hindouisme. Et lors de controverses comme celle du 28 septembre, use d’une rhétorique hyperbolique et violente, n’acceptant ni dialogue ni nuances.

Cet hindouisme radical viendrait d’une peur, institutionnalisée et paranoïaque, d’une religion indienne, parlant hindi et majoritairement rurale, menacée par une autre Inde, cette fois-ci anglophone. La vision occidentale, faisant de l’hindouisme un système des castes et réduisant Shiva à un dieu phallique, alliée à une recherche historique qui nierait sciemment des composantes importantes de l’histoire hindoue (par exemple, la destruction de temples par les musulmans) provoquerait donc cette réaction. Voulant se dégager d’une image dans laquelle il ne se reconnaît pas, cherchant parfois sauvagement à sauvegarder une identité qu’il estime menacée, l’hindouisme s’insurge et se redessine. Acculé par l’amputation de son histoire, trahi par ses représentants internationaux, l’hindouisme chercherait dans son orthodoxie nouvelle son essence occultée. Au prix d’un radicalisme qui pourrait bien finir par l’identifier.

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