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11H31 - vendredi 2 octobre 2015

La chronique des libertés – 2 octobre 2015

 

L’Arabie saoudite condamne à mort mais « défend » les droits de l’homme à l’ONU

Crédit: ITU/ P. Woods

Faisal Trad – Crédit: ITU/ P. Woods/Flickr

Ali Al-Nimr, jeune homme saoudien âgé de 21 ans, pourrait être décapité pour avoir participé à des manifestations lors du Printemps arabe en 2012, il avait alors 17 ans. Le tribunal pénal l’a condamné à mort en mai 2014 pour  participation à des manifestations contre le gouvernement, attaque des forces de sécurité, possession d’une arme automatique et vol à main armée.

Le jeune homme risque aujourd’hui la décapitation suivie d’une crucifixion. L’éventuelle annulation de son exécution réside à présent dans la pression exercée par la communauté internationale. François Hollande a notamment lancé un appel à l’Arabie saoudite à « renoncer à cette exécution au nom de ce principe essentiel que la peine de mort doit être abolie et les exécutions empêchées. »
De son côté, l’ONU a précisé que «  toute sentence infligeant la peine de mort à des personnes mineures à l’époque du délit ainsi que son exécution sont incompatibles avec les obligations internationales de l’Arabie saoudite. »

Par ailleurs, l’Arabie saoudite, monarchie qui continue d’appliquer la peine de mort, a pris depuis jours la direction du Comité consultatif sur les droits de l’homme. Faisal Trad, ambassadeur de Riyad pour Nations Unies présidera le groupe.

 

La Chine s’engage sur les droits des femmes

Crédit: Michel Temer

Xi Jinping, président chinois – Crédit: Michel Temer/Flickr

Le 27 septembre dernier, la Chine a organisé et présidé au siège de l’ONU à New-York un Sommet sur l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes chinoises. François Hollande, président de la République française, y a fait une intervention. Le sujet avait déjà été abordé il y a vingt ans lors de la Conférence de Pékin sur les Droits des Femmes. Le constat de ces deux décennies s’avère mitigé. Si le gouvernement chinois a favorisé l’accès à l’éducation pour les femmes, elles demeurent 65 millions à ne pas être scolarisées et souffrent encore d’une grande inégalité en matière de droits humains.

Par ailleurs, Amnesty international dénonce « l’hypocrisie de la Chine sur les droits des femmes », particulièrement parce que le gouvernement retient dans ses geôles onze militantes des droits des femmes telles que l’avocate Wang Yu spécialisée dans la défense des droits humains. Cette dernière a notamment dénoncé les cas de harcèlement sexuel dont ont été victimes de jeunes écolières. Elle est emprisonnée depuis le mois de juillet. Su Changlan, ancienne institutrice, est aussi emprisonnée. Elle a combattu la violence contre les femmes et les cas de mariage forcé. Ces deux femmes détenues dans les prisons chinoises sont accusées d’ « incitation à la subversion de l’Etat ». Ces cas démontrent pour l’ONG les failles de l’engagement chinois dans sa lutte pour les droits des femmes et leur égalité.

 

Iran : Hamid Babaei, en prison pour ne pas avoir cédé à l’espionnage

Crédit: Ehsan Iran/Flickr

Prison d’Evin (Téhéran) – Crédit: Ehsan Iran/Flickr

A l’occasion de la rentrée académique, l’université de Liège s’est à nouveau mobilisée en faveur d’un de ses étudiants actuellement en prison. Doctorant de troisième cycle à l’université de Liège Albert Corhay, Hamid Babaei, ressortissant iranien est actuellement emprisonné dans son pays. La République islamique d’Iran l’a condamné en 2013 à six ans de prison, le motif : «  atteinte à la sécurité nationale par la communication avec des Etats hostiles ».

Pour son procès, Hamid Bbabei n’a pas été autorisé à engager un avocat de son choix, les services d’un avocat commis d’office lui ont été imposés. Les bourses versées par l’université belge au doctorant dans le cadre de ses études ont été considérées par le gouvernement iranien comme la preuve évidente de son implication dans  « la communication avec des Etats hostiles » à savoir la Belgique.

Toutefois il apparaît que la condamnation de Hamid Babaei relève en réalité de son refus d’espionner des étudiants iraniens résidant comme lui en Belgique selon Amnesty international. Détenu dans un premier temps dans la prison d’Evin (Téhéran), le doctorant a été transféré  à la prison de Rajai Shahr (Karaj) réputée encore plus sévère en termes de détention, ses livres et ses notes utiles à ses études lui ont été confisqués. L’épouse du détenu, Cobra Parsajoo, étudiante dans la même université que son mari et qui a alerté les médias étrangers sur cette affaire, est à présent menacée d’arrestation.

 

Violences contre la communauté LGBT dans la région côtière du Kenya

Crédit: Nicor/ WCommons

Règlement d’une pension kényanne – Crédit: Nicor/ Wikimedia Commons

L’ONG Human Rights Watch vient de publier un rapport accablant, « Il s’agit de violence : attaques contre les personnes LGBT sur la côte kényane », qui recense les violences homophobes dont sont victimes les membres de la communauté LGBT. De nombreuses agressions perpétrées par les foules envers les homosexuels en raison de leur orientation sexuelle ont été dénombrées entre 2008 et 2015. Les travailleurs sociaux et les personnels de centres de santé fréquentés par les membres de la communauté LGBT auraient également été pris pour cibles.

En dépit de ce climat brutal, peu d’homosexuels déposent plainte et s’ils passent ce cap, les chances pour qu’un procès-verbal soit dressé et une enquête ouverte restent très minces. Ces derniers craignent d’être arrêtés pour « rapport sexuel contre l’ordre de la nature », comme ce fut le cas dernièrement, à la suite d’une dénonciation, pour deux hommes du comté de Kwale. A la demande du procureur, les deux détenus ont chacun subi un examen anal pour établir les preuves de leur crime.

Au Kenya, l’homosexualité demeure légalement pénalisée, les accusés risquent entre cinq et quatorze ans de prison. Pour autant, les relations sexuelles lesbiennes ne sont pas illégales. Avec la publication de ce rapport Human Rights Watch tire la sonnette d’alarme sur la violation des droits humains endurée par la communauté LGBT à savoir une défaillance dans la sécurité quotidienne.

 

L’Egypte néglige ses citoyens dans sa chasse aux tunnels de contrebande

Crédit: Kremlin.ru

Président égyptien Al-Sissi – Crédit: Kremlin.ru / Wikimedia Commons

 

Dans une vidéo récemment publiée, Human Rights Watch appelle l’Egypte à « mettre fin à ces expulsions et à ces démolitions et à s’assurer que toutes les personnes déplacées soient indemnisées et relogées de manière appropriée. » Il est question des expulsions qui ont lieu dans le Sinaï à un rythme actuellement en pleine accélération.

En octobre 2014, au lendemain de l’attaque du groupe terroriste Ansar al-Beit Maqdis contre les soldats égyptiens, le gouvernement a décidé de condamner les tunnels de contrebande au nord du Sinaï. En effet, sur cette portion de terre frontalière à la bande de Gaza, de nombreux bâtiments, des habitations en majorité, ont été rasés et leurs habitants expulsés, parfois prévenus moins de 48h avant. Le but : établir une zone tampon de 79 km². La zone est interdite d’accès aux journalistes et aux observateurs indépendants. Si les habitants ont été partiellement dédommagés, aucune compensation n’a été attribuée pour les terres agricoles détruites ainsi que pour le manque à gagner provoqué.

L’ONG estime à 3200 le nombre de logements détruits et autant de familles déplacées dont certaines vivent dans la rue n’ayant pu se reloger.  Pour Sarah Leah Witson directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord au sein de Human Rights Watch : « L’Égypte doit expliquer pourquoi, au lieu d’utiliser les technologies disponibles pour détecter et détruire les tunnels, elle a effacé des quartiers entiers de la carte. » L’ONG accuse le pays de « violer le droit international » en déplaçant de force des populations.

 

Rwanda : arrestations arbitraires à Kigali

Crédit: JA ALT/ WCommons

Centre de Gikondo – Crédit: JA ALT/ WCommons

Voilà plusieurs mois que le Rwanda inquiète les ONG de défense des droits humains. Kigali fait le ménage dans ses rues au prix d’arrestations et de détentions arbitraires. Les prostituées, les sans-abri, les vendeurs ambulants composent la population carcérale du centre de détention illégal de Gikondo, qui détenait des enfants en 2014. Si les mineurs ne sont plus incarcérés, les femmes avec enfants y sont encore détenues et les adultes continuent d’être arrêtés, frappés, humiliés et torturés par les gardiens du centre qui agissent avec l’accord des forces de l’ordre rwandaises.

Human Rights Watch a publié un rapport intitulé « ‘Pourquoi ne pas appeler cet endroit une prison ?’: Détention illégale et mauvais traitements au Centre de transit de Gikondo au Rwanda »  qui fait état des mauvais traitements subis par les prisonniers entre 2011 et 2015. L’ONG précise que la majorité des prisonniers libérés reviennent au moins une fois dans le centre dans la mesure où ils ne changent pas d’activité professionnelle. « La capitale du Rwanda, Kigali, est souvent louée pour sa propreté et l’ordre qui y règne, mais ses habitants les plus pauvres paient le prix de cette image positive » rappelle le directeur de la division Afrique de Human Rights Watch Daniel Bekele tout en soulignant que « le contraste entre les rues immaculées de Kigali et l’extrême saleté du centre de Gikondo ne pourrait être plus prononcé ».

 

Shaker Aamer libéré après 13 ans pour rien à Guantanamo

Crédit: JTF-GTMO/ WCommons

Shaker Aamer – Crédit: JTF-GTMO/ Wikimedia Commons

Après avoir passé 13 ans en détention à Guantanamo, le résident britannique Shaker Aamer devrait être bientôt libéré, a annoncé le 25 septembre le porte-parole du gouvernement britannique. Il s’agit du dernier résident britannique encore détenu dans la prison.

Incarcéré dans la zone de non droit depuis 2002, sans inculpation ni procès, Shaker Aamer avait été déclaré par deux fois libérable, par l’administration de Bush et par celle d’Obama. En l’occurrence, le gouvernement britannique avait plusieurs fois demandé le rapatriement de Shaker Aamer, sans succès jusqu’à aujourd’hui.

Shaker Aamer faisait partie des premiers détenus à avoir été transférés à Guantanamo. 13 ans de tortures et de mauvais traitement ont gravement porté atteinte à son état de santé physique et mentale. Malgré la promesse du président Obama de fermer avant le 22 janvier 2010 cette prison emblématique des violations des droits humains par le gouvernement américain dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, 149 hommes y étaient toujours incarcérés en septembre 2014.

 

Guinée: Amnesty réclame la justice et le respect du droit à la liberté d’expression à l’approche des élections présidentielles

Crédit: Alpha Conde - World Economic Forum  Annual Meeting 2012/ Flickr

Alpha Condé – Crédit: World Economic Forum
Annual Meeting 2012/ Flickr

Alpha Conde –

Alpha Conde –

Amnesty International a appelé le 24 septembre les autorités guinéennes à libérer des responsables et militants de l’opposition n’ayant pas eu recours à la violence et à respecter la liberté d’expression dans la campagne électorale en cours.

A la suite de violents affrontements dans la ville de Koundara, le 19 septembre, entre des manifestants de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UDFG, opposition) et du Rassemblement pour le peuple de Guinée (RPG, au pouvoir), des activistes et responsables politiques d’opposition ont été raflés par la police  guinéenne alors que plusieurs d’entre eux essayaient justement de calmer la situation, selon des témoignages recueillis par Amnesty International. Détenus à 250 km de leur lieu d’arrestation, ils sont loin de leurs familles et sans accès à des avocats; certains d’entre eux sont également malades et ne reçoivent pas les traitements médicaux nécessaires. François Patuel, chercheur sur l’Afrique de l’Ouest chez Amnesty International, a affirmé la nécessité d’ouvrir une enquête impartiale sur ces événements.

Le même jour, le syndicaliste et militaire à la retraite Jean Dougo Guilavogui, qui avait publiquement déclaré son opposition au parti au pouvoir, a été mis en détention sans avoir été inculpé. Il est atteint de troubles cardiaques et n’a pas accès à un traitement médical adéquat en prison. Amnesty International réclame la libération immédiate et inconditionnelle de cet homme considéré par l’association comme un « prisonnier de conscience ».

L’élection présidentielle, à laquelle se représente le président sortant, aura lieu le 11 octobre en Guinée. Amnesty International avait déjà appelé les acteurs politiques et les forces de l’ordre à respecter le droit à la réunion pacifique et à ne pas faire usage de violences excessives à l’encontre des citoyens dans un rapport publié au début du mois.

 

« Parodie de procès » pour les policiers accusés d’implication dans l’assassinat de militants des droits de l’homme en République Démocratique du Congo:

Crédit: enough project!/Flickr

Tribunal en RDC – Crédit: enough project!/Flickr

En RDC, 4 prisonniers accusés d’implication dans le double assassinat en juin 2010 des militants des droits de l’Homme Floribert Chebeya et Fidèle Bazana, de l’association Voix des sans-voix (VSV), ont été acquittés le 17 septembre en appel par la justice congolaise Le cinquième policier concerné par le jugement a quant à lui vu sa peine être considérablement allégée.

Alors que le ministère public avait requis la prison à vie pour les cinq policiers jugés, rejoignant la demande des parties civiles, le colonel Daniel Mukalay, initialement condamné à la peine capitale au premier degré, ne devra désormais plus purger que 15 ans de prison. Le capitaine Michel Mwila, initialement condamné à une peine de prison à perpétuité en première instance, a quant à lui été acquitté, à l’image des trois autres policiers accusés.

Pour le secrétaire général de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) Gerald Staberock, cet appel est une « parodie de procès ». A l’approche de  l’annonce du verdict en appel de la Haute cour militaire, plusieurs avocats des parties civiles avaient reçu des menaces de mort. 

Les parties civiles ont immédiatement annoncé leur volonté de se pourvoir en cassation, considérant qu’il s’agit d’une véritable « banalisation du crime d’Etat ». Avec cet appel, la volonté des autorités congolaise de faire obstacle à la justice dans cette affaire afin de protéger les plus hauts responsable semble être de plus en plus indubitable.

La Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) et les familles des victimes ont ainsi déposé plainte devant la justice du Sénégal, où l’un des responsables présumés, Paul Mwilambwe, avait trouvé refuge. L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme a quant à lui appelé  les autorités congolaise à garantir la protection des défenseurs des droits de l’homme et à organiser un procès équitable en cassation.