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11H23 - jeudi 18 décembre 2014

Elections législatives japonaises : le vote de la stabilité

 

 

Dimanche dernier, le Parti libéral-démocrate (PLD), a remporté avec son allié, le Nouveau Komeito (NK), une victoire écrasante en s’accaparant 325 sièges sur 475 lors de l’élection des membres de la Chambre des représentants. Le Premier ministre et président du PLD, Shinzo Abe, sort renforcé de ces élections qu’il a lui-même provoqué en prononçant la dissolution de la chambre le 21 novembre suite à la publication des mauvais résultats de l’économie japonaise.

 

Le Premier ministre et président du PLD, Shinzo Abe. © Yuriko Nakao

 

En donnant à ces élections l’allure d’un référendum pour ou contre sa politique, Abe réussit son pari. Il possède désormais une solide majorité qui lui permettra de faire passer plus facilement les lourdes réformes qu’ils comptent mettre en œuvre dans les prochaines années. Face à lui, l’opposition parlementaire incarnée principalement par le Parti démocrate du Japon (PDJ) n’est pas parvenu à regagner une crédibilité perdue après 3 ans au pouvoir entre 2009 et 2012. Retour sur des élections à faux-suspense et massivement boudé par l’électorat nippon.

Shinzo Abe accroît considérablement sa légitimité 

Avec 290 sièges pour le PLD et 35 pour le Nouveau Komeito, la coalition gouvernementale de Shinzo Abe domine largement la nouvelle assemblée en rassemblant les deux tiers des sièges. Ce seuil symbolique lui permet de s’affranchir désormais de l’éventuelle opposition de la deuxième assemblée, la Chambre des conseillers où sa majorité est plus fragile. Sur les 295 circonscriptions électorales qui composent le pays et où le vote s’effectue au scrutin majoritaire, le PLD en remporte 222 à lui-seul. Il accapare également 68 des 180 sièges mis en jeu au scrutin proportionnel.

Avec un tel score, Abe devrait logiquement être réélu à la tête du nouveau gouvernement, son troisième depuis 2012. Par souci de stabilité, il a toutefois annoncé qu’il ne remplacerait aucun membre de son équipe actuelle, une équipe très marquée à droite. Malgré la récente érosion de sa côte de popularité due au passage de plusieurs textes controversés concernant la reconnaissance du droit à la défense collective en juillet ou le vote de la loi sur le secret national qui fait peser un risque sur la liberté de la presse et des médias, les mauvais résultats économiques de sa politique économique, les « Abenomics », ou les récents scandales financiers qui ont touché plusieurs membres de son cabinet, Shinzo Abe estime avoir obtenu un blanc-seing pour poursuivre sa politique actuelle.

Les « Abenomics » se poursuivront donc de même que de lourdes réformes comme la seconde hausse consécutive de la TVA qui doit passer en 2017 de 8 à 10% a ou la conclusion d’un accord de libre-échange avec les Etats-Unis, le « Trans-pacific Partnership Agreement » (TPP) et dont les négociations piétinent encore. De même, Shinzo Abe a fait part de sa volonté de poursuivre la réforme de la défense japonaise. Il soumettra rapidement au vote sa décision de reconnaître aux Forces d’autodéfense (FAD), un droit à la défense collective qui accroît considérablement leur capacité de réaction et renforcera son alliance avec les Etats-Unis. Enfin, le Premier ministre a fait part de sa volonté de modifier la constitution pacifiste japonaise. Il devra pour cela obtenir une majorité des deux tiers, presque acquise, dans les deux chambres et remporter un référendum populaire qui s’annonce plus difficile.

En provoquant la dissolution de la Chambre des représentants, Shinzo Abe a donc prit les devants : en anticipant une baisse de sa popularité après plusieurs réformes controversées, il espérait renforcer sa légitimité tout en profitant de la faiblesse de l’opposition parlementaire. Il a, en cela, parfaitement réussi son pari.

La lente recomposition des partis d’opposition 

Pris de court par la décision de Abe de dissoudre la Chambre des représentants et déjà fortement affaibli par les élections de 2012, les principaux partis d’opposition n’ont pas réussi à profiter de la relative érosion de la popularité du gouvernement. Ces élections marquent pourtant le début d’une lente recomposition autour de trois partis, le Parti démocrate du Japon (PDJ), le Parti pour l’innovation et le Parti communiste japonais (PCJ).

Après avoir été laminé lors des élections de 2012 au cours desquelles, il n’aura réussi à conservé que 62 sièges sur les 308 gagnés en 2009, le PDJ a réussi une performance en demi-teinte. Passant à 73 députés, le parti progresse mais l’on est bien loin des 100 sièges visés par le président du parti, Banri Kaeda. D’ailleurs, ce dernier n’est pas parvenu à conserver son siège, le poussant à démissionner de ses fonctions au sein du parti. Naoto Kan, l’un des fondateurs historiques du parti et Premier ministre entre 2010 et 2011, a également failli perdre son siège. Il est l’ultime repêché du scrutin à la proportionnelle dans la circonscription de Tokyo. Le PDJ doit maintenant se reconstruire rapidement s’il veut incarner de nouveau une opposition crédible au PLD de Shinzo Abe. Divisé, il devra se rassembler après le vote d’un nouveau chef. Ce vote doit avoir lieu en janvier et devrait s’affronter les ténors du parti, Sumio Mabuchi, Katsuya Okada et Goshi Hosono.

Le Parti de l’innovation (Ishin no to), co-dirigé par le charismatique et populiste maire d’Osaka, Toru Hashimoto, et le nébuleux Kenji Eda, a réalisé une performance correcte en remportant 41 sièges. Officiellement né de la fusion de l’Association pour la restauration du Japon (ARJ) et du Parti de l’unité en septembre, le Parti de l’innovation est un parti aux multiples plateformes qui empruntent aussi bien aux thèmes nationalistes, voire négationnistes, qu’au libéralisme et à la social-démocratie. Le parti se pose depuis 2012, date à laquelle l’ARJ avait réalisé un excellent score, comme une troisième voie entre le PLD et le PDJ. Si son discours séduit toujours, notamment dans les grandes agglomérations et auprès des jeunes, il peine à s’imposer dans les campagnes et a dû mener de dures batailles dans son fief d’Osaka. Le soir des élections, Hashimoto a parlé de « défaite totale » et Eda a publiquement exprimé sa volonté de réorganiser le parti en créant des synergies avec le PDJ pour faire face à Shinzo Abe.

La surprise vient du Parti communiste qui a doublé son score en passant de 8 à 21 députés, lui permettant ainsi de peser dans la Chambre. Cela fait maintenant 15 ans que le PCJ n’avait pas atteint un aussi grand nombre de voix et gagné une circonscription au scrutin majoritaire. Quant au Parti des futures générations (PFG), parti nationaliste, il ne réussit à conserver que 2 sièges contre 19 dans la précédente assemblée. Son fondateur, le flamboyant et controversé ancien gouverneur de Tokyo, Shintaro Ishihara, n’a pas réussi à regagner son siège et a prononcé, dans un discours ambigu et inquiétant, son retrait de la vie politique. Les autres sièges se partagent le Parti de la vie du peuple (PVP) de Ichiro Ozawa, ancien leader du PDJ, qui ne conserve que 2 sièges contre 5 et le Parti social-démocrate qui conserve ses 2 sièges.

Triomphe politique ou indifférence de l’opinion publique ?

Si l’on peut effectivement parler d’un triomphe pour Shinzo Abe, ces élections n’ont pas cependant donné un blanc-seing à sa politique. En effet, seulement 52% des votants se sont rendus aux urnes, soit le taux le plus bas depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Les médias étrangers ont été très enclins à souligner cette dimension et ont observé la désillusion grandissante des citoyens nippons au fur et à mesure des années. En 2009, ils étaient encore près de 70% à voter.

Pour les partis d’opposition, divisés et idéologiquement flous, ces élections ont démontré que les citoyens étaient plus enclins à voter pour des partis ayant des positions claires sur les enjeux politiques, économiques et sociaux. Ceci explique les résultats des candidats PLD qui faisaient campagne sur une plate-forme claire : la poursuite des « Abenomics » et de la politique étrangère de Shinzo Abe, mais également du Parti communiste qui a fait campagne sur des thèmes diamétralement opposés mais idéologiquement clairs : l’intervention de l’Etat, la lutte contre les inégalités et le retour à une politique étrangère pacifiste. Signe positif, les électeurs ont boudé les candidats dont le programme se résumait à un nationalisme agressif de bas-étage comme Shintaro Ishihara ou Toshio Tomogami, un ancien général négationniste.

Si les questions économiques étaient au centre de ces élections, selon la volonté du Premier ministre, les résultats ont montré cependant que la politique étrangère et la politique locale ont eu une influence considérable sur le vote des Japonais. Ainsi sur les îles d’Okinawa où résident plusieurs garnisons américaines, les citoyens ont préféré voter pour les candidats en opposition au projet gouvernemental de transfert de la base américaine de Futenma vers un autre site sur l’île principale de l’archipel. En revanche, la politique énergétique et la question du nucléaire, malgré la volonté gouvernementale affichée de redémarrer plusieurs réacteurs nucléaires face à l’opposition de l’opinion publique, n’a pas été au cœur des discussions, au grand dam du Parti de la vie du peuple d’Ozawa dont l’opposition au nucléaire depuis la catastrophe de Fukushima est une des principales revendications de son parti.

Entre la stabilité offerte par le PLD et le flou de l’opposition incarné par un PDJ en convalescence, les Japonais ont finalement préféré voter pour la stabilité ou bien n’ont pas pris la peine d’affronter le mauvais temps.

Diplômé en sciences politiques et en relations internationales, Guillaume publie notamment des articles consacrés au continent asiatique.

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