International
10H48 - vendredi 12 décembre 2014

L’assassinat de journalistes français à l’étranger bientôt synonyme de crimes de guerre ?

 

 

La France, dont de nombreux journalistes ont été tués dans l’exercice de leur métier à l’étranger ces dernières années notamment Camille Lepage en Centrafrique, Gilles Jacquier, Rémi Ochlik, Nassim Terreri, Yves Debay et Olivier Voisin en Syrie, Ghislaine Dupont et Claude Verlon au Mali, a, au début du mois de décembre, lancé un signal fort en matière de liberté de la presse et de protection des journalistes.

 

Rémi Ochlik, photographe de guerre français est mort le 22 février 2012 à Homs en Syrie © Lucas Dolega

Rémi Ochlik, photographe de guerre français, est mort le 22 février 2012 à Homs en Syrie © Lucas Dolega

 

Tout commence en février 2012 lorsque Rémi Ochlik, journaliste photographe indépendant, se fait tuer à Homs en Syrie aux côtés de sa consoeur Edith Bouvier, gravement blessée, qui s’en sortira grâce au courage, entre autre, d’insurgés de l’Armée syrienne libre et de William Daniels. En 2013, le parquet du tribunal de grande instance de Paris, comme il en a l’obligation légale, a ouvert une information judiciaire pour homicide involontaire sur la personne de Rémi Ochlik et tentative d’assassinat sur Edith Bouvier. Un dossier d’instruction laissé quasi-lettre morte malgré les divers témoignages qui tendaient à démontrer que les journalistes étaient visés directement et volontairement.

Début décembre nouveau rebondissement dans le dossier : le juge d’instruction se dessaisit au profit du pôle « crimes de guerre » du tribunal de grande instance de Paris. Une première dans l’histoire de ce pôle spécialisé crée en janvier 2012. « La reconnaissance de cet assassinat et de cette tentative d’assassinat en crime de guerre serait un précédent très important, qui pourrait mieux protéger les journalistes », se réjouit Me David Père, avocat d’Edith Bouvier, qui s’est battu pour que les juges spécialisés soient saisis du dossier.

Constitué de trois magistrats, Emmanuelle Ducos, Claude Choquet et David de Pas, et d’assistants spécialisés, ce pôle a pour prérogative originelle de poursuivre les auteurs de crimes de masse réfugiés en France. « Cette initiative sur des faits perpétrés lors d’un conflit encore en cours redonne l’espoir que la lumière soit un jour faite sur cette attaque délibérée contre des journalistes. C’est grâce à ce genre d’initiatives que l’on pourra enfin combattre l’impunité générale dont jouissent les assassins de journalistes » a surenchéri, dans un communiqué, Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters Sans Frontières, partie civile dans cette affaire.

Il est entendu par crime de guerre, les violations graves du droit international humanitaire commises à l’encontre de civils ou de combattants ennemis à l’occasion d’un conflit armé international ou interne. Ces crimes découlent essentiellement des Conventions de Genève du 12 août 1949, et de leurs Protocoles additionnels I et II de 1977 et des Conventions de La Haye de 1899 et 1907. Leur codification la plus récente se trouve à l’article 8 du statut de Rome de la Cour pénale internationale de 1998.

En l’espèce, le conflit syrien a été qualifié de guerre, selon les enquêteurs de l’ONU, à partir de février 2012. Il faudra attendre néanmoins encore quelques années avant de connaître le jugement du pôle « crimes de guerre ». « Par rapport à la situation actuelle en Syrie et aux dizaines de milliers de morts, cette démarche peut être jugée dérisoire, mais il est important qu’elle soit menée. C’est un signal important de montrer que la France a la capacité d’enquêter et de protéger ces citoyens. Ce dossier est symbolique puisqu’il s’agit de journalistes », insiste Me David Père. Quelle que soit l’issue de ce dossier, une lueur d’espoir est donnée aux victimes et à leurs familles.

 

Une plateforme « réaction rapide » pour les journalistes menacés

Cet exemple reste, cependant, un cas isolé. Anne Brasseur, présidente de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe a d’ailleurs fait part de sa vive inquiétude, le 4 décembre dernier, lors de la conférence sur la liberté des médias et la sécurité des journalistes. Elle s’est dit « profondément préoccupée depuis longtemps par l’incapacité de certains pays membres à respecter leurs obligations en matière de protection de la liberté d’expression et de respect de l’intégrité des journalistes » et a rappelé l’importance d’instruments juridiques pour garantir l’indépendance des médias, notamment en matière de protection des sources et de lutte contre la corruption.

Le respect du travail nécessaire d’information des journalistes implique effectivement l’obligation des Etats membres de l’Union Européenne de protéger leur intégrité physique. Selon les termes des articles 2 et 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, les Etats membres de l’Union Européenne ont l’obligation légale d’enquêter sur tous les meurtres, violences physiques graves ou menaces de mort sur la personne de journalistes. Cette obligation découle des droits individuels du journaliste prévu par la convention. Elle résulte aussi de la nécessité, pour toute démocratie, de permettre aux médias de travailler sans subir d’intimidation ou de menaces politiques.

Durant cette conférence, le Conseil de l’Europe a aussi lancé un dispositif, en ligne, d’alertes à réaction rapide pour répondre aux intimidations et aux violations auxquelles sont exposés les médias. Par le biais de cette plateforme internet centralisée et publique, qui était en projet depuis 2010, des diplomates pourront publier des « alertes » lorsque des journalistes seront en danger ou que leur travail sera menacé. Ces alertes pourraient prendre la forme d’informations factuelles sur la nature exacte des menaces (intégrité physique, sources, intrusions dans la vie privée du journaliste, recours abusif à des législations, etc.) ainsi que des observations des Etats membres concernés.

L’Europe semble avancer sur ces questions de respect de la liberté de la presse et de protection des journalistes, mais c’est le monde entier qui est concerné.

Avec 66 journalistes tués et 178 emprisonnés dans le monde entier en 2014, selon le baromètre de Reporters sans Frontières, le chemin est encore long.

Journaliste

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