International
09H15 - jeudi 2 octobre 2014

Partie 2 : Le grand incendie au Proche-Orient – Pourquoi en est-on arrivé là ?

 

L’organisation de l’Etat Islamique est donc l’héritière du ressentiment anti-occidental et anti-séculariste de type al-Qaïda (dont elle est une scission), elle doit sa résurgence des cendres d’al-Qaida en Irak puis son succès à l’immense vague de ressentiment suscité chez les sunnites par l’implacable politique de puissance de l’Iran.

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Occident et Iran sont responsables de la percée de l’Etat Islamique de l’Irak et du Levant

La projection de puissance de l’Iran a été patiente et méthodique tout au long des années 80 et 90 où elle s’est surtout cantonnée au Liban et à la Syrie. C’est le renversement de Saddam Hussein par les Etats-Unis qui a bouleversé l’équilibre régional : à un pouvoir sunnite succédait le pouvoir du parti chiite al-Dawa aux liens bien connus avec l’Iran. Le roi Abdallah de Jordanie avait exprimé les inquiétudes des arabes sunnites en évoquant un « croissant chiite ».

La répression sanglante de la révolution syrienne, qui était surtout l’expression de l’exaspération d’une majorité sunnite arabe « minorisée » depuis quarante ans, avait déjà provoqué la colère du monde sunnite. Le sauvetage in extremis du clan alaouite au pouvoir par l’Iran l’a enragé, provoquant une conflagration générale : djihad sunnite contre djihad chiite.

La première partie de la bataille a été remportée par les champions du parti d’Ali, les chiites donc : le très aguerri Hezbollah libanais, la force al-Qods du Corps des gardiens de la révolution iranienne, les bassidjis (volontaires) iraniens, les miliciens chiites irakiens et bien sûr les forces d’Assad ont tenu en échec les forces de la rébellion qui n’ont jamais réussi à s’unir.

L’anarchie politico-militaire prévalant dans le camp rebelle a été un terreau favorable à l’émergence des réseaux jihadistes transnationaux. De forts soupçons pèsent sur une responsabilité des services secrets d’Assad dans le lancement du Jabhat al-Nosra. Ce qui est sûr, c’est que des membres syriens rescapés du jihad irakien des années 2003-2008 ont été sortis des geôles du régime. L’objectif de cette stratégie du fou était de radicaliser la rébellion, justifiant ainsi la propagande du pouvoir de combattre un complot du djihad global, il s’agissait aussi de jeter dans la mêlée un groupe idéologiquement hostile aux forces de la révolution. Si tel était le plan, il a parfaitement fonctionné sur son volet politique, sur le plan militaire en revanche le Front al-Nosra n’a pas tardé à se révéler comme le plus redoutable ennemi du camp assadiste.  


Petite histoire d’une victoire fulgurante de l’Etat Islamique
 

Durant l’été 2013, une grande partie des membres d’al-Nosra ont rejoint l’armée de l’Etat islamique d’Irak dirigée par Abou Bakr al-Baghdadi, donnant naissance à l’Etat Islamique en Irak et au Levant, au nom programmatique. Partant de ses bases le long de la frontière nord entre l’Irak et la Syrie, l’EIIL a progressé vers la vallée de l’Euphrate en s’emparant de nombreux puits de pétrole et de la ville de Raqqa.

Son hégémonisme revendiqué va dresser contre elle les autres organisations armées de la rébellion y compris les frères ennemis d’al-Nosra, en poignardant dans le dos les forces anti-Assad. L’EIIL se fait le complice objectif du régime, ce qui lui vaudra l’anathème du chef d’al-Qaïda Ayman al-Zawihiri.

Dans l’impasse en Syrie, le groupe de Baghdadi va se tourner vers l’Irak où, au début de l’année, éclate une insurrection sunnite contre le pouvoir de Bagdad, en coordination avec les réseaux formés par les anciens cadres saddamistes et avec les tribus sunnites. L’EIIL remporte une fulgurante victoire contre l’armée irakienne dont l’effondrement express reste inexpliqué.

Pour le groupe jihadiste, la prise de la province pétrolière de Ninive et de sa capitale Mossoul, est le « Sésame ouvre toi ! » vers la puissance et la gloire. La mainmise sur les réserves de change de la ville et surtout sur le formidable arsenal laissé par l’armée irakienne (10 juin) est une victoire majeure. D’autres suivront : trois jours plus tard, l’EIIL est aux portes de Bagdad !

Le grand ayatollah Ali Sistani appelle à un sursaut. Abou Bakr al-Baghadi ne prendra pas la ville dont il porte le nom, mais il vient de mener à bien la première contre-attaque victorieuse du jihad sunnite contre l’axe chiite.

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Leur folie les perdra…

L’Hubris (la démesure) ne tarde pas à produire ses effets délétères : lors du sermon du vendredi, du haut de la chaire de la grande mosquée de Mossoul, Baghdadi s’autoproclame « calife ». L’EIIL devient l’Etat Islamique, comble de l’arrogance pour nommer le territoire qu’elle contrôle en Syrie et en Irak, l’organisation utilise le terme de Wilaya (province) de l’Euphrate, ce qui, implicitement, signifie qu’il y en aura d’autres.

Sans perdre un instant, l’Etat Islamique a mis ses succès irakiens à profit en Syrie enregistrant des victoires contre les rebelles, contre l’armée d’Assad et contre les tribus sunnites de l’Euphrate. Détenant des puits de pétrole, il a même mené une incursion à Arsal dans la Bekaa libanaise s’affrontant durement à l’armée du pays du Cèdre.

Parallèlement, du côté irakien, une avalanche de terreur s’abat sur les populations honnies par l’EI : exécutions de masse des prisonniers de l’armée irakienne, persécution des chiites, des chrétiens, des yézidis, massacres et nettoyages confessionnels et finalement attaque contre le KRG (Kurdish Regional Governement) qui va déclencher la réaction de la communauté internationale.

Ici rappelons brièvement l’idéologie sommaire, mais si pratique, de ces salafistes-takfiristes que sont les militants de l’EI : les non-musulmans sont des Kufars (mécréants), les chiites sont des Rawafid (ceux qui ne reconnaissent pas les trois premiers califes) et les sunnites qui ne se rallient pas à leur noire bannière ou qui rechignent à se soumettre à tous leurs desideratas, sont des Murtadid (apostats). Pour eux, il est licite d’assassiner les individus appartenant à ces catégories.

En quelques semaines Baghdadi et les siens ont réussi à faire bouger toutes les lignes de la géopolitique régionale et internationale : le réengagement militaire en Irak des Etats-Unis, un rapprochement entre l’Arabie Saoudite et l’Iran, la formation à Bagdad d’un nouveau gouvernement consensuel rassemblant chiites, kurdes et sunnites.

Les américains ont même fourni des coordonnées de positions de l’EI à l’aviation d’Assad.

La grande peur déclenchée par l’EI est en train d’unir le monde, après l’Hubris la Nemesis (la colère, la vengeance) semble se profiler.

Spécialiste du l'histoire du Proche-Orient comtemporain

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