International
15H05 - lundi 8 septembre 2014

La Chine remplacera-t-elle demain la France en Afrique ?

 

La Chine est chaque jour plus présente en Afrique. Cette présence essentiellement économique est en passe de devenir un outil d’influence politique qui concurrence directement le poids traditionnel de la France sur le continent africain. Elle contraint la France à repenser son mode d’action, peut être pour le meilleur…

ChinaAfrica

Forum de coopération Chine-Afrique à Beijing en 1996 (wikimedia commons)

Entre 2000 et 2011, les parts de marché de la France sont passées de 10,1% à 4,7% en ce qui concerne l’ensemble de l’Afrique subsaharienne. On constate en effet que les secteurs de l’automobile, des télécoms, de la construction voire du pétrole dans une certaine mesure voient une perte importante de l’influence des firmes française. Pour une raison évidente : la Chine.

La Chine, sur la période 1990-2011, a vu ses parts de marché passer de 2 à 16% sur le continent. Parallèlement, soucieux de placer ses excédents de devises à l’étranger pour éviter une inflation dangereuse, l’Empire du Milieu y a aussi investi 75 milliards de dollars environ entre 2000 et 2011. Des sommes faramineuses en général mises à contribution d’infrastructures construites en échange de l’exploitation de ressources naturelles. La croissance simultanée des classes moyennes chinoise et africaine a permis une multiplication des besoins et des moyens bénéfique pour le commerce. Les marchés africains sont désormais envahis de produits chinois ou indiens à bas prix, tuant toute concurrence possible avec les exportations occidentales en perte de vitesse.

Ce déclin ne signe pas (encore ?) l’arrêt de mort de l’influence française en Afrique. A première vue, les interventions récentes au Mali et en République Centrafricaine (2013) semblent annoncer un renforcement de la présence militaire sur le continent. Mais ce flux ne chercherait-il par à couvrir le reflux discret du poids économique de la France dans ses anciennes colonies ? François Hollande a certes procédé à l’annulation de la dette de 3 milliards d’euros que la Côte d’Ivoire devait, à titre d’exemple, et s’est déplacé à Abidjan en juillet 2014 avec plusieurs contrats juteux sous le bras pour dynamiser les relations franco-ivoiriennes.

Mais quand bien même les données brutes du poids économique de la France continueraient à grimper grâce à ces mesures, l’objectif final n’est pas atteint. A savoir que ces données économiques, représentant une part de plus en plus marginale dans l’ensemble des puissances influant en Afrique, ne pourraient pas se convertir en pondération – voire en moyen de pression – politique. L’outil de l’annulation de la dette est aussi un cruel aveu d’un manque de liquidités. Ainsi, dans le même temps, la Chine investit 10 milliards d’euros en infrastructures en Côte d’Ivoire pour 2013-2019.

Avec une réserve économique qui semble illimitée, l’aide chinoise arrive comme du pain bénit pour les leaders africains, a fortiori dans un contexte où les subsides des pays occidentaux sont instables. Il n’est plus de chantage qui tienne, sachant que la Chine n’en est pas à un milliard près, et alors que le poids diplomatique de la France – mais aussi d’autres puissances à l’instar du Royaume-Uni, qui a fermé 40 postes diplomatiques entre 1997 et 2011 – se rétracte.

Voilà donc plusieurs présidents inamovibles rassurés : ils ne devront pas obéir silencieusement aux ordres de l’Élysée comme ce put être le cas dans le passé. La Chine, qui a pour principe de ne pas interférer avec les politiques domestiques africaines du moment que cela ne l’empêche pas de faire des affaires, est donc un garant efficace pour des chefs d’État qui n’ont même plus à faire semblant d’être démocratiques ni à financer des campagnes politiques en France pour avoir la paix sociale.

Les interventions militaires comme translation du système d’influence

Cependant, heureusement pour la France, la Chine reste encore concentrée sur les secteurs des infrastructures et de la dette pour payer le prix de l’accessibilité aux marchés et aux ressources naturelles du continent. Mais pour combien de temps ?

Comme pour anticiper une défaite à venir dans cette compétition déséquilibrée, l’interventionnisme français de ces dernières années – Libye, Côte d’Ivoire, Mali, Centrafrique : 4 interventions entre 2011 et 2013 – semble annoncer un redéploiement de l’influence sur des domaines dans lesquels Paris peut prétendre avoir une réelle compétence. Une compétence doublée d’un semblant de légitimité certaine, sachant qu’on ne compte plus les interventions françaises en Afrique depuis les indépendances et que le prétexte d’un gendarme continental est encore accepté par l’ONU.

Mais cette situation ne semble annoncer qu’un sursis. Tout se passe comme si l’Afrique devenait le théâtre d’un choc des civilisations entre Occident et pays émergents. Un parfum encore peu prononcé de guerre froide se fait même sentir au Soudan du Sud, en proie à une terrible guerre civile actuellement, et où la Chine et les États-Unis ont pesé fortement. Pékin a ainsi dépensé des fortunes pour financer l’armée nationale sud-soudanaise, et s’est donc impliqué dans la sécurité d’un pays africain. Tandis que l’Occident dénonce les lois anti-homosexualité et autres violations des droits de l’homme, notamment en Ouganda, la Chine se tait et défend même implicitement des leaders en place marginalisés en réaffirmant sa neutralité et le principe de souveraineté. Une vision qui rencontre un succès certain auprès d’inamovibles chefs d’État qui dépassent le stade de l’indifférence : les sommets Chine-Afrique sont l’occasion de « rappeler l’amitié » entre les deux blocs, dans un contexte d’intensification de l’aide sur le continent.

La politique n’est donc plus taboue. La Chine invite des députés africains à les découvrir et recevoir des formations. Face à cette diversification de l’influence chinoise dans des domaines toujours plus nombreux, la Françafrique peut se sentir menacée.

Évidemment, la France continuera à avoir des relations diplomatiques privilégiées avec les pays africains, mais avec des leviers de moins en moins puissants. La conditionnalité devenue impossible, la seule issue pour Paris pour rester dans la course sera donc de prouver que l’aide française vaut mieux que la chinoise. Tout un travail, déjà en partie entamé, qui remet en question les pratiques employées depuis 50 ans. Et c’est peut-être mieux ainsi.

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