International
16H32 - jeudi 31 juillet 2014

Corée : une réunification si proche et si lointaine…

 

Le 27 juillet, la Corée commémorait les 61 ans de l’armistice de Panmunjeon signé en 1953, qui mit un terme au conflit dans la péninsule (1950-1953). Cette guerre, qui fit plus de 2 millions de mort, symbolisa le premier affrontement majeur entre Est et Ouest dans le cadre de la guerre froide. Aujourd’hui encore, malgré la chute de l’URSS, les deux Corées sont séparées par l’idéologie et restent virtuellement toujours en guerre.

 

Dominée au nord par le clan familial de Kim Il-sung, désigné président éternel après sa mort en 1994, la République populaire démocratique de Corée (RDPC) poursuit sa lutte idéologique contre son voisin du sud, la République de Corée, longtemps sous l’emprise militaire jusqu’à l’organisation des premières élections libres en 1988. Les contacts entre les deux Corées restent minces et limités à une ligne téléphonique d’urgence, couramment coupée lors des fréquentes crises bilatérales, à quelques grandes rencontres au sommet (4 depuis 1972 et aucune depuis 2007) et des réunions de la Commission d’armistice (MAC) à Panmunjeon où est installé la « Joint Security Area » (JSA), seul point de contact permanent entre les deux régimes.

La réunification apparaît pourtant comme l’objectif principal des deux Corées. Elles se sont par ailleurs chacune dotées d’un ministère chargé de cette question. Pendant toute la durée de la guerre froide, une telle entreprise apparaissait purement inenvisageable sans risquer de provoquer une troisième guerre mondiale. Ce n’est que très récemment qu’une réflexion sur cette question a émergé de nouveau dans les milieux politiques et intellectuels sud-coréens. L’effondrement économique de la Corée du Nord, à comparé au succès éclatant d’une Corée du Sud intégrée au commerce international, a en effet relancé les perspectives à moyen et long terme d’une inévitable réunification de la Corée par le sud.

Source : rts.ch

Source : rts.ch

De la division à la réunification ?

Revenons en arrière : en 1951, alors que le conflit qui oppose la Corée du Nord, soutenue massivement par l’armée populaire chinoise, et la Corée du Sud, soutenue par une force multinationale de l’ONU sous commandement américain, s’enlise, les deux belligérants acceptent de se rencontrer à Panmunjeom, à hauteur du 38ème parallèle. Les longues négociations aboutissent à un accord d’armistice en 1953 et à la séparation effective de la péninsule divisée par une zone démilitarisée (DMZ). Cette zone tampon de 4 km de large porte bien mal son nom. Il s’agit de l’un des endroits les plus militarisés de la planète, surveillé en permanence par plus d’un million de soldats et totalement miné. Paradoxalement, l’évacuation totale des civils de la zone – hormis ceux du village de Daesong-dong du côté sud – a permis à cette région de devenir un sanctuaire pour la vie sauvage.

Au sein de la Joint security area, les deux parties se retrouvent toujours dans des baraquements peints aux couleurs de l’ONU pour discuter du respect de l’armistice. L’atmosphère y est lourde, la tension palpable et le moindre détail compte. La frontière est matérialisée au sol par des dalles de béton et les soldats d’élite sud-coréen (les « rock soldiers ») font face à leurs homologues du nord dans une posture figée. En 1969, les Nord-coréens érigent le « panmungak », une construction en béton qui sera rehaussée d’un étage après la construction du côté sud de la Maison de la Liberté (« Freedom house ») en 1998 par le ministère de la réunification. Malgré des réunions régulières, sous l’auspice d’Etats « neutres » dont la Suisse et la Suède, la réconciliation n’a pour le moment abouti à aucune décision concrète. La JSA constitue toutefois un point essentiel au maintien du contact entre les deux parties, toujours virtuellement en guerre l’une contre l’autre jusqu’à une hypothétique réunification.

Celle-ci fait partie du vocable officiel des deux Corées depuis la fin du conflit et constitue l’objectif final pour chacun des régimes. Impossible à réaliser pendant toute la durée de la Guerre froide, la disparition de l’URSS et l’effondrement de l’économie nord-coréenne qui a culminé en 1997 avec une terrible famine, ont permis de réactiver cette hypothèse. Pourtant depuis cette date, le régime nord-coréen, qui semblait à l’agonie, ne s’est pas effondré : Kim Jong-il a succédé à son père en 1994 avant de léguer à son tour le pouvoir à sa mort en décembre 2011 à son propre fils Kim Jong-un. Ce dernier a d’ailleurs réaffirmé son pouvoir en procédant à une vaste purge qui a touché jusque son oncle, Jang Song-taek, exécuté en novembre 2013.

Dans le même temps, les crises et rapprochements se sont succédés au sein de la péninsule : la dernière en date étant la crise des missiles au printemps 2013, déclenchée par la réactivation du programme nucléaire militaire par la Corée du Nord. Pourtant, en 1998, le Président sud-coréen Kim Dae-jung avait inauguré la « Sunshine policy », équivalent coréen de « l’Ostpolitik » de Willy Brandt. Cette campagne volontariste a notamment abouti aux rencontres de 2000 entre le président sud-coréen et le leader nord-coréen Kim Jong-il et de 2007 avec le président Roh Moo-hyun, ainsi qu’à la création en 2002 d’une zone industrielle conjointe à Kaesong en Corée du Nord, fermée entre avril et septembre 2013. En 2000, les deux gouvernements ont par ailleurs signé une déclaration conjointe qui reconnaît leur engagement mutuel envers la réunification de la péninsule.

Une division trop profonde pour être guérie ? 

Le retour des conservateurs en 2008 à Séoul avec l’élection de Lee Myung-bak a mis un terme à cette politique. Les crises et menaces se sont de nouveau multipliées (guerre du crabe, bombardement de l’île de Yeonpyeong en 2010 par l’artillerie nord-coréenne) et plus d’une décennie de rapprochement relatif a été balayée. La péninsule coréenne est par ailleurs redevenue un enjeu stratégique majeur pour les Etats-Unis suite aux trois essais nucléaires (2006, 2009 et 2013) procédés par le régime de Pyongyang.

Cette situation froisse notamment la Chine qui, si elle se méfie du caractère incontrôlable de son allié nord-coréen, tout en se rapprochant de Séoul avec qui les liens économiques sont très forts, a peu de chances d’accepter une réunification de la Corée par le sud, fidèle allié de Washington.

Les impératifs économiques inquiètent également fortement le Ministère de la réunification sud-coréen. Celui-ci utilise en effet principalement le modèle de la réunification allemande pour procéder à ses réflexions concernant une absorption de la Corée du Nord, moribonde, par la Corée du Sud, 15ème puissance mondiale. Si jusqu’aux années 1980, les deux Corées avaient un niveau de développement équivalent, avec un avantage pour le nord fortement industrialisé, la situation s’est totalement inversée à partir de cette décennie. Alors que le Nord s’enfonçait dans la famine et une pauvreté généralisée, le Sud devenait l’un des « dragons asiatiques ». Aujourd’hui, le PIB de la Corée du Sud est 45 fois supérieur à celui de son voisin. Afin de procéder à un rattrapage, l’économie coréenne serait soumise à rude épreuve et le coût économique et financier serait bien plus élevé que lors de la réunification allemande.

Enfin, au-delà de ces impératifs stratégiques et économiques, les ONG sud-coréennes qui viennent en aide à la communauté des réfugiés nord-coréens, mettent également en avant les divisions idéologiques et culturelles qui règnent entre les deux peuples. Soixante et une années de séparation et d’isolement pour le régime ermite de la Corée du Nord ont ainsi éloigné les deux peuples qui, s’ils continuent de se voir comme une seule nation, se méfient l’un de l’autre et ont de plus en plus de mal à se comprendre, y compris sur le plan linguistique. L’enseignement idéologique du régime totalitaire de Pyongyang et celui fortement teinté de nationalisme de Séoul ne facilitent pas le dialogue et engendrent méfiance et haine. Les transfuges nord-coréens sont ainsi ostracisés par la population locale qui les considère parfois comme des espions et sont relégués à des emplois subalternes ou condamnés à vivre dans des ghettos fermés.

Ainsi, malgré une rhétorique incessante autour de la réunification, qu’elle soit pacifique ou non, celle-ci ne semble pas prête d’aboutir. Si le régime nord-coréen apparaît particulièrement fragile, il se maintient toutefois et menace toujours son voisin du feu nucléaire. Sous perfusion de l’aide chinoise, le régime de Pyongyang survit en plongeant sa population dans la misère et la famine, rendant toujours plus coûteuse une réunification de la péninsule par la Corée du Sud qui a connu, au contraire, un développement économique et humain extraordinaire depuis plus de 30 ans. Divisée par la guerre idéologique, la péninsule coréenne continue de constituer l’un des derniers vestiges de la guerre froide, une aberration de l’Histoire qui sépare des familles entières et fait peser un risque majeur sur la sécurité mondiale.

Diplômé en sciences politiques et en relations internationales, Guillaume publie notamment des articles consacrés au continent asiatique.

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