Culture
08H57 - jeudi 15 mai 2014

Donner à voir une ville qui vit : Journées « Téhéran, projections d’une ville »

 

Mina Saïdi-Sharouz est architecte de formation et enseignante à l’Ecole nationale supérieure d’architecture de la Villette, réalisatrice de documentaires et chercheuse spécialisée sur les mobilités urbaines. Elle est responsable scientifique des Journées « Téhéran : projections d’une ville » et nous en expose les enjeux. Ces 4 journées de films et débats pour découvrir Téhéran se tiennent à la Cité de l’architecture et du patrimoine à Paris, les 16, 17, 23 et 24 mai.

 

MinaSaidiQui est Téhéran ?

C’est avant tout une ville méconnue, une très belle ville au pied d’une chaîne de montagnes, une ville arborée, une métropole où s’entremêlent des styles d’architecture très différents.

Téhéran est une ville de la mobilité avec rien moins que 30 autoroutes urbaines.

Mais surtout, pour reprendre le titre d’un des films programmés dans « Projections d’une ville », « Sous la peau de la ville », c’est une société civile très dynamique qui vit et se développe.


C’est ce que vous appelez la démocratisation par le bas ?

Exactement. Au-delà et indépendamment du politique, la ville de Téhéran s’est fortement développée depuis plusieurs décennies, passant d’un million à 13 millions d’habitants. Ce changement d’échelle fut moins le résultat d’une intention politique que de l’empilement de zones d’habitat informel construites par les gens elles-mêmes. De nombreux Iraniens se sont installés à Téhéran par nécessité puis ont créé entre eux des lieux de vie qui ont structuré des quartiers puis la grande métropole de Téhéran dans son ensemble. 

Téhéran, c’est aussi une démocratie locale très vivante avec des instances participatives, des conseils de quartier, un conseil municipal très puissant, des habitants élus pour gérer les affaires de la ville.


Quel rôle y jouent les femmes ?

De nombreuses femmes, de plus en plus nombreuses, participent à cette gestion de la ville et de l’espace public. Je dirai aussi que la ville de Téhéran s’est adaptée aux femmes. Plus de 4 millions de déplacements intra-urbains sont le fait de femmes. Téhéran construit par exemple de plus en plus de trottoirs parce que les femmes y marchent plus que les hommes. Des parcs et des espaces publics réservés aux femmes, notamment à leur demande mais aussi pour tenir compte des préceptes religieux, et même si certains le critiquent, se sont construits : je citerai « le paradis des mères » et « le parc des dames ». Les femmes s’approprient la ville. Ce sera un des enjeux de nos rencontres.


Les mosquées sont-elles le centre des quartiers ?

Les mosquées restent le cœur des quartiers mais il faut aussi citer le bazar et les écoles.


Téhéran connaît-elle la misère sociale comme de nombreuses mégapoles dans le monde ?
 

Tout d’abord je dirai que nos rencontres de Paris sont parties d’un livre collectif que j’ai eu l’honneur de diriger et qui porte justement sur les quartiers populaires : Le Téhéran des quartiers populaires. Transformation urbaine et société civile en République Islamique(ed. IFRI/ Karthala). Et mon dernier film, qui sera projeté le 16 mai, Sirous n’est pas à vendre, porte sur un quartier très populaire de Téhéran. A Téhéran, il y a de la pauvreté évidemment, la ville est même séparée entre le sud populaire, plus traditionaliste, et le nord plus aisé et instruit.

Mais il n’y a pas de bidonvilles à Téhéran. Dans les quartiers populaires, les gens s’organisent et ont besoin les uns et des autres pour co-vivre en matière d’urbanité. De même, il y a relativement moins d’insécurité que dans d’autres grandes métropoles orientales.


Vous avez choisi le cinéma documentaire pour donner à voir et à comprendre la ville de Téhéran. Pourquoi ?

La ville sert surtout de décor dans de nombreux films de fiction. Parfois il va au-delà comme dans le Cercle (2000) de Jafar Panahi où l’absence de perspective spatiale souligne l’enfermement de la femme. Le cinéma documentaire iranien, lui, a souvent fait de Téhéran un sujet en soi. Parfois même, des films documentaires, en montrant des réalités que même les autorités ignoraient, ont fait bouger les politiques publiques. Je pense notamment aux films de Ebrahim Mokhtari sur les relations entre propriétaires et locataires. 


Quelles sont vos intentions en montrant la ville de Téhéran à travers ces films et ces débats ?

Rendre la ville de Téhéran normale, l’humaniser. Casser les clichés et dépasser par exemple la victimisation des femmes. Faire connaître Téhéran tout simplement nous tient aussi à cœur car trop de Français et d’Européens découvriraient vraiment l’Iran en visitant Téhéran. Derrière les clichés et les préjugés, il y a une ville, des femmes et des hommes.

TEHERAN---affiche

 

Pour aller plus loin : 

Projections d’une ville : les 16, 17, 23 et 24 mai à la Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris.

 

 

 

 

 

 

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