République centrafricaine
23H53 - vendredi 7 mars 2014

« Mon plus grand défi, réussir des élections transparentes et éviter toutes les contestations »

 

En visite à Paris, dans le cadre de l’évènement « Les Afriques à Paris », Monsieur Aristide Sokambi, Ministre de l’Administration du Territoire en République Centrafricaine, décrit ce que son gouvernement doit accomplir pour espérer retrouver une situation apaisée dans son pays : désarmement, redéploiement de l’administration et organisation des élections. Mais il insiste aussi sur la nécessité d’une volonté d’apaisement de la part de tous les Centrafricains. 

Monsieur Aristide Sokambi lors de son interview

Monsieur Aristide Sokambi lors de son interview

En parlant de Centrafrique comment analysez-vous la situation du pays ?

Elle est très difficile depuis un peu plus d’un an, difficile depuis plus de 20 ans. Aujourd’hui la communauté internationale s’est mobilisée pour voler au secours de la Centrafrique. Aujourd’hui, la situation sécuritaire s’est améliorée grâce aux troupes envoyées par l’Union Africaine et les forces Sangaris.

Le citoyen centrafricain lambda sent-il une amélioration de cette situation d’insécurité ?

Il se sent en sécurité beaucoup plus qu’hier, mais vous savez, la sécurité ne peut pas être totale. Même dans des pays en paix, on ne peut parler de sécurité absolue. Mais c’est cette amélioration qu’il faut reconnaitre et s’employer à consolider.

L’un des caps que s’est fixé la transition est l’organisation des élections. Est-ce que vous pensez que c’est réalisable ?

Je dirai oui, c’est réalisable, dans la mesure où il existe une mobilisation pour aller aux élections. Maintenant, bien entendu, il y a des paramètres, comme celui de la sécurité qui s’améliore. Aussi, il faut redéployer l’administration, car nos villes ont été détruites, l’état civil n’existe plus, le matériel électoral qui, jusque-là, avait été conservé n’existe plus. Pour commencer à parler des élections, il nous faut faire un état des lieux en allant dans l’arrière-pays et tout reconstituer.

Et pour vous, en une année, est-ce réalisable ?

Oui, si nous prenons la chose à bras le corps, si ce programme de sécurisation se poursuit pour qu’il y ait une circulation assez libre dans Bangui et à l’intérieur du pays.

La situation humanitaire est catastrophique, comment la RCA va-t-elle s’en sortir ?

Je ne dis pas qu’il va falloir prier, mais je prie pour que les consciences se mobilisent, que nous arrêtions ces atrocités. Aujourd’hui, un grand nombre de nos concitoyens vivent dans le dénuement le plus total. Heureusement qu’il y a la communauté internationale, mais il faudrait déjà qu’il y ait une véritable solidarité nationale pour qu’il y ait une véritable avancée ! Malheureusement, c’est encore difficile. Mais j’ose y croire, j’ose croire que cela se fera, que ça ira dans le bon sens.

Pensez-vous que nous allons parvenir au désarmement ?

C’est l’une des missions de Sangaris et de la Misca que de désarmer. Il y a une prolifération d’armes qui fait que la sécurité ne peut revenir sans ce désarmement. Je pense qu’il est important d’associer les forces de sécurité et de défense centrafricains pour procéder à ce désarmement. C’est vrai que notre armée, notre police et notre gendarmerie est dans un état de déconfiture, mais nous y avons des éléments qui ont été formés dans ce sens, des personnes que nous pouvons reprendre très rapidement en main, remettre dans le circuit militaire, de police et de gendarmerie pour qu’elles fassent ce travail de désarmement. Il appartient aux Centrafricains d’être le fer de lance de ce désarmement, le fer de lance du retour à la paix. Nous devons mettre l’accent sur cette participation, car cette armée doit se réconcilier avec sa population, et renouer avec les principes républicains et avec sa mission première, celle de sauver la patrie.

Certains disent que le problème centrafricain, avant d’être politique ou militaire, ce sont les Centrafricains eux-mêmes, qu’en pensez-vous ?

C’est tout à fait vrai. Pour régler nos problèmes, il faudrait que nous changions notre comportement, il faudrait une rupture avec ce que nous avons connu depuis l’indépendance. Il faudrait que nous ayons cette volonté d’aller de l’avant. Nous sommes dans un processus de réconciliation, il faudrait que l’on évite certains actes qui exacerbent la haine, que l’on arrête de parler de ce qui s’est passé, de toutes les tueries, que l’on cesse de faire circuler des images atroces. Se comporter ainsi serait déjà contribuer à un retour à la paix.

Croyez-vous à cette paix ?

Il faut y croire, sinon nous creusons notre tombe. Nous sommes Centrafricains, nous devons y croire, c’est le travail de chaque Centrafricain.

Cette transition n’a pas apporté la rupture, le changement comme annoncé. Nous retrouvons les  mêmes personnes, la même famille, le même clan. Qu’en dites-vous ?

Vous savez, je suis mal placé pour en parler. Lorsque vous dites les mêmes têtes, j’en suis une. Lorsque vous parlez de clanisme, j’ai des liens de parenté avec la Chef d’Etat de la Transition. Les critiques, nous ne pouvons pas faire sans. Pourtant, le plus important, c’est le travail que nous devons accomplir, l’engagement que nous avons pris vis-à-vis de nous-mêmes et vis-à-vis de notre pays. C’est le comportement de ce gouvernement qui doit être jugé et quand je vois la qualité des hommes et des femmes qu’il y a au sein de ce gouvernement, j’ai espoir qu’il fera taire ce genre de critiques.

Cette transition à un cap, des objectifs. Comment allez-vous procéder au sein du gouvernement ? Allez-vous être évalués à court, moyen et long terme ?

Le gouvernement a défendu devant le Conseil National de Transition (CNT) une feuille de route. Bien sûr qu’il y a un cap. Le Premier ministre a rappelé qu’il fera des évaluations trimestrielles, pour voir comment son gouvernement avance. C’est la moindre des choses. Ne pas le faire, c’est replonger dans le même système et faire perdurer la misère de nos concitoyens. C’est important et c’est l’objectif fixé par le Premier ministre.

Et vous, au sein de votre ministère, quel est votre prochain objectif ?

Je ne reviens pas sur ce que j’ai posé comme acte qui va dans le sens de l’organisation des élections parce que je pense que tous les actes de droit qui permettent aux élections d’avoir lieu ont été mis en place selon la mission institutionnelle qui m’a été confiée. L’Autorité Nationale des Elections (ANE) a été mise en place. Elle est l’organe indépendant qui va gérer les élections, pour garantir la transparence, mais mon département continue à apporter la caution morale pour la réussite de ces élections. C’est mon plus grand défi, réussir des élections transparentes et éviter toutes les contestations qui pourraient nous emmener à une situation chaotique dans l’avenir.

Vous avez été invité dans un cadre culturel, quel pourrait être l’apport de la culture centrafricaine dans le cadre de la résolution du conflit que nous vivons actuellement?

Vous savez, la culture est à la base de la société, nous en avons tous. Si nous étions attachés à cette culture centrafricaine, à celle-là même qui a fait notre éducation, nous n’en serions pas là aujourd’hui. C’est de gaité de cœur que j’ai accepté de répondre à cette invitation car nous devons relancer la culture et la paix dans notre pays, pour un meilleur vivre ensemble.

Quel est votre message aux lecteurs ?

Il faut faire de la place dans nos cœurs à la culture de la paix, pour éviter toutes ces catastrophes qui endeuillent le monde et particulièrement la RCA.

Journaliste, chef de la rubrique Centrafrique

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