République centrafricaine
09H18 - mercredi 26 février 2014

Malgré les réserves, la France vote en faveur de la poursuite de l’opération Sangaris en Centrafrique

 

L’Assemblée Nationale et le Sénat ont approuvé à une très large majorité hier après-midi le prolongement de l’opération militaire française en Centrafrique. 428 députés ont voté pour et 14 contre à l’Assemblée Nationale tandis qu’au Sénat, on a recensé 328 voix pour, 3 votes contre et 15 abstentions.

 

Le premier ministre Jean-Marc Ayrault

Le premier ministre Jean-Marc Ayrault

L’opération Sangaris va donc se poursuivre. Dans le contexte actuel de la crise en République centrafricaine où la force Sangaris appuie la MISCA depuis le 5 décembre 2013, les députés et sénateurs ne pouvaient qu’approuver la poursuite de la mission en Centrafrique.

La Constitution rend obligatoire ce vote dès lors que les troupes françaises sont engagées au-delà de quatre mois dans un conflit hors des frontières. Malgré les réserves émises par certains députés de l’opposition, le groupe UMP a  approuvé la continuité de l’action à l’exception notamment de Laurent Wauquiez et Bruno Le Maire, qui avaient fait savoir qu’ils voteraient contre.

L’ancien ministre des Affaires européennes, dans une tribune publiée dans le Monde a indiqué qu’il regrettait que l’opération soit menée en très grande majorité par des soldats français (près de 2.000 soldats français sont sur place appuient la force africaine sur place). Des renforts européens sont attendus – environ 1000 – mais l’on ignore la date à laquelle ils arriveront en renfort. Ainsi, le coût financier en incombe pour le moment exclusivement à la France. Bruno Le Maire estime en outre que l’opération militaire en RCA relève davantage du maintien de l’ordre. Les forces françaises « se retrouvent par conséquent confrontées à des situations pour lesquelles elles ne sont pas formées ».

 

Débats vifs à l’Assemblée

 

Le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, tout en admettant que les difficultés restent considérables, et se félicitant des réels progrès réalisés depuis la mise en place de l’opération Sangaris, a insisté sur la nécessité que les  Nations Unies doivent faire vite et davantage pour prendre le relais de la France en RCA, « il y a urgence à ce que la communauté internationale mette les moyens nécessaires au respect de ce calendrier ».

Il a indiqué que la France souhaite que le Conseil de Sécurité des Nations Unies puisse se pencher début mars sur le rapport que doit présenter le Secrétaire général des Nations Unies, Mr Ban Ki-Moon, sur cette éventuelle Opération de Maintien de la Paix tant attendue car la France n’a pas vocation à se substituer aux forces internationales qui doivent assurer la sécurisation de la RCA et à long terme. A ce moment et seulement à ce moment précis « la France pourra réduire son effort et maintenir une présence en appui à l’Opération de Maintien de la Paix »  a-t-il précisé.

Christian Jacob, en tant que président du groupe UMP à l’Assemblée Nationale a pris la parole en fustigeant la manière dont le président et le gouvernement ont lancé cette opération : « la France est partie seule. Le Président Hollande n’a pas su entraîner les partenaires européens, car ce n’est pas une affaire franco-africaine. M. Hollande a manqué de leadership, il a échoué » mais il a ajouté que « la France ne peut plus partir, la RCA est sous tension et risque la partition. Il y a peu d’hommes, l’Etat n’existe plus, il faut le reconstruire, réconcilier les centrafricains et garantir la sécurité ». Malgré ses réserves l’opposition a finalement approuvé la poursuite des opérations.

 

« La France n’est pas seule en Centrafrique »

 

Le député d’Europe-Écologie Les Verts, François de Rugy, a été, de l’avis général de la  diaspora centrafricaine, celui qui a plaidé pour le pays tel un centrafricain, en mettant en avant la nouvelle relation qui existe entre le Tchad et la France, quand tout le monde s’accorde à dire que le Tchad est responsable de la déstabilisation de la RCA. Il a refusé pour autant de remercier officiellement le Président tchadien Idris Deby comme le préconisaient quelques députés.

Le ministre de la Défense, Jean-Yves le Drian, qui a pris la parole en dernier a pour sa part rappelé que la France n’était pas seule en Centrafrique : « quand j’entends dire que nous sommes seuls en Centrafrique alors qu’il y a sur le terrain 6 000 militaires africains, je ne suis pas certain que l’Union africaine apprécie ce genre de propos » a t-il indiqué.

Le ministre dans son intervention a  précisé que l’opération Sangaris serait déployée hors de Bangui et ses environs avec un fort appui des éléments de la gendarmerie nationale. Il faudra en outre tout mettre en œuvre pour que les élections aient lieu en février 2015 et amorcer la réconciliation nationale. Il a répété avec fermeté qu’il n’y aurait pas de partition de la RCA. Le ministre de la Défense a rappelé qu’il fallait que la France intervienne la première car les éléments français sont pré positionnés sur le continent africain.

L’Opération de Maintien de la Paix mis en place par l’ONU ne devrait pas arriver en Centrafrique d’ici l’été. Nul doute que si les européens tardent à envoyer leurs soldats – ils arriveront en mars – et que la situation est toujours aussi critique, les appels à se retirer se feront de plus en plus nombreux.

 

Pour rappel, l’opération Sangaris a été autorisée suite à l’adoption à l’unanimité de la résolution 2127 du Conseil de Sécurité des Nations Unies le 5 décembre dernier. Son mandat donne aux éléments de la force militaire française de rétablir la sécurité afin de permettre le retour des ONG internationales pour apporter une réponse au volet humanitaire et enfin d’appuyer les forces de la MISCA dans l’exercice de leur mandat sous le chapitre VII de la Charte des Nations Unies.

Ici, le scénario est différent de celui du Mali où nous nous souvenons que la France est partie seule en guerre contre les rebelles avant que le Conseil de Sécurité des Nations Unies n’autorise l’opération Serval.

Quelques chiffres aujourd’hui. Seules deux ONG françaises, Médecins du Monde et Médecins sans frontières appuient l’unique hôpital de la capitale Bangui qui fait face à l’afflux massif de blessés et de morts. Après l’entrée de rebelles Séléka dans Bangui en mars 2013 et l’entrée des Anti-balaka dans le conflit en septembre 2013, on comptabilise 250 000 réfugiés, 825 000 déplacés dont 100 000 sur le tarmac de l’aéroport Bangui M’Poko, 55 camps de déplacés, la moitié de la population qui a besoin de soins d’urgence et un cinquième a besoin d’aide alimentaire.

 

Journaliste, chef de la rubrique Centrafrique
Rédacteur en chef

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