International
14H46 - vendredi 6 décembre 2013

Grande-Bretagne : Une grève contre les conditions de travail dans les universités ne fait pas recette

 

Le mardi 3 décembre, à l’appel de leurs syndicats, les employés de plusieurs universités à travers le Royaume-Uni ont déposé un jour de grève pour protester, en premier lieu contre les bas salaires, mais plus largement contre le processus de “précarisation” du personnel à l’œuvre dans ces institutions. Des centaines d’étudiants les ont soutenus dans leurs revendications, organisant des manifestations et occupations de locaux toute la journée.

IMG_0756

Des étudiants en grève à l’université de Warwick en Angleterre mardi 3 décembre

 

Les syndicats en colère

Les contrats “zéro heure” et CDD d’un an se multiplient dans les universités britanniques, ce qui précarise l’emploi du personnel universitaire (tant le personnel enseignant, administratif, d’entretien, etc.). Conformément aux conclusions des négociations de l’UCEA (Universities and Colleges Employers Association) avec les syndicats (UCU, UNISON, Unite, GMB et EIS) cette année, l’Université de Warwick a récemment annoncé une hausse des salaires de 1% à compter de décembre 2013, rétroactive à partir d’août 2013. Les employés de l’université vont donc recevoir ce mois-ci, en plus de leur salaire, la somme qui leur est due depuis août.

Mais les syndicats et syndiqués sont loin d’être heureux de ce dénouement. En effet, ce qui apparait comme une revalorisation à la hausse de leurs salaires, représenterait en fait une dévaluation de 13% sur quatre ans, notamment a cause du taux d’inflation – autour de 2,5% en octobre 2013.

Les syndicats ont donc appelé à la grève le 31 octobre dernier. Les résultats, encourageants selon eux – 149 institutions auraient été touchéées – les ont poussés à renouveler l’expérience le 3 décembre dans douze universités à travers le Royaume-Uni, pour faire entendre leur exaspération d’être les laissés-pour-compte de la politique de privatisation et sous-traitance des universités. “Les employés adorent leur travail, mais leur bonne volonté ne peut pas continuer à être prise pour acquise,” a déclaré Michael MacNeil, chef des négociations de l’UCU (University and College Union).

 

Le front commun avec les étudiants dans une lutte également idéologique

 

Ce 3 décembre, les grévistes ont été soutenus par des centaines d’étudiants portant le fameux carré jaune (symbole des protestations estudiantines au Royaume-Uni depuis le mouvement Occupy, dont certains des organisateurs ont également fait partie), soucieux de voir leurs professeurs, conférenciers, et le personnel accompagnant rémunérés à leur juste valeur.

Lors de la manifestation à l’Université de Warwick, une doctorante employée par l’Université a raconté son expérience : payée 21£ de l’heure (environ 25€) cela ne comprend que l’heure d’enseignement elle-même ; elle n’est par contre pas payée pour préparer les cours, corriger les copies, donner ses remarques aux étudiants, assister aux réunions… En bout de chaine, l’étudiant pâtit de ce manque de considération de ses professeurs, puisqu’il ne reçoit pas un enseignement optimal – dénoncent les activistes. En outre, les étudiants sont nombreux à se plaindre du montant des frais d’inscription par rapport à la qualité de l’enseignement ; à l’Université de Warwick, les étudiants en licence paient 9 000£ par an (près de 11 000€), ce qui est le maximum autorisé par l’Etat (qui est le premier financeur des universités).

La centaine d’étudiants présente à la manifestation à l’Université de Warwick, réunis dans le groupe ‘Protect the Public University’ (PPU), entend donc se battre contre ce rôle de consommateurs dans lequel les réduit l’université. “Il s’agit de lutter pour un monde autre, où le capitalisme n’aurait pas également investi le domaine de l’éducation,” a déclaré l’un des intervenants, Christian. Avant de poursuivre : “en tant qu’étudiants, vous avez le pouvoir de dire ‘non’ à l’université lorsqu’elle marchandise l’éducation.”

Ce pouvoir est notamment à retirer dans la réputation de l’université, légitimée par les étudiants. “Ce sont les étudiants qui donnent son prestige à l’université, ce qui permet par la suite à celle-ci d’attirer les investisseurs et partenariats commerciaux ; par conséquent, si les étudiants sont en colère contre leur université pour sa façon de traiter son personnel, cela la décrédibilise, et à terme elle les écoute,” a expliqué un autre intervenant, Stephen, à OI.

Pour lui, “Techniquement, les universités sont des associations caritatives, à but non lucratif. Elles devraient se voir comme des institutions publiques travaillant au bien commun – l’éducation –, non comme des institutions privées agissant pour leurs intérêts propres.”

 

Une action à l’impact mesuré

 

Après les discours, les organisateurs de la manifestation avaient prévu d’occuper le Warwick Arts Centre, le centre artistique de l’université. Mais à peine une poignée d’entre eux est-elle entrée dans l’une des salles de concert, que des membres de la sécurité ont fermé les portes et interdit l’entrée. Leur raison était simple : il ne fallait pas gêner les enfants qui sortaient du centre. Contacté par OI, le responsable du service Presse de l’Université de Warwick a répété cette version : « Les manifestants ont failli mettre en danger les enfants, qui étaient là pour les spectacles de Noël », ce que les manifestants ont dénoncé comme une flagrante manipulation de la présence d’enfants, de la part de l’université.

Les étudiants se sont vite dispersés à la suite de ce revers. Cependant, certains ont continué de tenir leur stand, demandant aux passants de signer la lettre adressée à Nigel Thrift, vice-chancelier de l’université, qui a reçu une augmentation de 42 000£ (environ 50 000€) l’année dernière. En fin de journée, près de 1000 personnes l’avaient signée. Enfin, les occupants de la salle en sont sortis, et ont fait le tour du centre, scandant « No ifs, no buts, no education cuts » (Pas de ‘si’, pas de ‘mais’, pas de coupe budgétaire de l’éducation) et « They say cut back, we say fight back » (Ils disent réduction, on dit rébellion) – le tout sous les applaudissements du public du théâtre, ce qui était totalement inespéré et inattendu par les organisateurs.

Cependant, les universités à travers le Royaume-Uni ont reporté une perturbation minime de leurs activités ce mardi 3 décembre. A l’Université d’Edinburgh par exemple, les étudiants n’ont été qu’une quarantaine à manifester leur soutien au personnel en grève. Celui-ci, en l’occurrence, ne représente que 5% du personnel universitaire. Ainsi, concernant la grève du 31 octobre, le responsable du service Presse de l’Université de Warwick a évoqué le nombre de 150 personnes en grève, sur un total de 5500 personnes employées par l’université (le nombre de grévistes du 3 décembre est encore inconnu). Les institutions de l’enseignement supérieur ont annoncé que l’impact de la grève du 31 octobre, « bas voire nul », a été reproduit le 3 décembre.

En outre, les universités, par le biais de l’UCEA, ne semblent pas disposées à renégocier. S’ajoutant à cette « hausse » d’1% des salaires depuis août dernier, les employés reçoivent une augmentation différentielle chaque année, et peuvent faire la demande d’un salaire au mérite, a indiqué à OI le responsable du service Presse de l’Université de Warwick (qui a notamment affirmé que l’université n’a aucun contrat « zéro heure »). Cela reviendrait à une augmentation réelle de 3% cette année, ce qui est, selon l’UCEA, la limite possible par le budget de l’enseignement supérieur au Royaume-Uni.

Mais les étudiants ne perdent pas espoir de voir une meilleure distribution du pouvoir à l’intérieur de l’université. A l’Université de Warwick, l’action du 3 décembre a été jugée une réussite, le groupe Protect the Public University étant parvenu à sensibiliser les étudiants sur le sujet. « Avec le temps, de plus en plus d’étudiants vont nous rejoindre, vont soutenir nos actions ; c’est le seul moyen d’avancer dans nos revendications, et ensemble, cela marchera, » a affirmé Stephen.

 

Le diaporama photos de la journée de mobilisation est à visionner ci-dessous:

[slideshow gallery_id= »9″]
Journaliste à Opinion Internationale et coordinatrice de la rubrique La Citoyenne.

Arrêtons de dénigrer notre chère Tunisie !

En cette ère où les images ont un pouvoir émotionnel puissant et peuvent fausser la réalité, Nous, enfants de la France et de la Tunisie, et amis de cette terre d’Afrique du…