International
12H27 - jeudi 5 décembre 2013

Inclusion et stabilité sont-ils les maître-mots pour l’avenir du Népal ?

 

Pour un pays qui a vécu une décennie de guerre civile jusqu’en 2006 et depuis, une situation politique extrêmement instable, voire même récemment un véritable vide politique, la création d’un organisme chargé de rédiger une nouvelle Constitution et d’établir les bases d’un système démocratique durable est sans doute une étape fondamentale. C’est à ce tournant décisif de son histoire politique que se trouve le Népal aujourd’hui.

 

 

Une femme népalaise glissant un bulletin dans l'urne lors des élections le 19 novembre dernier

Une femme népalaise glissant un bulletin dans l’urne lors des élections le 19 novembre dernier

 

Les élections qui se sont tenues au Népal le 19 novembre dernier, et dont les résultats définitifs ont été diffusés il y a quelques jours, ont vu la participation de 122 partis politiques. Le parti du Congrès Népalais (CN) a obtenu 105 sièges à l’Assemblée constituante, le Parti communiste du Népal (marxiste-léniniste) 91, et le Parti communiste Unifié du Népal (maoïste) 26, suivis de nombreux petits partis. A ces 240 sièges, obtenus par vote direct, il faudra ajouter les 335 sièges attribués à la proportionnelle et enfin les 26 derniers qui sont la prérogative du gouvernement. Les 601 membres de cette assemblée ainsi constituée auront le rôle de forger une nouvelle constitution pour le Népal.

La rédaction de la Constitution est un élément central dans le processus de pacification et de démocratisation entrepris par le Népal depuis 2006, date de fin d’une guerre civile qui a duré dix ans entre le gouvernement et les rebelles maoïstes et qui a amené aux premières élections démocratiques dans le pays en 2008. La première Assemblée constituante, issue de ces élections, a transformé le pays d’une monarchie en République, mais a failli dans sa tâche de rédaction d’une nouvelle Constitution et a été donc dissoute en mai 2012, après quatre ans durant lesquels plusieurs gouvernements éphémères se sont succédé. Sa dissolution a mené à la création d’un gouvernement par intérim et à une autre phase d’impasse politique qui a retardé de plusieurs mois le vote d’une deuxième Assemblée constituante.

Au cours des élections du mois dernier, des épisodes de violence ont été causés par une frange extrême de maoïstes décidés à boycotter le scrutin. Certains maoïstes d’ailleurs, n’ont pas manqué de critiquer les résultats issus des urnes qui selon eux seraient truqués. C’est justement dans un souci de maintien de l’ordre que l’usage des véhicules a été limité le jour des élections, ce qui a contraint de nombreux électeurs à parcourir de longues distances dans ce pays montagneux pour exercer leur droit de vote. Mais les Népalais ont compris l’importance de ces élections et, sans se laisser décourager par les circonstances, 65% d’entre eux ont participé aux élections.

Le débat qui va maintenant s’ouvrir sur la forme que prendra la nouvelle Constitution obligera le Népal à s’occuper des problèmes laissés en héritage par les dix ans de guerre civile et jamais réglés, et à trouver un équilibre durable entre ses multiples identités ethniques et politiques. Dans un pays déjà plongé par l’instabilité politique, dans une situation économique difficile, et où 25% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, la transition vers une forme démocratique stable et inclusive ne peut plus attendre.

 

 

Comment fédérer 125 ethnies sous un seul drapeau ?

 

Au Népal coexistent 125 groupes ethniques, qui parlent 127 langues différentes, sur une population d’environ 27 millions d’habitants. La question de la mise en place d’un système fédéral qui puisse représenter de manière adéquate tous ces groupes a été l’un des deux sujets à l’origine de l’impasse de la première Assemblée constituante – l’autre étant le choix entre un système présidentiel ou parlementaire.

Une ligne de démarcation ethnique principale court entre les hauteurs du nord du pays, habitées par des peuples tibéto-birmans, et la plaine du Teraï au sud, le long de la frontière indienne, abritant des populations comme les Madhesi et les Tharu.

Lors de la guerre civile, les maoïstes n’ont pas hésité à recruter des militants parmi ces minorités ethniques, souvent victimes de discrimination et d’oppression à la limite de l’esclavage, avec la promesse d’un système fédéral sur la base de l’ethnicité au sein duquel leurs droits seraient garantis.

Au cours de ces dernières élections les maoïstes ont accusé le coup face à leurs adversaires et n’ont pas obtenu un nombre de sièges important, comme dans la première Assemblée. Les petits partis locaux restent de leur côté minoritaires. Toutefois, ces groupes, partisans du fédéralisme ethnique, font maintenant partie intégrante du paysage politique extrêmement morcelé du Népal et la nouvelle Assemblée constituante devra écouter leurs exigences, si elle veut mettre en place un processus de restructuration de l’Etat qui soit stable.

 

L’héritage de la guerre civile

 

La guerre civile a provoqué, en dix ans (1996-2006), la mort de 13 000 personnes et la disparition de 1 300 Népalais. Pris dans une instabilité politique chronique, les Népalais n’ont jamais pansé leurs blessures internes que cette guerre a laissé en héritage au tissu social et politique.

Aucun programme de réinsertion des ex-combattants n’a été mis en place. Les membres des anciennes milices maoïstes ont simplement reçu une indemnisation, que la majorité d’entre eux a utilisé pour acheter une maison ou payer l’éducation de ses enfants. Des investissements importants, bien sûr, mais qui ne constituent pas une source d’entrées stables. Sur le long terme, ces personnes risquent de se retrouver dans une situation précaire ou vont devoir reprendre des activités violentes en menaçant le processus de pacification sociale dans son ensemble. Des formations professionnelles auraient pu, au contraire, les aider à se réintégrer dans la société.

En mars 2013, le président Ramm Baran Yadav a approuvé une loi pour la création d’une Commission vérité et réconciliation, dans le but de faciliter le processus de pacification entre les acteurs des violences et les victimes. Mais selon Human Rights Watch et d’autres organismes internationaux, cette loi ouvrirait la voie à une large amnistie pour ceux qui ont commis des violations graves des droits de l’homme pendant la guerre. La Commission a été également critiquée pour son manque d’impartialité et d’indépendance.

 

Inclusion, stabilité et réconciliation

 

Dans ce contexte, la rédaction d’une nouvelle Constitution équivaut à une véritable restructuration de l’Etat népalais affaibli par plusieurs années de troubles politiques. Pour que les nouvelles institutions soient stables, l’Assemblée devra prendre en compte la multitude de groupes ethniques et de voix politiques présents dans le pays.

Si plusieurs représentants des partis majoritaires ont déjà relâché des déclarations d’appui à cette approche inclusive et ont affirmé leur volonté de rédiger une Constitution d’ici un an, des maoïstes ont menacé de leur côté de ne pas prendre part aux travaux de l’Assemblée en signe de protestation des résultats électoraux.

Un degré minimum de stabilité politique est nécessaire pour qu’une Commission vérité et réconciliation légitime et reconnue soit créée et puisse enfin entamer au moins un travail de documentation des violations des droits de l’homme sous la guerre, sinon de véritable réconciliation et dialogue national, avec compensation des victimes et réintégration des combattants.

En participant relativement nombreux aux élections, les Népalais ont démontré avoir compris l’importance de cette transition démocratique. Il est maintenant aux élites politiques de la comprendre et de la faire avancer.

 

Journaliste

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