International
15H40 - mardi 23 avril 2013

Quand révéler la maltraitance animale devient un crime

 

Des chevaux brûlés aux produits chimiques, des porcelets utilisés comme ballons de foot et des poules enfermées dans des cages pleines de cadavres… Des vidéos en caméra cachée réalisées par les associations de protection des animaux ont permis de révéler de nombreux cas de maltraitance animale aux Etats-Unis. Pour ces trois dernières enquêtes, la justice a été rendue et les éleveurs condamnés. Pour les suivantes, rien n’est moins sur. De nouvelles lois signées par une dizaine d’États renversent la culpabilité et font passer les cameramen dans le box des accusés.

ag gag law

Lois du silence

Surnommées « Ag Gag Laws » par les critiques (« ag » pour agriculture et « gag » signifiant bâillonner), ces lois rendent illégal le fait de filmer, de photographier, ou d’enregistrer au magnétophone une quelconque violation des normes de sécurité, de travail ou de traitement du bétail dans une exploitation agricole. Selon les versions, le texte peut interdire de photographier une ferme, même à partir de la rue, ou encore d’y travailler sans dévoiler ses liens avec une association de protection des animaux.

En théorie, cette loi permettrait d’empêcher un particulier ou une association de court-circuiter la procédure officielle de contrôle sanitaire. En cas de mauvais traitement constaté, il revient aux employés de l’exploitation eux-même de contacter les autorités compétentes, seules en mesure de demander un mandat pour effectuer les vérifications. Selon Doris Lin, Directrice juridique de la Ligue de Protection des animaux du New Jersey, ce mécanisme est long, inefficace et source de craintes pour les employés délateurs.

Plusieurs espèrent que la loi permettra de mettre un terme à l’amalgame entre images sanglantes et mauvais traitement des animaux. Le New York Times rapporte que l’American Farm Bureau Federation, un lobby de l’industrie agroalimentaire, condamne la maltraitance animale tout en précisant que les vidéos, même sanglantes, ne témoignent pas toujours d’une maltraitance. « C’est comme voir une opération à coeur ouvert pour la première fois : même si la procédure est légale et parfaitement réalisée, vous continuerez de considérer comme abjecte le fait de découper une personne à l’air libre », explique Kelli Ludlum, membre de la fédération, chargée des relations avec le Congrès.

Une répression grandissante

Les opposants à la loi condamnent l’opacité grandissante des pratiques d’élevage, le poids des lobbys et le désinformation des consommateurs. L’association Mercy for Animals explique sur son site que les « Ag Gag Laws » découragent la plupart des lanceurs d’alerte, effrayés par la sévérité des menaces. La série de textes adoptés depuis deux ans s’inspire de lois créées dans les années 90 au Kansas, Montana et Dakota du Nord. A l’époque, ces dernières se contentaient de condamner la dégradation de locaux et le vol d’animaux. Aujourd’hui, une loi au niveau fédéral impose de placer les lanceurs d’alerte sur un « registre terroriste ».

ag gag lawDerrière la plupart de ces projets se cache un lobby américain très puissant : l’American Legislative Exchange Council, ou ALEC. Connu pour son activisme législatif en faveur des porteurs d’armes, le groupe composé d’industriels et d’élus dispose d’un poids politique important. Contre paiement d’un contribution financière, les adhérents d’ALEC participent en secret à la rédaction de « lois-modèles », que les décideurs politiques membres de l’association sont chargés de signer ou de faire voter dans leur Etat. Le journaliste indépendant Will Potter note par exemple que les textes du Missouri et de l’Iowa présentent des similitudes troublantes.

comparaison lois

Même s’il reste difficile d’établir clairement l’influence d’ALEC sur la création et la promotion d’une loi, les travaux du Center for Media and Democracy permettent de faire émerger une liste de membres conséquente et non exhaustive. A l’assemblée parlementaire du Minnesota par exemple, quatre des sept porteurs de la loi sont membres de l’association. En Iowa, premier Etat à passer une « Ag Gag Law » nouvelle génération, neuf adhérents d’ALEC faisaient partie de la commission qui a rédigé le texte, défendu à l’hémicycle par la député Annette Sweeney, ancienne directrice d’une association de promotion du boeuf (Iowa Angus Association). Le New York Times rappelle que le lobby de la volaille (Iowa Poultry Association) a également participé à l’élaboration de la loi.

ALEC est principalement connu pour son influence sur la politique locale, mais il s’illustre désormais jusqu’à Washington où un « Animal Entreprise Terrorism Act » a été voté par les deux chambres du Congrès. Proposée par le sénateur James Inhofe, membre historique de l’association, cette loi s’inspire très largement du « Animal Ecological Terrorism Act », rédigé par ALEC. Pour le journaliste Will Potter, le flou volontaire du texte permet de qualifier de terroriste toute action non violente portant atteinte aux intérêts économiques d’une entreprise agroalimentaire. Dans ce contexte, ALEC n’est qu’un simple rouage d’une organisation plus large, l’Animal Entreprise Protection Coalition, créée dans le but de promouvoir l’action législative contre « l’éco-terrorisme ». Parties prenantes à ce groupe, de nombreuses entreprises pharmaceutiques : Pfizer, Wyeth, GlaxoSmithKline et PhRMA.

Etudiant en journalisme à SciencesPo Rennes

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