Tunisie
09H55 - mardi 26 mars 2013

Tunisie : Après une crise critique, la reconstruction du paysage politique tunisien tarde à commencer

 

 

Mercredi 20 mars, la Tunisie a fêté le 57ème anniversaire de son indépendance. Mais contrairement aux années précédentes, les signes de réjouissances n’étaient pas manifestes.

 

 

Ali Larayedh

Lors d’une déclaration à Mosaïque FM, Taieb Baccouche, secrétaire général du parti Nidaa Tounes, a considéré que cette fête n’avait pas été célébrée à sa juste valeur cette année, en soulignant qu’il avait remarqué une certaine négligence dans la commémoration. M. Baccouche a ainsi affirmé son attachement à cette date considérant qu’elle s’inscrivait avant tout dans la mémoire des Tunisiens, ajoutant que «l’indépendance a apporté plusieurs choses à notre pays, dont notamment la mise en place d’un Etat moderne, la diffusion de l’éducation, la libération de la femme, etc...».

De la même manière, le Parti Communiste Ouvrier Tunisien (PCOT) a considéré, dans un communiqué rendu public, que la négligence de ce 57ème anniversaire reflète la volonté du Mouvement d’Ennahda d’effacer certains aspects de l’histoire de la Tunisie, estimant qu’il s’agit d’un manque de respect envers la lutte du  peuple contre le colonialisme. Le parti estime que cette négligence traduit une volonté de réécrire l’histoire d’un point de vue partisan, motivée par une logique de règlement de compte et d’opportunisme.

 

Un nouveau gouvernement


Sur le plan gouvernemental, l’Assemblée Nationale Constituante a voté sans surprise la confiance au gouvernement du nouveau Premier ministre Ali Larayedh (ancien ministre de l’Intérieur) mercredi 13 Mars. Cette mesure a été approuvée par cent trente neuf députés, soit trente voix de plus que la majorité absolue nécessaire à l’entrée en fonction du gouvernement. Le nouveau cabinet est ainsi formé par une coalition regroupant le parti islamiste Ennahda et ses deux alliés laïcs (le Congrès pour la république et Ettakatol) contrôlant ainsi plus de cent neuf des deux cent dix-sept sièges de l’Assemblée nationale constituante (ANC). Le nouveau gouvernement compte désormais vingt-sept ministres dont dix-huit membres de la précédente équipe et neuf nouvelles recrues.

Soulignons par ailleurs, que cette nouvelle composition gouvernementale semblait être la seule issue pour répondre à la démission de Hamadi Jebali ainsi que la crise politique apparue suite à l’assassinat de Chokri Belaïd. Le désaccord existant avec les partis d’opposition sur le remaniement des ministères les plus importants tels que le ministère de la Justice, le ministère de l’Intérieur, le ministère de la Défense et celui des Affaires étrangères, n’a pas apaisé les tensions.

Ali Laryedh  a dans ce contexte recommandé à ses ministres de faire preuve de la plus grande prudence dans leurs déclarations publiques et ils ne sont désormais autorisés qu’à communiquer avec parcimonie dans les domaines qui leurs sont propres.

Ce nouveau cabinet, qui restera en fonction jusqu’à l’organisation de nouvelles élections dans le courant de l’année aura la lourde tâche de sortir le pays de l’impasse politique. La Tunisie est en effet toujours marquée par des conflits sociaux, un taux de chômage important et une pauvreté qui ne cesse de s’accroÎtre, qui ont été les principaux facteurs ayant mené à la révolution de 2011.

Pour sortir de cette impasse, Ali Larayedh, a présenté devant l’ANC mardi 12 mars, le programme d’action de son gouvernement. Il a notamment précisé la  mission délicate de ce cabinet dans un tel contexte sociopolitique et a présenté ses priorités comme étant la mise en place de conditions précises pour la tenue d’élections dans les plus brefs délais,  la mise en oeuvre d’une politique favorable à l’économie et à l’emploi et notamment la lutte contre la hausse des prix et la restauration de la sécurité dans le pays.

 

« Les prochaines élections pour le mois d’octobre 2013 »


Selon M. Larayedh la date des prochaines élections législatives et présidentielles semble être du ressort de l’ANC. Les blocs parlementaires et  les partis politiques affichent leur préférence pour les mois d’octobre ou novembre prochain, alors que Ali Larayedh, préférant le mois d’octobre, souligne que la date des prochaines élections pourrait être fixée cette semaine.

 

Reprise des travaux de l’Assemblée Nationale Constituante


Les travaux de l’Assemblée Nationale Constituante (ANC) ont quant à eux repris. Selon l’agence Tunis Afrique Presse, l’ANC, réunie en plénière, a adopté jeudi dernier  les articles 108, 109 et 114 du projet d’amendement du règlement intérieur de l’ANC.

En vertu de l’article 108, les projets de loi sont présentés au président de l’ANC, soit par le gouvernement, soit par dix élus au minimum. Le bureau de l’ANC doit ensuite soumettre ces projets de loi aux commissions spécialisées afin qu’elles soient étudiées dans un délai de  quinze jours, à compter de la date de leur dépôt. Conformément aux dispositions de l’article 109, tout projet de loi rejeté une première fois, ne peut être proposé à nouveau que trois mois après la date de son rejet.

L’article 114 permet à un ou plusieurs élus d’adresser, par la voie du président de l’ANC, des questions écrites au gouvernement. Le bureau de l’ANC devra ensuite transmettre ces questions, après examen, au gouvernement, et ce dans un délai ne dépassant pas les 15 jours. Le gouvernement devra répondre à ces questions dans un délai de deux semaines après la date de leur réception.

Les questions et les réponses seront publiées au Journal officiel de la République Tunisienne (JORT) et sur le site électronique de l’ANC.

Au terme d’un long et fastidieux débat, l’adoption des articles 104 et 106 a été reportée, et ce après consultation de l’Instance mixte de coordination et d’élaboration de la Constitution et des présidents de groupes parlementaires pour trancher les désaccords.

Ceux-ci portent sur la fixation des délais de l’examen, par les commissions constitutives, des suggestions issues du débat général et du dialogue national sur la Constitution ainsi que sur les prérogatives de la commission d’élaboration de la Constitution.

L’adoption de l’article 129 relatif à l’absence des élus a, également été reportée.

La commission du règlement intérieur et de l’Immunité parlementaire a présenté deux projets d’amendement du 4ème paragraphe de l’article 126.

Le premier précise qu’en l’absence d’un élu, sans justification, au cours de trois séances plénières par moi, le bureau de l’ANC se voit dans l’obligation de procéder à des prélèvements de la prime du député. Le second projet stipule des prélèvements de la prime mensuelle, en cas d’absences non justifiées.

 

Elections des conseils universitaires

 

Les élections des conseils universitaires réalisés mercredi 13 mars ont permis d’évaluer la popularité des islamistes. Les candidats de l’Union Générale des Etudiants de Tunisie (UGET) ont dominé les élections en récoltant deux-cent cinquante sièges sur un total de deux cent quatre vingt-quatre. Notons que l’Union Générale Tunisienne des Etudiants (UGTE), une organisation réputée proche du mouvement d’Ennahda a subi une lourde défaite en remportant uniquement trente quatre sièges.

La déception de l’opinion publique tunisienne et la gestion gouvernementale du pays malgré les promesses électorales, pourraient être la cause de l’échec de l’UGTE, expliquant ainsi sa passivité envers la prolifération des courants extrémistes dans les cours des universités,  dont l’outrage du drapeau tunisien à l’université de la Mannouba. Mais, il est aussi vraisemblable que l’électorat d’Ennahda ne se trouve pas principalement chez les étudiants.

Une chose est sûre : la tâche de Ali Larayedh est ardue mais pas impossible. Les semaines qui viennent nous diront rapidement si le nouveau premier Ministre est en meilleure capacité que son prédécesseur de ramener le calme dans le pays et d’indiquer rapidement la date des prochaines élections, qui à coup sûr apaiseront les Tunisiens.

 

Sabra Mansar