Tunisie
14H57 - lundi 18 février 2013

Des Femmes libres face aux Hommes en colère !

 

Des Tunisiennes à l’enterrement au cimetière du militant Chokri Belaid, femmes libres  face aux  hommes en colère !

 

La chronique de Zeineb FARHAT, directrice du El Teatro et militante à l’Association tunisienne des Femmes Démocrates

 

 

 

Funérailles de Chokri Belaid, les femmes sont mobilisées © Rached Chérif

Funérailles de Chokri Belaid, les femmes sont mobilisées © Rached Chérif

 

Le 6 Février 2013 est assassiné le deader du parti de l’opposiiton (WATAD) ou le Pari des Patriotes Démocrates Unifiés : Chokri Belaid. Tout le monde s’accorde à dire que cette date est le tournant dans l’hisotire de la Révolution tunisienne. Partout en Tunisie, dans le monde arabe et musulman, partout aux deux Amériques, en Europe, en Afrique, la condamnation de cet assassinat est unanime.

En Tunisie, Chokri Belaid est enterré le Vendredi 8 Février 2013 au cimetière Jellaz, dans le Carré des Héros nationaux.

Le Ministère national de la Défense – dirigé par le seul ministre qui n’appartient à aucun parti politique –  annonce que l’enterrement est unique dans l’histoire de la Tunisie post-coloniale en avançant le chiffre approximatif d’un million 40.000 personnes qui ont suivi l’enterrement de ce militant, avocat de profession, militant depuis les années 80, de la gauche démocratque progressiste, que les médias pro-islamistes avaient désavoué comme étant « un athé, communiste, incroyant ». Mais le peuple tunisien, de tous ses 4 points territoriaux a pleuré Chokri Belaid, portant le deuil de ces rares défenseurs des Pauvres !

 

Basma Khalfaoui, avocate tunisienne et veuve de Chokri Belaid, le jour de son assassinat
Basma Khalfaoui, avocate tunisienne et veuve de Chokri Belaid, le jour de son assassinat

Mieux encore, le peuple tunisien a découvert, éberlué, que Chokri Belaid , contrairement aux avocats de sa génération, et malgré sa popularité, ne possédait rien : ni maison, ni voiture, ni autres biens terrestres. Il posséde juste ces millions d’amies et d’amis anonymes, 2 fillettes et une épouse, elle-même avocate, Basma Khalfaoui, devenue en quelques jours malheureux, une égérie noble, digne, appelant les troupes du WATAD et leurs camarades au calme tout en dénoncant tous genres de violences. Mais refusant de plier et gardant la Colère du Refus de la dictature théocratique !

Et c’est cette Basma Khalfaoui qui a attisé les feux de la colère du Minsitre des Affaires religieuses, connu pour être l’imam de la mosquée EL Fatah de la rue de Palestine, dans la capitale de Tunis, fief des salafistes wahabites !

Car, bouillonne le Ministre en question, les Femmes n’ont pas à aller au cimetière !!!

Des réponses des plus drôles et des plus insolentes en ce moment dramatique fusent alors via les réseaux sociaux dont le respect dû à O.I interdit ici la reproduction.

 

ALORS,

Après recherche minutieuse d’un texte sacré, un seul texte dans le Coran qui interdise de façon ferme aux musulmanes de se rendre au cimetière, ayant cherché dans la Geste du Prophète Mohamed et la Sûnna la même interdiction ferme faite aux musulmanes de se rendre au cimetière, il s’avère que M. Le Ministre  des Affaires religieuses a pris des libertés pour interpréter à sa façon, en fronçant les sourcils, un texte Sacré qui n’existe pas du tout !

Mieux encore ou plutôt pire encore, ce même Monsieur le Ministre, aphone, n’a pas condamné les derniers événements douloureux et totalement étrangers à la Tunisie : un assassinat politique celui de M.Lotfi Naguedh du Pari Nidaa Tounès à Tataouine (extrême sud tunisien), lynché par une foule alliée aux Ligues dites de de la Protection de la Révolution, les Pasdarans tunisiens. A noter que cette Ligue est condamnée par toute la société civile qui demande sa dissolution pour « violence et appel à la violence »

Monsieur Le Ministre des Affaires Religieuses n’a pas condamné non plus l’assassinat du militant Chokri Belaid par 5 coups de feu tirés à bout portant. Alors que l’Islam condamne fermement les assassinats et encore plus fermement, l’assassinat de musulmans entre eux !!! Des menaces de profanation de la tombe du « mécréant Chokri Belaid » ont été proférées dans un café public, au vu et au su de tous et RIEN n’a été entrepris, ni au niveau des autorités judiciares, ni au niveau du Ministre des affaires religieuses pour appeler les musulmans à respecter la Paix des Morts !

Aussi, Monsieur Le Ministre des Affaires religieuses n’a guère condamné le sac des 45 mausolées des Saints vénérés par les tunisiens, brûlant au passage les Corans qui s’y trouvaient. Ni les appels des militantes et militants de la société civile de l’oppposition démocratique, (jugés bien entendu de « mécréants, francophones, laics donc athés, vendus aux services secrets étrangers et ennemis de l’Islam »). Donc ces appels au meurtre par des imams dans près de 120 mosquées de la Tunisie, et transmis par vidéo dans les réseaux sociaux !

A noter qu’en Tunisie, les imams sont nommés par Monsieur Le Ministre des Affaires religieuses, même si ce dernier avoue qu’environ 120 mosquées échappent à son contrôle et refusent de se plier à son autorité publique !!!!

 

Mais Monsieur Le Ministre des Affaires Religieuses condamne le fait que maître Basma Khalfaoui, veuve Chokri Belaid soit partie à l’enterrement de son époux, en compagnie de sa fillette et des centaines de milliers d’autres femmes, militantes des Droits humains mais aussi avec des milliers de femmes, totalement anonymes, de toutes classes sociales, pleurant, tête découverte ou portant le voile islamique (ce qui a effrayé les commentateurs islamistes !), ce beau jeune homme, chantre des libertés et du soutien aux pauvres, Chokri Belaid !

Car Monsieur Le Ministre des Affaires Religieuses ne sait pas que dans quelques villes du Sud, réputées conservatrices, les femmes accompagnent leurs morts au cimetière. Monsieur le Ministre connaît-il les mœurs sociales séculaires de la Tunisie ou ne s’y intéresse-t-il seulement que comme base d’étude culturelle et sociologique, pour porter le discours électoraliste de son Parti ?

Monsieur le Ministre des Affaires Religieuses ne sait pas que depuis des décennies, les militantes ont accompagné des grandes figures nationales aimées telles que feu Dr. Slimane Ben Slimane, militant nationaliste ( 1905- 1986), le Professeur Mohamed Charfi, juriste et président de la Ligue des Droits Humains et ministre  (1936-2008), Nabiha Ben Miled, la pionnière du féminsme en Tunisie (1919- 2009), Asma Fenni, présidente de la Fédération Tunisienne des Ciné-Clubs et aussi militante féministe et politique (1970-2009)… sans qu’aucune voix ne s’élève, du moins publiquement, pour condamner leur présence, respectant et se pliant au silence du respect des morts et des chagrins de leurs proches !

Monsieur Le Ministre des Affaires Religieuses respecte-t-il les libertés énormes arrachées par les militantes et les militants des droits des femmes et des hommes dans la Tunisie, où les femmes participent à près de 67% au budget de leurs foyers ? Et que responsables et mâtures, elles ne sont guère ces « objets hystériques » qui risquent de perturber  le rituel funèbre ?

Ces Femmes, par centaines de milliers, pleurant et chantant la colère et jurant de poursuivre le combat afin que les buts de la Révolution soient réalisés : emploi, liberté, dignité nationale.

Ces femmes là, Monsieur Le Ministre des Affaires Religieuses, comme expliqué plus haut ne suivent, dans toute la pudeur du chagrin, que les cortèges des Grands et des Grandes de ce beau pays qu’est la Tunisie.

 

Seulement des Grands et des Grandes, Monsieur Le Ministre des Affaires religieuses!

 

 

Tunis, Le 13 Février 2013