Human Rights
16H48 - mardi 28 juin 2011

Assimilation danoise, ou multiculturalisme suédois : analyse de deux modèles d’intégration

 

 

Danemark et Suède, tous deux pays nordiques culturellement proches et historiquement homogènes, divergent sur le plan de leurs politiques d’intégration : le premier est devenu partisan de l’assimilation culturelle des immigrés quand la seconde s’engage toujours plus dans la voie du multiculturalisme.

A partir des années 90, en plein marasme économique dans les pays nordiques, les flux migratoires se sont intensifiés, les deux pays accueillant davantage de réfugiés fuyant l’ex-Yougoslavie puis le Moyen-Orient, et en outre, de plus en plus de Musulmans.


Le renouveau du sentiment national danois

Autrefois prompt à diriger son nationalisme contre les minorités germanophones, le Danemark éprouve à nouveau le besoin d’affirmer sa « danicité ». C’est ainsi qu’en 2001, le Parti du peuple danois, un parti d’extrême-droite, est devenu la troisième force politique du pays. Depuis, il soutient et influence, au Parlement, la coalition gouvernementale entre Libéraux et Conservateurs. Si son émergence témoigne de la montée récente des inquiétudes vis-à-vis de l’immigration et de l’Islam, les causes du choix d’une politique culturelle assimilationniste sont à trouver en amont.


Le Danemark à la croisée des chemins, entre désir de préservation identitaire et tentation extrémiste

Depuis les années 70, ni la droite, ni la gauche, n’ont favorisé l’émergence du multiculturalisme, mis à part Jytte Hilden, ministre de la culture de 1993 à 1996, qui n’est en réalité que l’exception qui confirme la règle : le consensus au sein de la population et de la classe politique en faveur de la conservation d’un bloc culturel homogène. Dès lors, l’intégration par assimilation culturelle est la clef de voute de la politique culturelle et d’intégration. Dans un pays au sentiment national retrouvé, l’affaire des caricatures de Mahomet, publiées par le grand quotidien Jyllands-Posten en septembre 2005, a cristallisé les craintes de l’opinion publique danoise. Dès l’année suivante, le gouvernement a publié un « canon culturel danois », afin de définir une fois pour toutes la « danicité » de la culture du pays, à l’heure où la mondialisation fait craindre une dilution des identités.


Le culte de la diversité culturelle à la Suédoise

A quelques kilomètres à peine de Copenhague, c’est une toute autre logique d’intégration qui fait valeur de loi, et c’est pourquoi le contraste entre les deux pays n’en est que plus mis en exergue. C’est à la suite d’Olof Palme, dans les années 70, que la Suède a intégré le multiculturalisme dans les fondements de son identité nationale. Les politiques culturelles se sont ainsi voulues toujours plus inclusives : de protectrice de la diversité culturelle, la Suède est devenue un creuset où l’intégration ne peut être réussie que si le nouveau venu se sent comme chez lui. C’est ainsi que l’enseignement des langues d’origine se développe, pour permettre aux parents de mieux transmettre leur culture à leurs enfants. Une telle politique tire ses fondements dans l’idée que la communauté seule peut aider l’épanouissement de l’individu en tant que tel, à travers la concrétisation des idéaux d’égalité et de solidarité. A l’opposé du Danemark, les gouvernements suédois, de droite comme de gauche, ont tous favorisé le multiculturalisme, tandis que l’extrême-droite est constamment maintenue en marge de la scène politique, et ce malgré l’entrée au Parlement des Démocrates suédois, parti nationaliste, en 2010. Le soutien du parti d’extrême-droite danois au gouvernement danois a d’ailleurs de quoi choquer en Suède.

Le modèle d’intégration à la suédoise n’empêche pourtant pas la montée progressive des inquiétudes, quoique dans une moindre mesure qu’au Danemark, dans un pays qui accueille massivement et volontairement les réfugiés venant actuellement du Moyen-Orient. Quand le Suédois Lars Vilks, agacé par l’autocensure des Suédois envers l’Islam, a publié à son tour une caricature de Mahomet, en 2007, il a provoqué la réaction inverse à celle des Danois : son acte a été vu comme de la provocation.


La non-résolution des problèmes pourrait briser le modèle suédois

L’afflux d’immigrants pose un problème à la Suède, du fait de la concentration de ces derniers dans certains quartiers, comme celui de Rosengård à Malmö : le cloisonnement des populations risque de conduire au communautarisme, qui est tout sauf l’objectif des pionniers du multiculturalisme à la Suédoise. Or, si les Suédois en viennent à considérer l’immigration comme un problème en soi, le maintien d’une exception multiculturaliste, au sein d’une Europe qui en proclame l’échec, sera intenable.

 

Stéphane Pringuet

POUR ALLER PLUS LOIN :

 

Publicité du Parti du Peuple danois dans un journal danois : « La Suède se noie dans [la masse des] étrangers – Ils n’ont pas Pia Kjaersgaard » (Pia Kjaersgaard est la dirigeante de ce parti d’extrême-droite).

« Les peuples frères se divisent sur les immigrés »