International
15H19 - vendredi 17 juin 2011

Face aux velléités suicidaires de sa jeunesse, la Corée du Sud s’interroge

 

Alors que les lycéens français commencent à peine à plancher sur les épreuves du baccalauréat, les pays d’Asie, pour qui les tests d’entrée aux universités revêtent une importance bien plus grande, clôturent leur année scolaire à la publication de ces résultats très attendus par des centaines de milliers d’adolescents.

Timidement, des voix s’élèvent pour dénoncer la trop grande pression mise sur les épaules des jeunes finissant le lycée, et devant absolument réussir à rentrer dans une bonne université, condition nécessaire à l’élévation sociale. Ce système, reconnu comme dur, mais considéré comme juste dans les pays concernés, ne souffrait guère de remise en cause. Mais cette année, dans un pays, tout a changé.

Le « Pays du matin calme » ouvre les yeux

La Corée du Sud a grosso modo la même organisation scolaire que son voisin, le Japon. Les jeunes vivent leur scolarité dans une ambiance de compétition constante, avec des tests d’admission dans chaque niveau du parcours scolaire (au lycée, au collège, à l’école primaire et parfois même… à la crèche !) Le but final : réussir le Su-neung, l’examen d’entrée de l’université de leur rêve, qui leur assurera une situation professionnelle minimale, la possibilité de trouver facilement un(e) conjoint(e), et, plus globalement, un prestige personnel qui les suivra tout au long de leur vie. La pression est immense, et chaque année, face à la déception, et un avenir qui peut s’assombrir en cas d’échec, l’opinion publique fait discrètement écho de cas de suicides, de dépressions graves, et d’abandons d’études chez certains jeunes recalés. Le tout dans une relative discrétion médiatique. Pourtant, le sujet a explosé cette année au visage d’une société sud-coréenne, qui a dû faire face à un phénomène dont elle a négligé l’ampleur.

Mokpo, 250 000 habitants, commune portuaire du sud-ouest du pays. C’est d’un atroce fait divers dans cette ville sans histoire que va partir la vague de stupeur qui va frapper le pays. Un matin du début du mois de juin, en pleine rue passante, un jeune homme de seize ans s’asperge d’essence et, sans aucune hésitation, sous les regards médusés des badauds, s’immole par le feu. L’affaire suscite une vive émotion dans la ville, le jeune n’ayant aucun antécédent dépressif connu. L’enquête sur les causes de cet acte désespéré mettra en avant l’existence d’une lettre laissée par le jeune homme où il écrit qu’il ne pouvait plus supporter « ses mauvais résultats aux évaluations scolaires et le sentiment d’avoir laissé tomber ses parents. » Les journalistes s’emparent de l’affaire et mettent alors en avant un chiffre terrifiant : en 2009, selon le ministère de l’éducation, 202 élèves de l’enseignement secondaire se sont donnés la mort en Corée du sud. Un chiffre sans doute sous-estimé, car il ne compte que les actes où le rapport entre suicide et pression scolaire est clairement établi. Le chiffre aurait doublé en dix ans. La Corée du Sud prend conscience du malaise de sa jeunesse, dans un pays où 20 % des collégiens et des lycéens reconnaissent avoir déjà pensé sérieusement au suicide.

Entre stupeur et incompréhension

Le pays, abasourdi, s’interroge. Le système a encore de très nombreux défenseurs : le modèle scolaire sud-coréen est en effet largement égalitaire et « méritocratique », et la réussite professionnelle dans le pays est bien plus liée aux résultats personnels à l’école, qu’au réseau social et familial de l’élève. En outre, c’est très clairement la formation et la hausse du niveau d’éducation de sa population, qui a, en quarante ans, transformé l’un des pays les plus pauvres de la planète et déchiré par une guerre fratricide, en nation membre de l’OCDE, le club des grandes puissances économiques mondiales. Ces résultats indéniables freinent beaucoup de Sud-coréens dans la remise en cause de leur système scolaire. Étrange paradoxe en effet : pouvoirs publics, enseignants et parents d’élèves n’hésitent pas à critiquer cet environnement écrasant, nuisible à l’épanouissement individuel, et qui privilégie le rabâchage de connaissances, plutôt que la créativité et l’esprit d’analyse. Mais cela n’empêche pas les familles sud-coréennes d’investir massivement dans l’éducation de leurs enfants (donc dans le système), et de dépenser des sommes parfois conséquentes pour les inscrire dans les hagwon, de coûteuses écoles privées où les élèves bachoteront leurs examens le soir, bien après la fin de la journée de cours dans leur établissement.

Le non-dit de la déprime de la jeunesse se fissure. D’autant que la question du désespoir suicidaire lié au surmenage et à la pression dépasse largement le seul cadre scolaire. La Corée du sud est en effet, parmi les pays développés, celui où le taux de suicide est le plus élevé (26,1 passages à l’acte pour 100 000 habitants). Un chiffre nettement supérieur à son voisin japonais, et qui représente deux fois le niveau de la France, pas forcément bien classée en la matière. Un chiffre, surtout, qui a quasiment doublé en quinze ans…

Damien Durand

Photo : panneau lumineux « Respectez le caractère sacré de la vie ! », sur le quai d’une gare. (Flickr/skinnylawyer)

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