Edito
16H00 - mardi 7 mai 2024

Dieu le fit ! Anne Bassi nous offre une fresque romanesque de la Résistance française au cœur de la Drôme

 

En ce jour du 8 mai et de la commémoration de la capitulation nazie et de la liberté retrouvée, un roman vient éclairer les ombres de quelques heures sombres qui marquèrent un des territoires de France et la vie d’un homme…

De la Drôme de 1942 au Paris des années 1970/1980, Anne Bassi nous offre dans Dieu le fit (Editions Marque-pages) l’histoire d’un fils d’agriculteurs qui devient un grand avocat du barreau de Paris. Il découvrira à plus de 40 ans des secrets de famille qui vont bouleverser ses repères et lui faire comprendre que son destin est lié autant à son héritage familial qu’aux heures tragiques traversées par la France trois décennies plus tôt. A travers sa quête d’identité, c’est tout un pan méconnu de l’Histoire qui se révèle.

Anne Bassi répond aux questions de Michel Taube pour Opinion Internationale.

 

Anne Bassi, dans votre nouveau roman, vous racontez de façon intimiste et historique l’histoire de Dieulefit, village de la Drôme. Pourquoi avoir choisi ce village en particulier ?

AB – J’ai souhaité rendre hommage aux résistants de cette région, ceux qui seront plus tard reconnus comme « Justes parmi les Nations ». Moins connu que le village du Chambon-sur-Lignon, Dieulefit comptait au début de la guerre 1200 habitants dont deux tiers de catholiques et un tiers de protestants. Tous les villageois ont résisté, aucun juif, aucun étranger n’a été dénoncé pendant la guerre. Il régnait dans ce village une atmosphère exceptionnelle de fraternité.

Dans le roman, l’intrigue évolue avec des flashbacks qui dévoilent progressivement le sauvetage des enfants juifs de Vénissieux, plus connu sous le nom de « la nuit de Vénissieux », le 29 août 1942. C’est un sauvetage méconnu alors qu’il est remarquable compte tenu d’une part, de l’organisation mise en place pour réussir le sauvetage et, d’autre part, du nombre d’enfants sauvés : 108 au total.

Mais le livre est aussi un hommage aux femmes, en particulier celles qui ont sauvé des enfants. On croise des personnages historiques comme Marguerite Soubeyran, Simone Monnier et Catherine Krafft. Et des personnages inspirés de faits réels, comme celui de Jeanne Barnier, qui était secrétaire de Mairie à Dieulefit pendant la guerre et qui a réalisé de nombreuses pièces d’identité pour les réfugiés.

Mais il y a aussi d’autres thèmes dans le roman : les secrets de famille, et la Justice – deux thèmes déjà présents dans votre premier roman.

AB – Le héros est confronté à deux secrets de famille et entreprend alors des recherches généalogiques pour mieux comprendre ce qu’il s’est passé. C’est ainsi qu’il découvre l’histoire de Dieulefit. Il est avocat, par vocation professionnelle et par rejet de toute forme d’injustice. Le lecteur évolue dans l’univers des cabinets d’avocats des années 1970/1980 et côtoie une période plus large où Droit, Justice et morale s’entrechoquent.

Il y a un moment très fort dans votre livre, quand Monseigneur Saliège, cardinal et archevêque de Toulouse, fait lire le 23 août 1942 dans la plupart des églises du diocèse une lettre de protestation, où il rappelle que « les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes. Tout n’est pas permis contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces pères et mères de famille ». Quelle a été la portée de cette lettre ?

AB – La lettre de Monseigneur Saliège a eu un grand retentissement dans l’opinion. Elle a été reprise et diffusée par la radio de Londres et par la presse clandestine de la Résistance. C’est la première prise de position publique en faveur des Juifs. Elle a amorcé un virage plus critique dans les positions d’une partie de l’Eglise, comme en témoigne également la lettre pastorale de monseigneur Théas, l’évêque de Montauban, qui est lue dans toutes les églises de son diocèse le 30 août 1942 : « Les mesures antisémites actuelles sont un mépris de la dignité humaine et une violation des droits les plus sacrés de la personne et de la famille. »

Merci Anne Bassi.

Directeur de la publication