Edito
19H27 - mardi 12 mars 2024

Pour un débat digne sur la liberté de mourir dignement. L’édito de Michel Taube et Laurent Tranier  

 

Pour une fois Emmanuel Macron a bien raison de prendre son temps et de pratiquer le “en même temps”.

Les pressions exercées pour revenir sur la loi Leonetti et permettre de recourir à l’euthanasie ou l’aide active à mourir sont loin de faire consensus dans la société française.

C’est un enjeu qui touche chacun d’entre nous, au cœur de l’intime, dans notre famille, dans notre vie. 

Le jour venu, nos proches, nous-mêmes, serons confrontés à cette question, ce jour où notre temps sur notre planète et parmi les nôtres approchera de son terme, et que celle ou celui que nous avons été ne sera qu’un kaléidoscope de glorieux souvenirs, et qu’enfin notre corps, notre esprit, ne pourront que constater leur propre déchéance. 

Que ferons-nous ? 

Accepterons-nous de choisir, autant qu’il nous sera encore possible, notre sortie, d’en décider la manière et le moment, ou nous remettrons-nous à la volonté de la nature, aux « forces de l’esprit » qu’avait évoquées François Mitterrand, à une volonté divine ?

Toutes ces questions sont tellement intimes que chacun doit pouvoir y répondre en fonction de ses convictions philosophiques et religieuses, en fonction de la souffrance qui sera alors peut-être la sienne, en fonction de l’idée qu’il se fait de lui-même parmi ses proches.

Mais chacun peut-il être laissé seul face à cette question ? Les philosophes, les intellectuels, les autorités religieuses et morales ont évoqué la question de la fin de vie, de l’assistance à mourir, de l’euthanasie active ou passive, du point de vue de l’individu, de ses proches, des soignants, des philosophies. Le débat est ouvert depuis longtemps car la réponse actuelle à ce problème de société n’est pas satisfaisante : il faut concilier un enjeu de liberté individuelle, un enjeu de responsabilité des entourages familiaux et médicaux, un enjeu de moyens techniques. C’est donc une question politique, au plus noble sens de ce terme.

Depuis l’entretien qu’a accordé le président de la République à La Croix et Libération, les cultes ont évidemment condamné le projet. Mais il est des postures que nous ne suivons pas : on peut être laïc et agnostique et ne pas être favorable à l’euthanasie.

La France est divisée sur la question et il est possible que même à l’Assemblée nationale il ne se trouvera pas une majorité de consensus pour réformer la législation.

Emmanuel Macron a décidé que la France devait avancer dans cette direction, avec une nouvelle loi pour répondre à tous ces enjeux. Il a mûri sa réflexion personnelle mais celle-ci n’est pas achevée, il demande enfin aux représentants de la nation d’avancer après avoir consulté des citoyens tirés au sort. 

Le débat sera encore long et rien ne garantit que ce quinquennat verra l’adoption d’une nouvelle loi sur la fin de vie. 

A tout le moins, faisons en sorte, responsables politiques, penseurs et citoyens, que le débat ait lieu avec la hauteur de vue que requiert ce sujet, dans le respect de toutes les convictions et de la dignité d’être humain dont nous sommes tous dépositaires.

En attendant, la création d’ici un ou deux ans des unités de soins palliatifs dans les 21 d”épartements français qui en sont dépourvus serait déjà une belle victoire de la République.

Michel Taube et Laurent Tranier

Directeur de la publication