Edito
11H25 - mardi 20 février 2024

Europe, Ukraine, Navalnaya : même combat. L’édito de Michel Taube

 

L’assassinat d’Alexeï Navalny le 16 février, emprisonné dans l’enfer polaire de Iamalie dans le Grand Nord russe, a fait du principal opposant à Vladimir Poutine un martyr universel de la démocratie. Navalny, tout en s’étant toujours radicalement opposé à Poutine, a aussi partagé l’idéologie impérialiste russe avant de s’en éloigner. Comme l’Ukraine, il avait un ennemi : le régime du Kremlin. Non la Russie elle-même mais Poutine lui-même.

La démocratie libérale et tout ce qu’elle offre – libertés politiques et d’expression, pluralisme, respect des minorités et des droits de l’homme – ne va jamais de soi. Elle n’est jamais un acquis. Elle est une conquête perpétuelle, car perpétuellement menacée, de l’intérieur par ceux qui la haïssent et qui trouvent en elle la possibilité de la combattre, et de l’extérieur, par ceux pour qui elle est une menace : les régimes autoritaires.

La démocratie libérale est ce qui définit le mieux l’Occident. Elle est ce que les pays « occidentaux » ont en partage. Entre eux, mais aussi avec tous ceux qui aspirent à la même liberté dans les pays autoritaires.

L’Ukraine et Alexeï Navalny en sont les symboles ! Poutine veut donc les abattre.

Depuis le 26 mars 2000, date de son élection à la Présidence de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine poursuit le rêve à la fois paranoïaque et impérialiste d’élargir l’influence de la Russie sur son étranger proche, celui qu’a connu l’empire tsariste dans sa plus large extension, celui qu’a réuni l’URSS, celui qui l’a rejeté lors de l’éclatement de cette dernière.

Par tous les moyens.

L’assassinat par Vladimir Poutine de tous ses opposants, depuis Anna Politkovskaïa en 2006, en passant par de nombreux autres aux rangs desquels le bandit Evgueni Prigojine en 2023 (qui a quand même sérieusement fait vaciller le Kremlin lors de l’avancée sans résistance de sa milice Wagner sur Moscou en juin dernier) et aujourd’hui Alexeï Navalny, n’est qu’une incroyable série d’aveux de faiblesse. Comme si finalement sa principale force résidait dans l’absence d’alternative capable de fédérer ses oppositions et d’assumer la fonction à la tête de la Russie.

C’est parce que Poutine déteste la démocratie libérale et ne veut surtout pas qu’elle irrigue la société russe qu’il s’emploie depuis plus de vingt ans, méthodiquement, à étouffer tous les ferments de libertés, tous les embryons d’une société civile qui ont pu apparaître dans le pays.

L’Ukraine était, dans l’axe soviétique de la Russie de Poutine, le nouvel enfant terrible (pour Moscou) de cette démocratie libérale. Poutine veut dénazifier l’Ukraine ? Traduction : les libéraux de Kiev doivent être abattus.

C’est pourquoi aussi Vladimir Poutine fait peser une menace existentielle sur ses voisins, de la Géorgie à l’Ukraine et demain peut-être la Moldavie, les Pays Baltes, la Pologne, c’est-à-dire nous, l’Europe.

Alors oui, tous ceux qui s’opposent à Poutine sont nos alliés et nous devons les aider. L’Ukraine est notre alliée et nous devons l’aider, davantage encore.

Alexeï Navalny était notre allié et nous devons célébrer son courage et son exemple. Notre devoir est désormais de soutenir sa veuve, Ioulia Navalnaya.

Europe, Ukraine, Ioulia Navalnaya : même combat.

 

Michel Taube

Directeur de la publication