Edito
06H18 - jeudi 16 février 2023

Le CFCM est mort, le FORIF l’est déjà : l’Islam de France est bien mal parti. L’édito de Michel Taube

 

Emmanuel Macron reçoit ce matin à l’Élysée les participants du Forum pour l’Islam de France, le FORIF, instance informelle installée par Gérald Darmanin le 2 février 2022 et voulue par le chef de l’État, pour succéder à une coquille devenue vide, le CFCM.

Le chef de l’État réussit l’exploit de se donner un nouvel interlocuteur en acceptant l’inimaginable : désormais, dans l’instance officielle de l’Islam en France, censée parler avec l’Etat, on y parlera de tout sauf de la lutte contre le séparatisme islamiste qui gangrène la communauté musulmane et perturbe la société française.

Sans président ni porte-parole, composé de diverses personnalités de culte ou de culture musulmane, ce « Forum » est un cercle de réflexion idéal pour un président qui aime jouer les philosophes plus qu’une véritable institution chargée de reprendre en main l’Islam en France (qui en a pourtant bien besoin) et de combattre pied à pied la radicalisation des consciences.

Faire de la théologie républicaine, pourquoi pas ? Il y a déjà la Fondation pour l’Islam de France présidée par Ghaleb Bencheikh, et nouvellement l’Institut français d’islamologie pour matiner les prochains imams d’un peu de culture républicaine.

Réunion fondatrice du FORIF le 2 février 2022 en présence de Gérard Darmanin

Voici à présent le FORIF !

Le FORIF, c’est quoi ? Après des assises territoriales de l’Islam dans les différents départements menées par les préfets, des acteurs départementaux sont venus à Paris siéger dans le cadre du FORIF pendant quelques mois. Certains sont avocats, certains sont pris dans l’associatif, d’autres présidents de cultes. Ajoutez-y quelques personnalités qualifiées et voici le FORIF, le nouveau lien direct entre l’État et l’Islam en France. Un mouvement qui part de la base qui remonte et qui redescend.

Dans le FORIF, on y parlera de toutes choses utiles (les aumôneries et le statut des aumôniers, le droit et la gestion des associations exerçant le culte musulman, la sécurité des lieux de culte et les actes anti-musulmans, la professionnalisation et le recrutement des imams) sauf de l’essentiel : la lutte théologique, cultuelle, numérique, concrète et quotidienne contre l’islamisme radical.

Il en sortira ce matin un petit guide de méthodologie de la relation entre les cultes et l’Etat. Des chantiers concrets, organisationnels, opérationnels seront lancés, autant de choses utiles dans l’organisation d’un culte ! Mais Emmanuel Macron annoncera-t-il un numéro vert (couleur de l’Islam) à appeler en cas de prêche douteux au regard des valeurs républicaines ? Qu’ont prévu de faire les membres du FORIF pour faire reculer la conviction d’une majorité de jeunes musulmans que la chariah est supérieur aux lois de la République ? Et en cas d’attentat islamiste perpétré au nom de l’islam par un Français, ou une Française, leur parole sera-t-elle à ce moment-ci audible ?

Franchement, penser qu’une instance sans colonne vertébrale institutionnelle saura accoucher d’un véritable Islam de France, c’est vraiment appliquer l’adage : plus l’esbrouffe est énorme, plus ça passe !

Résultat le FORIF est déjà muet et inaudible : qu’a pensé le FORIF lorsque Chems-Eddine Hafiz, Recteur de la mosquée de Paris a rencontré Michel Houellebecq à l’invitation du Grand Rabbin de France ? Qu’a dit le FORIF au courant de l’année 2022 lors des multiples rebondissements judiciaires dans l’affaire Iquioussen, imam raciste, sexiste, antisémite et homophobe ? Qu’a pensé le FORIF lorsque des dizaines de mosquées se sont rangées du côté de cet imam aussi influent qu’anti-républicain, aujourd’hui enfin expulsé au Maroc ?

 

Adieu Islam de France

Depuis vingt ans déjà et la création en 2003 du CFCM par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, la multiplication des attentats terroristes commis au nom de l’Islam aurait dû être l’occasion d’une prise de pouvoir par les modernistes et les laïcs à la tête de la communauté des musulmans de France.

C’est le contraire qui s’est passé : les plus radicales des Fédérations musulmanes ont tourné le dos au CFCM jusqu’à refuser de signer la Charte des principes pour l’Islam de France adoptée en 2021 et dont le texte est pourtant bien mielleux et hypocrite avec les fréristes et les salafistes de tous poils (de barbe).

Le président de la République a préféré noyer le poisson, composer, faire du en même temps ! Vraiment, Emmanuel Macron n’a jamais été à l’aise avec l’islamisme radical. Il a mis quatre ans à accoucher d’un grand discours : c’était aux Mureaux le 2 octobre 2020. Soi-disant « la République en actes ». Et un abus de langage de plus… Et sa loi dite séparatisme du 24 août 2021, dotée de tant de mesures techniques qu’elle en manque l’essentiel, a déjà montré ses limites avec cette triste affaire Iquioussen qui, rappelons-le, n’a toujours pas été jugée au fond !

L’erreur de méthode est gravissime : le chef de l’Etat a séparé la lutte contre le séparatisme musulman des efforts d’émergence d’un Islam des Lumières. Ces derniers auraient dû reposer sur des actes puissants et définitifs de rejet du séparatisme musulman imposés aux organisations musulmanes dites éclairées, sous peine de dissolution et d’interdiction de prêcher.

Aujourd’hui à l’Elysée, le chantier de l’Islam des Lumières sera confié à une élite musulmane éclairée, une forme de beurgeoisie qui mérite tout le respect dû à ses valeurs et son parcours d’intégration, et qui se gargarisera de boire un jus de fruit à l’Elysée ce matin (y aura-t-il du champagne et du vin ?, la question est sérieuse car des musulmans doivent pouvoir boire de l’alcool), mais qui est totalement déconnectée des réalités de terrain de l’Islam où les salafistes et les fréristes ont le vent en poupe dans les banlieues et bien au-delà.

L’émission « Islam » sur France 2 le dimanche matin, qui certes évolue un peu, est le reflet de ce qui va se vivre à l’Elysée ce matin et la caricature de cette déconnexion entre l’élite et la population musulmane de France : un cours de théologie au lieu d’être une œuvre de pédagogie et de prévention contre la tentation islamiste.

Plutôt que de créer une énième instance de débat déconnectée des réalités de terrain de l’Islam en France, l’Etat aurait mieux fait de dissoudre les organisations musulmanes qui ont refusé de signer la Charte d’allégeance aux valeurs républicaines qu’avait péniblement adoptée le feu CFCM, de fermer les mosquées qui ont soutenu l’imam Iquioussen et interdire de prêche (et expulser ceux qui sont étrangers en France) tous les imams qui refuseraient de signer la Charte ou auraient commis le moindre prêche ou harangue sur le web anti-républicains.

L’Islam de France se serait enfin mis sur de bons rails !

Mais avec le FORIF, l’Islam de France est bien mal parti !

 

Michel Taube

Directeur de la publication