Il y a cent ans, en 1922, à la demande expresse des anciens combattants, le 11 novembre devenait un jour férié et chômé de « commémoration de la victoire et de la paix ». Cette boucherie humaine valait bien une journée de suspension du cours du quotidien : presque aucune des communes de France ne fut épargnée et le sang français coula dans tout le pays, que ce soit en métropole ou dans l’empire colonial, causant 1,4 millions de morts et des millions de blessés français.
Des centaines de militaires sont tombés depuis la seconde guerre mondiale. Et, puisque depuis dix ans et la loi du 28 février 2012 l’hommage du 11 novembre est étendu à tous les « morts pour la France » dans les conflits anciens ou actuels, qu’ils soient civils ou militaires, citons la mémoire d’Antoine Lancrenon, pilote de Corsair dans la Marine nationale, disparu en mission le 3 novembre 1956 près du canal de Suez en Egypte, pendant l’intervention franco-britannique de Suez. Un de ses fils, Christian, se bat pour raviver et réhabiliter la mémoire de son père. 66 ans plus tard, il se bat toujours pour savoir ce qui s’est passé.
Les soldats français morts en opérations extérieures doivent être salués : depuis le 11 novembre 2021, deux militaires sont tombés en Afrique, le brigadier-chef Alexandre Martin du 54e régiment d’artillerie de Hyères, et le maréchal des logis Adrien Quélin du 4e régiment de chasseurs, à Gap. Mémoire !
Barkhane est mort mais nous n’oublierons pas les 58 militaires qui y ont été tués. Ni les 3.000 militaires encore déployés au Niger, au Tchad et au Burkina Faso, et les forces prépositionnées au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Gabon et à Djibouti.
Mais ce 11 novembre 2022 a plus l’odeur du sang que ses précédentes éditions : plus de 200.000 morts ou blessés sont déjà tombés dans cette sale guerre que la Russie a déclenchée en Ukraine le 24 février. Dans une tribune parue dans Le Monde le 8 novembre, Thierry Burkhard, Chef d’état-major des armées, rappelait que « la force militaire fait ainsi un retour brutal sur la scène internationale. »
Et la question se pose : sommes-nous, comme en 14-18, comme en 39-45, entrés dans une nouvelle guerre mondiale ?
La « fracturation du monde » dont parlait Emmanuel Macron lors de sa visite à Toulon le 9 novembre 2022 sur le porte-hélicoptères amphibie Dixmude, où il présenta la nouvelle stratégie française en matière de défense, provoque déjà des conflits de haute intensité, comme en Ukraine donc, mais aussi en RDC et dans la guerre du Tigré en Afrique.
Certes, le chef de l’Etat annonça à Toulon la décision de la France « ne pas rester engagés pendant une durée illimitée dans des opérations extérieures ». Gageons que les risques de généralisation de la guerre en Ukraine ne fassent pas voler en éclat un tel virage stratégique et qu’ils ne nous obligent pas à mobiliser davantage la force militaire française.