Edito
12H39 - mercredi 6 juillet 2022

Quel cygne pour diriger la danse à l’Opéra national de Paris ? Un enjeu de vraie politique. L’édito de Michel Taube

 

Le management des grands services publics est un des maillons faibles de l’État français. La culture n’y échappe pas.

L’actualité offre une occasion « rêvée » à la nouvelle et reconfirmée ministre de la culture, Madame Rima Abdul-Malak, de rehausser le niveau d’excellence des grands commis de l’Etat qui dirigent et font vivre les institutions de l’exception culturelle française.

L’Opéra national de Paris n’a plus de directrice de la danse. Le départ-surprise de l’Etoile Aurélie Dupont (départ qui sera effectif le 31 juillet), qui avait succédé en 2016 à Benjamin Millepied, lui aussi démissionnaire, ouvre une période d’incertitudes que l’on espère la plus courte possible.

Un nom circule déjà : celui de Nathalie Jacquel de Boucaud, danseuse pendant 16 ans à l’École de la danse de l’Opéra de Paris, avant qu’un accident ne la contraigne à une nouvelle vie, épanouie autrement dans le monde de la banque. Dès 2018, nous avions repéré ce talent où se mêlent à une vraie vision artistique des qualités de rigueur, de dépassement de soi, de solidité, de conduite d’équipe et de sens des résultats.

A l’Opéra de Paris, la danse connaît depuis plus de dix ans des turbulences qui auraient pu altérer cet écrin culturel, cette institution capitale pour le rayonnement de Paris et de la France. La gestion de la crise Covid a eu de lourds effets sur le climat ambiant à Bastille et à Garnier et l’Opéra de Paris vit encore une année 2022 bien difficile.

Les années Aurélie Dupont, – même si l’heure du bilan est encore prématurée -, éclairent les difficultés, les chausse-trappes, les enjeux d’un poste si stratégique auxquels sa ou son successeur devront faire face.

 

Pour un(e) artiste gestionnaire ou un(e) gestionnaire artiste à la tête de la danse

La danse, comme toutes les institutions (Madame Mélanie Joder vient d’être nommée au conseil d’administration de l’Opéra au titre de représentant de la direction du budget), a besoin à sa tête des meilleurs gestionnaires, de leaders qui sachent dynamiser et gérer 154 femmes et hommes aux talents et aux personnalités souvent flamboyants (« 154 egos » selon Télérama), mais aussi comme dirigeants des passionnés d’opéra et de ballet. Ces professionnels doivent être à même de dominer des dossiers de plus en plus techniques et complexes pour ne pas recourir tous les quatre saisons à des cabinets de conseil privés dispendieux (Le Monde vient d’épingler lourdement les relations incestueuses de l’Etat avec CapGemini, le géant français du conseil).

Le processus de succession à Aurélie Dupont vient d’être lancé par l’Opéra national de Paris : un comité de sélection, présidé par Bernard Stirn, président honoraire du Conseil d’administration de l’Opéra national de Paris et membre de l’Institut, et composé de Carolyn Carlson, ancienne danseuse étoile invitée et spécialiste de danse contemporaine, Charles Jude, ancien danseur étoile, et Angelin Preljocaj, chorégraphe et danseur contemporain (où est la danse classique ?) , auditionnera les candidats en septembre et adressera une recommandation à Alexander Neef, directeur général de l’Opéra national de Paris qui prendra sa décision.

La prochaine Directrice de la danse devra s’atteler à gérer quelques urgences, notamment la cohabitation Bastille / Garnier dans le même EPIC qui est de plus en plus contestée, d’autant que le ballet et donc Garnier bénéficient (mais pour combien de temps encore si les problèmes de gestion, de management et de leadership perdurent ?) de l’essor mondial remarquable de la danse.

Y a-t-il dans la salle cette perle rare que serait une artiste gestionnaire ? Peut-être l’a-t-on déjà trouvée…

 

Michel Taube

Directeur de la publication