Edito
11H19 - dimanche 20 février 2022

Zemmour, Pécresse, Macron et Poutine. Un dimanche en campagne. L’édito de Michel Taube.

 

 

Devant le Mont Saint Michel, sous un beau ciel bleu, Éric Zemmour tient meeting. Au menu : politique étrangère et défense nationale. Bientôt une armée de 100.000 hommes, deux porte-avions, huit sous-marins nucléaires. La Grande nation est de retour. Et Poutine doit avoir chaud aux fesses, bien plus qu’après la torture verbale que lui a infligée notre actuel chef des armées et de l’Europe, le généralissime Emmanuel Macron. Pourquoi pas après tout ? Il vaut toujours mieux être indépendant que le valet de qui que ce soit. Mais à part le djihadisme qu’on ne combat pas avec des porte-avions, qui a intérêt à porter le feu, le vrai et non celui de la guerre commerciale, sur notre territoire ? Et comment payer toute cette armada ? En supprimant l’aide au développement, nous dit Éric Zemmour, là où les autres candidats nous racontent qu’il faut aider les Africains à pouvoir rester chez eux.

Le chantre du « gaullisme de reconquête » tel qu’il s’est auto-proclamé poursuite sa reconquête de la droite. En attendant la France ?

Zemmour a-t-il tort ? Rien que l’Afrique subsaharienne et le Maghreb devraient compter dans les trois milliards d’habitants d’ici la fin du siècle. Notre aide est une goute d’eau pour eux et un puits sans fond pour nous. Mais ses fanfaronnades nationalistes et exaltées au goût belliqueux se sont pas bien rassurantes. Ne dit-on pas qu’au premier tour, on rassemble son camp ? Certes, mais à trop cliver ne risque-t-on pas de s’interdire d’atteindre le second.

Ce week-end fut aussi l’occasion pour Valérie Pécresse de se refaire une (petite) santé. Meeting plus modeste au Cannet (Alpes-Maritimes), sur les terres d’Éric Ciotti. Plus de pupitre ni de prompteur. Micro en main, elle affiche sa volonté d’être elle-même, d’être naturelle. Sur le fond, c’est un peu le retour au « en même temps » façon LR, et donc au grand écart. Fini le grand remplacement, place à la Valérie Pécresse d’avant. Vraiment ? Avons-nous vu la Pécresse qui avait claqué la porte de LR et qu’elle jugeait (à l’époque) trop à droite ? Oui mais non ! La politique migratoire d’Emmanuel Macron est qualifiée de « bérézina », même si la maire de Calais en a conclu qu’elle pouvait rejoindre la macronie. Avec elle, il y aura moins de visas, plus de droit du sol « automatique » et un accès à la nationalité française conditionné à une preuve d’assimilation. Haro sur le voile, aussi, et l’affirmation que « la loi est au-dessus de la foi ». Ça, n’est-ce pas déjà le cas ? Et pourtant…

On a toutefois le sentiment que le souci de Valérie Pécresse est ailleurs : l’heure est à la calculette. Côté siphonnage des électeurs de Zemmour et Le Pen, il n’y a plus grand-chose à faire. Autant laisser le soldat Ciotti rameuter quelques hésitants et se concentrer sur le territoire le plus riche en gibier : la candidate doit chasser sur les terres macroniennes, surtout si elle veut éviter d’autres défections, dont celle de Saint Sarkozy, dont la parole est aussi espérée que crainte.

Ce qui manque à cette campagne, ce sont de vais débats apaisés et argumentés. Jusqu’à maintenant, on n’a eu droit qu’à deux confrontations Zemmour-Mélenchon, tous deux gagnés par le candidat nationaliste, son adversaire islamogauchiste ayant sombré dans l’agressivité caricaturale. Et bien sûr, ce qui fait si grandement défaut, c’est l’absence du sortant, candidat non encore déclaré à sa succession, qui devra défendre son bilan et son projet face à l’adversité. A moins que, comme le laisse entendre son entourage, Emmanuel Macron refuse de débattre avec les candidats du premier tour. Ce ne sera pas le dernier déni de démocratie commis par l’hôte actuel de l’Élysée.

En attendant, la Russie s’apprête à envahir l’Ukraine, où du moins fait tout pour le laisser penser, en duo avec la Maison blanche (bon, Kiev, c’est un peu comme Reims pour les Français, la capitale du sacre des tsars russes), ce qui serait une curieuse initiative dès lors que l’adhésion de cette dernière à l’OTAN n’est pas actée. De quoi reléguer au second plan pour quelques jours voire quelques semaines les affres d’une moribonde campagne présidentielle en France.

 

Michel Taube