Valeur compliance
06H50 - mardi 16 novembre 2021

Petite géopolitique de la lutte contre la corruption internationale

 

Opinion Internationale lance la rubrique « Valeur compliance » destinée à tous les risques non financiers des entreprises et des acteurs privés et publics : environnement, égalité femmes — hommes, diversité, RSE, la compliance est, avec la productivité et les bénéfices, le second secret de la réussite!

La rubrique est animée par Yani Hadar, expert doté d’une expérience de huit années acquises dans le secteur de la compliance et du contrôle interne (missions dans le financement de projets, l’énergie et le secteur bancaire) et à l’international (France, Luxembourg, Maghreb).

 

Le monde d’aujourd’hui est un monde en perpétuel changement. L’« hyperpuissance » américaine qu’évoquait l’ancien Ministre des Affaires étrangères de la France, Hubert Védrine, a été remplacée par un monde bipolaire, dirigé par la Chine et les États-Unis.

 

Dans le secteur de la compliance que l’on peut définir comme tous les risques non financiers et notamment la lutte contre la corruption, ce clivage est lui aussi présent.

Pour lutter contre la corruption, les États-Unis d’Amérique ont décidé d’innover très tôt dans l’histoire, et cela, dès le vote en 1977 du Foreign Corrupt Practices Act (FCPA). En vertu de l’expression « while in the territory of the US » présente dans le FCPA, pour fonder la compétence territoriale des États-Unis, il suffit qu’un élément mineur de l’infraction ait un rattachement avec le territoire américain (transit d’un virement par une banque américaine, passage d’un appel téléphonique depuis ou vers le territoire américain, entreprises cotées en bourse sur le territoire américain ou participant à un marché financier régulé aux États-Unis, etc.).

Cette loi d’extraterritorialité a inspiré l’OCDE avec sa convention anti-corruption publiée en 2000 puis par la suite les autorités nationales du Vieux Continent avec la loi Sapin 2 en France en 2016 ou l’UK Bribery Act au Royaume-Uni en 2010. Si l’on devait citer un auteur célèbre pour résumer ce qui s’est passé depuis trente ans, nous pourrions penser sans aucun doute à Antoine de Saint-Exupéry qui a bien expliqué que l’Homme n’accepte le changement que lorsqu’il en est obligé.

 

Le cas chinois

De son côté, la Chine considère qu’elle n’a pas à suivre les normes de l’OCDE, qu’elle considère, comme des normes archaïques. L’empire du Milieu souhaite créer un nouveau droit international et privilégie des normes interactives dans un monde global, interconnecté, interdépendant et instantané. Le pays du Soleil-levant a su se montrer innovant en utilisant l’intelligence artificielle (« Zero Trust »). Il faut savoir que la lutte contre la corruption est l’une des priorités de Xi Jinping depuis son élection en 2013 et le gouvernement chinois affiche une politique de tolérance zéro contre la corruption, comme le montrent les grandes campagnes anticorruptions menées par celui-ci, « Foxhunt » et « Skynet » qui auraient permis de recouvrer plus d’1,4 milliard de fonds détournés par des fonctionnaires corrompus.

En 2015, le neuvième amendement à la loi pénale chinoise a été promulgué avec de nombreuses mesures, notamment l’introduction d’une nouvelle infraction (« offrir un pot de vin à un parent proche ou à toute personne proche d’un fonctionnaire actuel ou ancien de l’Etat »), et l’élargissement de la portée des sanctions pécuniaires pour corruption. Une interprétation judiciaire de 2016 précise la notion de « pot-de-vin », en déterminant qu’un cadeau peut être considéré comme un pot-de-vin lorsqu’il implique des « avantages indus » en contrepartie. Par la suite, en 2020, la lutte contre la corruption s’est élargie au secteur privé et a touché aussi bien des salariés du top management, à l’instar de Hu Huaibang, l’ancien président de la Banque chinoise de développement, que des salariés plus bas dans l’échelle hiérarchique. Les organes d’inspection disciplinaire et de surveillance de tout le pays ont enquêté sur environ 618 000 cas de corruption, conduisant à la condamnation de 604 000 personnes, selon un rapport du principal organisme de lutte contre la corruption de la Chine.

 

Yani Hadar

Expert doté d’une expérience de huit années acquises dans le secteur de la compliance et du contrôle interne (missions dans le financement de projets, l’énergie et le secteur bancaire) et à l’international (France, Luxembourg, Maghreb).