Edito
15H31 - mardi 14 septembre 2021

Éric Zemmour écarté de Cnews ou la censure de la bienpensance de l’homme qui fait peur. L’édito de Michel Taube

 

Actu’Folies de Régis Hector

Eric Zemmour fait peur car les sondages le gratifient déjà 10 % des voies à l’élection présidentielle (sondage Harris Interactive pour Challenges). Il est donc l’homme à abattre pour celles et ceux qui ne veulent pas de grain de sable dans la machine bien huilée qu’ils ont préparée, surtout Marine Le Pen et Emmanuel Macron.

Mais Zemmour dit aussi des vérités qui dérangent trop !

C’est donc sans doute la mort dans l’âme (et dans l’audimat !) que la direction de Cnews a publié lundi matin un communiqué pour exclure son chroniqueur vedette de l’émission quotidienne « Face à l’info » animée par Christine Kelly.

Après que le CSA eut décidé de décompter les apparitions médiatiques d’Éric Zemmour de son temps de parole de possible candidat à la présidentielle, cette exclusion était inévitable. Sur le plan de l’équité, la décision n’a rien de scandaleux. On aurait toutefois pu proposer à l’intéressé de comptabiliser rétroactivement son temps d’antenne, s’il annonçait sa candidature. Et bien sûr, on peut aussi considérer qu’Emmanuel Macron, en tant que président sortant, est déjà en campagne, aux frais du contribuable et sans que son temps de parole soit décompté. Mais il en est toujours ainsi, et pas seulement en France, le sortant ayant toujours la légitimité du président lorsqu’il s’exprime.

À certains égards, Éric Zemmour semble aussi rétrograde que les musulmans radicalisés qu’il dénonce, en particulier s’agissant des femmes. Son raisonnement est fondé sur la nostalgie d’une France qui, comme le Royaume uni ou l’Espagne, fut, mais ne sera plus une grande puissance dominant le monde. Il ne voit pas que face à des puissances comme les États-Unis ou la Chine, et leurs GAFAM et BATX, la souveraineté de la France ne pourra s’exprimer qu’au sein d’un ensemble plus grand, plus puissant, qui ne peut être que l’Europe, quitte à en faire évoluer les institutions politiques et le mode de coopération des États. Il condamne les musulmans à errer définitivement dans les limbes de l’obscurantisme, alors qu’ils avaient commencé à s’en extirper (regardez la défaite déculottée des islamistes aux législatives au Maroc la semaine dernière), avant que les Frères musulmans de les y enferment progressivement, le point de rupture étant certainement la révolution islamique en Iran, à la fin des années 1970.

Mais quand Éric Zemmour affirme que notre civilisation est en danger pour cause de flux migratoires et de natalité, que l’Islam actuel est dominé par des courants traditionalistes et rétrogrades, que nos gouvernants, en particulier Emmanuel Macron, ont été plus brillants dans les discours que dans les actes pour lutter contre ce fascisme bien plus politique que spirituel qu’est l’islam politique, il ne commet aucun racisme. Oui, des pans entiers de notre territoire ne sont plus vraiment en Europe. Les reportages consacrés à la visite d’Emmanuel Macron dans les quartiers nord de Marseille auraient, dans une large mesure, pu être tournés à Alger. La gauche ne supporte pas la vérité. Éric Zemmour en détient une part qui dérange ceux qui nient encore et toujours l’évidence, malgré l’accumulation d’enquêtes et d’études, telles celles que nous avions relatées dans un article consacré aux statistiques ethniques.

Zemmour est excessif et sème la zizanie dans la société française, en commettant parfois des excès inadmissibles, comme le rappellent les dernières tribunes de l’un de nos chroniqueurs Patrick Pilcer. Ses propos sur la Seine-Saint-Denis, s’ils sont justes sociologiquement, pourraient mettre le feu à un département voisin de la capitale.

En tant que candidat à la présidentielle (encore une hypothèse à ce jour), Éric Zemmour dérange et inquiète. Il est moins seul que l’espèrent ses adversaires, et pourrait écarter Marine Le Pen du second tour. Il pourrait ainsi redistribuer totalement les cartes, au point de mettre Emmanuel Macron, si tant est qu’il sorte du chapeau du premier tour, face à un adversaire de droite comme de gauche capable de le battre. Il est plus penseur que chef, mais la Constitution de la Vème République ne fait-elle pas du Président celui qui écrit la partition, et du Premier ministre celui qui la met en musique ?

Éric Zemmour n’obtiendra peut-être pas les 500 signatures d’élus, indispensables à la poursuite de son projet présidentiel. Tout sera fait pour qu’il en soit écarté. Mais sa parole porte et son discours, malgré ses extravagances et parfois quelques amalgames douteux, est construit et cohérent. S’il renonce, il ne se privera peut-être pas de donner ses consignes de vote, directement ou par allusions, d’autant plus que rien ne s’opposerait à ce qu’il retrouve sa place sur l’antenne de Cnews et dans les colonnes du Figaro.

Avant même qu’elle soit officiellement ouverte, la parenthèse Zemmour est loin d’être fermée, malgré les efforts de ses détracteurs.

Zemmour se rêve en Zorro de la France. Ira-t-il jusqu’au bout comme notre héros ?

 

Michel Taube

Directeur de la publication