Edito
05H56 - lundi 7 juin 2021

La Statue de la Liberté ou la 8ème merveille du monde ? L’édito de Michel Taube

 

La France prête aux États-Unis une réplique miniature (moins de trois mètres de haut) de la Statue de la Liberté. Elle quittera le port du Havre le 7 juin pour une arrivée prévue à New York le 4 juillet, jour de la Fête nationale américaine, avant de rejoindre les jardins de la résidence de l’ambassadeur de France à Washington, son lieu de villégiature pour dix ans, durée du prêt de la statue par le Conservatoire National des arts et métiers. Une initiative de l’ambassadeur Philippe Etienne, et d’Olivier Faron, administrateur général du CNAM, en partenariat avec l’armateur CMA CGM, champion mondial de la logistique.  On rappellera que la statue originale, haute de 46 mètres (le double avec son socle) avait été offerte par la France pour le centenaire de la Déclaration d’indépendance des États-Unis (gravée sur la Table que porte la statue dans sa main gauche comme les Tables de la Loi), et fut inaugurée dix ans plus tard, en 1886. Eugène Viollet-le-Duc en fut l’architecte, Gustave Eiffel l’ingénieur et Auguste Bartholdi le sculpteur.

Certains voient dans cette nouvelle initiative un geste politique, la statue symbolisant non seulement la liberté, mais aussi l’hospitalité. Du Biden contre Trump diront les caricaturistes. 

Pourquoi la Statue de la Liberté est-elle la 8ème Merveille du monde ?

Sans la France et les Lumières, les États-Unis ne seraient pas ce qu’ils sont (ou ont été) : le plus emblématique pays démocratique du monde, et l’incarnation de la liberté symbolisée par « La Liberté éclairant le monde » (nom de la statue), un des monuments les plus célèbres de la planète.

Et sans les États-Unis, la France ne serait pas celle que nous connaissons. Le sacrifice de centaines de milliers de jeunes Américains a scellé l’issue des deux conflits mondiaux, nous ayant probablement évité de vivre longtemps sous le joug nazi ou soviétique.

 

Cultiver l’amitié ou cacher la forêt (de désaccords) par un arbre emblématique ?

La France et les États-Unis d’Amérique sont des alliés naturels, qui partagent un socle de valeurs communes aux grandes démocraties. Mais les bons sentiments ne doivent pas faire oublier que les relations internationales sont d’abord une question d’intérêts et de rapports de forces. Donald Trump ne jurait que par « America first ». Malgré les apparences, Joe Biden n’en fait-il pas de même ? La relation entre les États-Unis et l’Europe n’est plus ce qu’elle était. Malgré l’Histoire et malgré l’OTAN, il ne faut plus compter sur la protection américaine face à l’adversité, qu’elle soit russe, chinoise ou islamiste. Les États-Unis nous concurrencent, nous espionnent (merci amis Danois), nous utilisent, parfois nous méprisent et nous font comprendre que nous sommes des nains géopolitiques.

Régis Hector, Liberté retrouvée

Deux conceptions pour une même liberté

Si cette nouvelle Statue de la Liberté se veut un symbole des liens d’amitié et de fraternité entre nos deux nations et nos deux peuples, la France et les États-Unis ont-ils seulement encore la même conception de la liberté ? Pour l’Oncle Sam, elle est LA vertu cardinale, celle qui surpasse et éclipse toutes les autres. Liberté d’entreprendre, liberté d’expression, liberté débridée que les pionniers ont conquise l’arme à la main… en massacrant les autochtones indiens dans ce qui fut un des plus grands génocides de l’Histoire. Souvent la liberté donne des ailes, parfois elle donne des armes !

Avec la statue qui la célèbre, la liberté accueille les migrants arrivant à New York, hier par bateau, aujourd’hui par avion. Esprit des Lumières, es-tu là ? Il imprègne en tout cas la Constitution des États-Unis. Mais son premier amendement, qui sacralise la liberté d’expression, sert aussi de fondement à la diffusion et à la promotion des idées les plus funestes. Et il n’a pas empêché les réseaux sociaux de censurer Donald Trump.

La liberté américaine est entravée, non pas par la loi (même si la diffamation existe aussi aux États-Unis), mais par le puritanisme et aujourd’hui par la tyrannie des minorités et la « cancel culture » prônée par les « woke », cette extrême gauche qui s’est imposée dans les universités et aspire à le faire au sein du parti démocrate, puis de l’État. En juin 2020, la romancière britannique J.K. Rowling avait été sévèrement attaquée pour avoir tweeté que la différence des sexes était une évidence biologique. Liberté d’être d’accord ou de se soumettre, liberté pervertie et en péril.

En France, la liberté n’est qu’une des composantes de notre triptyque républicain, aux côtés de l’égalité (des droits, en réalité, ou des conditions écrivait Tocqueville) et de la fraternité, qu’il est difficile de traduire en droit, sauf en la réduisant à la solidarité qui renvoie à la redistribution. L’expression religieuse illustre la différence de conception de la liberté dans les deux pays : outre-Atlantique, la laïcité française est considérée comme une atteinte à la liberté religieuse, quand bien même serait-elle ostentatoire ou agressive. La religion y est bien plus présente qu’en France, à tel point qu’un candidat à la présidence qui se déclarerait athée n’aurait aucune chance d’être élu. 

Alors que la planète se prépare à affronter des périls immenses, ne serait-ce que le réchauffement climatique, renforcer les liens d’amitié, même par des symboles, ne peut nuire. Quelle liberté disions-nous ? Quelle amitié aussi ?

Pour l’heure, la Statue de la liberté, par sa puissance émotionnelle et citoyenne (pensons à ces millions de migrants qui voyaient poindre la flamme de la Statue en arrivant par bateau dans la baie de Long Island), par sa féminité, est bien la 8ème Merveille du monde !



Michel Taube

 

 

 

 

 

 

 

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