Edito
11H50 - jeudi 20 mai 2021

Et maintenant, croisons les doigts !

 

L’édito de Michel Taube

Mercredi 19 mai, 10 heures. Quartier des Halles à Paris. Sur une terrasse, un groupe de joyeux lurons fête comme il se boit (non, ce n’est pas une faute de frappe) la réouverture des cafés et bars, du moins en extérieur. A l’heure du petit noir, ils en sont au gros rouge ou équivalent dans lequel ils trempent leurs croissants et tartines. Ivres dès le matin, de joie et d’alcool ! Un parfum de libération ou de victoire en coupe du monde de foot… ou d’Eurfoot en juillet prochain. Du matin au soir et jusqu’à 21 heures (nouvel horaire du couvre-feu), les terrasses de France et de Navarre sont assaillies de drogués en manque, non pas d’alcool (dont la consommation à domicile a augmenté avec la crise sanitaire), mais de liberté, de convivialité, de normalité. « Vite, ma dose de normalité ! » Qui aurait pu imaginer cela au début de l’année précédente ?

En théorie, les terrasses doivent être occupées à 50 % de leurs capacités d’accueil. Toutefois, le protocole du gouvernement prévoit une exception pour les terrasses de moins de 10 tables à condition que les tables soient séparées par une installation « visant à prévenir les projections entre les tables… » (Atchoum !). Mais alors, pourquoi ne pas supprimer toute jauge si les tables sont équipées de telles séparations, puisque nous sommes en plein air ? 

Comme lors du premier déconfinement, il y a un an, la plupart des établissements prennent quelques libertés avec le protocole gouvernemental, en particulier en ce qui concerne le respect des jauges. On peut discuter du bien-fondé et de l’efficacité sanitaire de ce protocole, mais aussi déplorer cette nouvelle manifestation de la dislocation de l’autorité de l’État, un État capable de fermer administrativement pour un mois un boulanger qui a vendu du pain après l’heure du couvre-feu (nous en avons un exemple dans le 19ème arrondissement de Paris) mais qui se couche devant tout phénomène de masse.

Fort avec les faibles et faible avec les forts, comme trop souvent.

D’ici trois semaines, le 9 juin exactement, la limite des 50 % tombera en terrasse, mais s’appliquera en salle (sauf pour les restaurants d’hôtels), avec une autre limite de six personnes par tablée. Le couvre-feu sera repoussé à 23 heures. Le 30 juin, la seule restriction qui demeurera sera l’obligation de consommer assis (donc les zincs resteront déserts). Mais tout cela sous réserve que l’épidémie ne reparte pas.     

Dans quelques pays, comme le Danemark ou Israël ou partiellement dans l’État de New York, un passeport sanitaire est exigé pour entrer dans un hôtel, un restaurant ou un musée. La France, malgré son taux de vaccination encore très faible (moins de dix millions de personnes pleinement vaccinées) n’a pas fait ce choix. C’est un pari dont on ne sait s’il relève de l’audace ou de la témérité… ou de la pré campagne électorale.

Hier soir, non seulement les terrasses étaient bondées, mais les gestes barrières étaient oubliés : accolades et embrassades, port du masque abandonné, les Français, et tout particulièrement les jeunes qui sont très peu vaccinés, se comportent comme si le Covid avait disparu dans la nuit du 18 au 19 mai.

Dans de telles conditions, le gouvernement ne devrait-il pas prendre acte de cette réalité, et anticiper le retour à la pleine liberté ? Il joue la montre, espérant pourvoir accélérer la campagne de vaccination, sans que les variants résistants au vaccin ne la ruinent. D’ici une dizaine de jours, un premier bilan de cette nouvelle étape vers la liberté pourra être dressé. Si le pari semble gagné, si l’épidémie reste maîtrisée malgré le relâchement évident des Français et les entorses au protocole sanitaire, alors il serait dommage de ne pas accélérer le calendrier de déconfinement.

Il demeurera un regret : si des protocoles sanitaires adaptés à chaque établissement avaient été mis en place, si notre droit était davantage fondé sur une obligation de résultat atténuée (qui revient à faire confiance aux professionnels et aux entreprises tout en les responsabilisant) que sur une obligation de moyen (d’innombrables protocoles, dont il faut néanmoins reconnaître qu’ils ont été simplifiés au fil de la crise), si certaines activités avaient été soutenues, non pas pour compenser leur mise à l’arrêt, mais pour permettre leur ouverture dans de bonnes conditions sanitaires (notamment par des aides à l’installation de dispositifs de séparation des tables, de purificateurs ou d’extracteurs d’air dans les restaurants), bien des fermetures auraient pu être évitées.

Emmanuel Macron n’a jamais respecté sa promesse électorale de faire de la prévention le pivot de sa politique sanitaire, ni n’a admis qu’elle pouvait avoir des effets immédiats dans cette crise du Covid. Maintenant, il lui reste, il nous reste à croiser les doigts pour ne pas subir une nouvelle vague virale dans quelques semaines.

Vive la vie et vive la prévention ! C’est le seul cocktail qui permettra de vivre avec le Covid !

 

Michel Taube

 

 

 

 

 

 

 

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