Edito
07H57 - mardi 11 mai 2021

Dans la nouvelle série « Les tontons-flingueurs », Dupond-Moretti dans le Nord : abattre Xavier Bertrand pour éliminer le principal rival de Macron à droite. L’édito de Michel Taube

 

Copyright Alain Elorza pour Opinion Internationale

Samedi, en gravissant les terrils du 11-19 à Loos-en-Gohelle dans le Nord-Pas-de-Calais, la déambulation médiatique autour d’Éric Dupond-Moretti avait un peu des allures de pèlerinage de Mitterrand à Solutré il y a quarante ans. Peut-être que dans sa nouvelle vie d’homme politique, l’ancien ténor des barreaux renouvellera-t-il l’exercice tous les ans ?

Pour l’heure, après l’annonce de Xavier Bertrand qu’il se retirerait de la politique en cas d’échec aux régionales et l’arrivée d’Éric Dupond-Moretti sur la liste de LREM, l’élection régionale de juin vient de prendre une dimension nationale et psychodramatique dans les Hauts de France.

La politique, dans la conquête comme dans l’exercice du pouvoir, est un combat sans merci ni morale. L’Élysée, c’est comme la coupe du monde de foot. Le graal. Le coup tordu et la trahison y sont monnaie courante. Giscard-Chirac, Chirac-Balladur, Mitterrand-Chirac, et Macron-Hollande, évidemment. Certains ont eu droit à une élection dans un fauteuil (Georges Pompidou, Jacques Chirac face à Le Pen père). De Gaulle fut désigné par l’Histoire (ou c’est plutôt lui qui y entra de plain-pied). Hollande peut remercier les hormones de Strauss Kahn et Macron les juges qui se sont payés la tête de Fillon.

Mais pour être réélu l’an prochain, la chance ne suffira pas. Il faudra cogner dur. D’abord, dégommer tous ceux qui pourraient empêcher la réédition de l’édition 2017. Match retour, quoi ! Sauf que l’analogie footballistique s’arrête là. Malgré l’incroyable concours de circonstances qui l’a conduit au pouvoir, Emmanuel Macron fut un excellent candidat. Pour l’excellence de la gouvernance (le Président préside et gouverne sous la Vème), c’est bien moins convaincant ! Si l’alternative en 2022, c’est l’extrême droite, le sortant en porterait une grande part de responsabilité. Le RN assène quelques vérités, partagées par l’immense majorité des Français. Traiter de fachos tous ceux qui veulent contrôler l’immigration et lutter contre l’islam politique (comme le veulent les Verts allemands, qui pourraient accéder au pouvoir encore cette année) est peu hâtif. Mais l’extrême droite reste l’extrême droite, le RN n’étant que la face présentable d’une nébuleuse aux traditions bien trempées.

Emmanuel Macron se dit que le Front républicain se fera derrière lui, qu’il aura encore le talent de convaincre et de séduire, et de démonter Marine Le Pen dans un débat télévisé du second tour. La droite républicaine, ultra divisée et en crainte de perdition, n’a pour le moment que deux candidats de poids : Valérie Pécresse et Xavier Bertrand. Ce dernier a donc mis son avenir politique en jeu. C’est honnête. C’est courageux !

Certes, il ne faut jamais dire jamais, surtout en politique, mais cette annonce a revigoré Emmanuel Macron. Envoyé son pit-bull Dupond-Moretti pour faire le coup de poing – de gueule en tout cas – dans les Hauts de France, c’est se payer une répétition des présidentielles : le duel Macron-Le Pen. Et ça marche. Le retrait de Bertrand de la scène en cas d’échec est même passé au second plan. Éric Dupond-Moretti n’est pas tête de liste (c’est Laurent Pietraszewski, à la notoriété à peine locale), mais dans les esprits, il est l’adversaire de Sébastien Chenu, le candidat RN. Xavier Bertrand est surtout celui d’Emmanuel Macron, dont l’ombre planera sur cette élection.

Le dernier sondage avant l’entrée en lice tonitruante de l’aboyeur de la place Vendôme donnait Bertrand et Chenu au coude à coude, le président sortant… s’en sortant de justesse. Laurent Pietraszewski est loin derrière. Il ne gagnera pas.

À qui LREM prend-elle le plus de voix dans les Hauts de France ? Laurent Pietraszewski se désistera-t-il en faveur de Xavier Bertrand au second tour ? LREM peut-elle le faire perdre ? Ce serait un coup peut-être tordu, mais surtout de maître, pour Macron.

Mais quoi qu’il advienne, Dupond-Moretti, et donc Macron, ne perdront pas, en ce que l’opération permettra de mieux installer dans les esprits le binôme de 2017. Mais ladite opération peut aussi être ressentie comme une « combinazione » de bas étage. Les Français ne veulent pas d’un bis repetita de 2017. Le leur imposer, comme tente de le faire Emmanuel Macron peut aussi lui coûter cher. Et nous coûter cher !

Avec Dupond-Moretti comme porte-flingue, la course à l’Élysée, c’est de plus en plus les tontons flingueurs.

 

Michel Taube

 

 

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